La Scandinavie au Moyen Âge
Sur l'histoire primitive de la Péninsule scandinave, on n'a d'autres renseignements que quelques textes obscurs des géographes de l'Antiquité classique et les résultats des fouilles archéologiques. Pline l'Ancien parle des « îles » de Scandia et de Nerigon (Norvège?), d'où l'on s'embarquait pour Thulé (Islande?). Tacite nomme les Suiones (Suédois) et Ptolémée les Goths (Gutaï). Il n'est pas douteux que la civilisation des pays scandinaves ait été pendant des siècles très analogue à celle que César et Tacite ont décrite, en parlant des Germains de Germanie qui se trouvèrent en contact avec les armées de Rome.
L'Europe Médiévale fera surtout connaissance avec les peuples du Nord au travers des raids et des invasions des Vikings. Alors même que les campagnes des Vikings continue, à cette première époque succède une période d'organisation politique de la péninsule Scandinave. Plusieurs royaumes se forment en Suède et en Norvège.
La Suède, fut primitivement habitée par des Finnois, puis conquise par les Goths, qui en occupèrent surtout la partie méridionale, à laquelle leur nom est resté. Elle fut longtemps partagée en plusieurs États indépendants, qui au Xe siècle se réduisirent à deux : Suède propre et Gothie. Ces deux États n'en firent plus qu'un au commencement du XIIe siècle : c'est Olaus Skotkonung qui opéra cette réunion et qui le premier, prit le titre de roi de Suède. Le pays était alors gouverné par des rois de la dynastie de Lodbrog. En Norvège, comme en Suède, c'est à la formation de petits États que l'on assiste dans un premier temps. Harald Ier soumit ces États jusqu'alors indépendants vers la fin du IXe siècle et fonde l'unité de la Norvège. Ce fut aussi sous Harald que les Norvégiens colonisèrent l'Islande, les Orcades et les Hébrides et les Shetland (Islande et Groenland au Moyen âge), et qu'il ravagèrent les côtes de l'Angleterre et de France, pénétrant même jusque dans la Méditerranée.
L'époque des Vikings
Les Anciens regardaient la Scandinavie comme formant, avec les îles de Danemark, un archipel de l'océan Glacial ou mare Pigrum. Cet archipel comprenait, selon Pline et Ptolémée, quatre îles principales, car la profondeur des golfes ou fjords qui découpent les côtes les faisait prendre pour, des détroits. Ces îles étaient Nérigon, la Norvège méridionale; Bergi, la Norvège septentrionale, où se trouve Bergen; Scandia, la partie de la Suède nommée Scanie, et Dumnos, où l'on croit voir le Danemark; dont l'ancien nom était Daun-Maere.
Toujours au dire des auteurs de l'Antiquité, quatre peuples principaux habitaient ces îles :
Si l'on excepte le Goths (et à supposer, qu'ils partirent bien du Sud de la Suède, plutôt que des rives méridionales de la Baltique), les Germains de la péninsule scandinave ne prirent pas part aux premières attaques des autres Germains contre l'Empire romain; mais, à partir du VIe siècle, lorsque le flot principal des populations germaniques et slaves se fût définitivement écoulé au Sud et à l'Ouest, ils s'ébranlèrent à leur tour. Ils ont ainsi, seuls, prolongé pendant quatre cents ans (de VIe au Xe siècle) la période historique de ce que l'on trouve classiquement désigné sous le nom d'invasions barbares.
Depuis des temps immémoriaux, les habitants du Nord s'étaient livrés à des courses maritimes Tacite dit déjà que les Suiones ont de nombreux vaisseaux. C'est par la voie de mer que s'effectua l'exode des populations scandinaves, déterminé, sans doute, tant par le surpeuplement de territoires médiocrement fertiles que par les querelles intestines (qui forçaient les vaincus à s'expatrier). Le goût des aventures fut aussi, à l'origine, un mobile décisif, ainsi que, plus tard, l'influence de l'exemple. Il n'y eut jamais, du reste, d'émigration en masse. Les invasions « normandes », des « Hommes du Nord » ou Vikings (= ceux des baies ou des fjords), ont été faites par des bandes, non par des peuples. Ces bandes étaient même, pour la plupart, composées d'hommes qui appartenaient à différentes populations vivant en Scandinavie : il y avait souvent, dans les mêmes bandes, des Suédois, des Norvégiens, des Danois. Il ne faudrait pas croire, comme cela paraît imaginable a priori, que les Suédois se soient répandus exclusivement à l'Est, les Danois et les Norvégiens à l'Ouest; toutes les tentatives faites, de nos jours, pour rattacher à l'une des trois grandes familles scandinaves en particulier les invasions en Grande-Bretagne, en Neustrie, en Russie, etc., ont échoué.
L'aire géographique des invasions scandinaves du VIe au Xe siècle est immense. On a vu, dès le VIIIe siècle, les Vikings en Irlande; du IXe datent les royaumes « norois-» de Dublin, de Waterford et de Limerick. Les Shetland, les Orcades, les Féroë, l'Islande - pays déserts ou habités seulement par des ermites celtiques - furent colonisés au IXe siècle; un peu plus tard, le Groenland, les côtes du Labrador (Hälleland) et de la Nouvelle-Écosse (Vinland). Les Scandinaves ont visité toutes les côtes de l'Europe jusqu'au détroit de Gibraltar, guerroyé contre l'Empire de Charlemagne et l'Empire mauresque d'Espagne, fondé des établissements en Grande-Bretagne (royaumes «-danois » de l'Angleterre du Nord), en France (Normandie), etc. A l'Est, les Varègres ou Varègues (Varingar = soldats) scandinaves pénétrèrent par la Finlande et les plaines russes jusqu'à la mer Blanche (Biarmie) et à la Caspienne: ils fondèrent un grand État à Novgorod, et fournirent des mercenaires aux empereurs de Constantinople et aux rois de Géorgie.
Pendant ces quatre cents ans de prodigieuse expansion, la civilisation des Scandinaves se modifia. Ils cessèrent d'être en relations avec les autres Germains et furent mis en contact (sauf dans leurs colonies océaniques, où les vieux usages se conservèrent) avec des populations très diverses : Lapons, Finnois, dans leur péninsule même; Celtes, Gallo-Romains, Byzantins, Sarrasins. On a retrouvé, dans les tombes scandinaves du VIe au Xe siècle, des quantités énormes d'objets et de monnaies de provenance lointaine, apportés soit par le commerce, soit comme butin de guerre. La christianisation du pays fut aussi un effet indirect des invasions. Le premier apôtre de la Suède fut un moine de Corvey, Anskar (saint Ansgaire) au temps de l'empereur carolingien'-Louis le Pieux. Mais l'oeuvre entreprise par Anskar ne fut menée à bonne fin que près de trois siècles après sa mort.
La formation des deux royaumes du Nord
Le premier État scandinave.
Les premiers centres politiques paraissent s'être formés dans la région des lacs suédois (Mälar, Venern, Vettern), et aux environs des fjords de Trondheim et d'Oslo. A l'époque où Anskar visita la Suède, le roi de la région des lacs (ou Suède proprement dite, dont le grand sanctuaire odinique (La Religion nordique d'Upsala était le centre religieux) était aussi le maître de la Gothie, qui, jadis, avait formé un État indépendant. Vers la fin du Xe siècle, Éric le Victorieux, de la dynastie des Ynglingaätten, fit de ce royaume suédois, déjà ancien, un grand État. Son fils fut Olaf Skotkönung, le premier roi chrétien (baptisé en 1008), le premier qui ait fait frapper des monnaies à son effigie.
L'émancipation de la Norvège.
Les tribus des Traender avaient formé de très bonne heure une confédération sur les bords du fjord de Trondheim. Plusieurs districts voisins du fjord de Christiania (Oslo) furent réunis dans la première moitié du IXe siècle sous le sceptre de la dynastie des Ynglinger, originaires du Vestfold, qui faisait remonter son origine aux anciens rois d'Upsala en Suède. Un membre de cette famille, Harald Haarfagr, soumit le pays de Trondheim, puis les régions indépendantes de l'Ouest norvégien (bataille navale du Hafrsfjord, 872). Ainsi fut constitué le premier grand État norvégien.
Beaucoup d'hommes des districts annexés par Harald s'exilèrent: c'est de ces événements que datent les grandes colonisations norvégiennes dans les îles de l'Océan; mais Harald poursuivit ses ennemis jusqu'aux Orcades où il installa des comtes (jarler) en 875. Après la mort du fondateur (vers 933), son héritage fut disputé entre ses descendants et les descendants de ses descendants, soutenus soit par le Danemark, soit par la Suède, pendant un siècle. Haakon, fils d'Harald, qui avait été élevé à la cour des rois anglo-saxons d'Angleterre, détrôna son frère Erik Blodoeks (à la hache sanglante) avec l'appui des gens de Trondheim. C'est aussi chez les Traender que puisèrent successivement la force de dominer tout le pays le jarl Haakon, vainqueur des Vikings de Jom, et Olav Trigvessoen, arrière petit-fils de Haarfagr. Olav avait visité, dit-on, dans sa jeunesse, les principaux établissements norois d'outre-mer, l'Angleterre et Novgorod. Il était chrétien. Il entreprit de convertir les Norvégiens de Norvège et ceux d'Islande, des Feroë et du Groenland par la force. Il périt (9 septembre 1000) dans une bataille navale, près de Rügen, au retour d'une expédition contre les Vendes, sous les coups d'Eric, fils du jarl Haakon, aidé par les Suédois et les Danois.
Les Scandinaves dans les îles de l'Atlantique Nord
Les Vikings, partis des côtes de la Péninsule scandinave et du Danemark fondèrent au Moyen âge plusieurs établissements sur diverses îles du Nord de l'Atlantique. En Islande et au Groenland pour commencer. L'Islande, connue de longue date ne ne devint une destination pour les Vikings qu'à partir de 861. Il fut ensuite peuplée par des colons venus de Norvège. Le Groenland de son côté fut découvert en 876, puis colonisé à partir de 983 par Eric le Rouge, qui lui donna le nom Groen land à cause de son aspect verdoyant. La colonie qu'il fonda disparut en 1406. On a ajouté dans cette page quelques informations sur des petites îles dont les Vikings prirent également possession : les Hébrides, les Orcades, les Shetland, l'île de Man et les Feroë.
L'Islande
Peut-être connue dans l'Antiquité sous le nom I'Ultima Thulé, l'Islande n'a d'abord été peuplée, semble-t-il, que par des ermites. L'île fut redécouverte en 861 par le Viking norvégien Naddoddr qui la nomma Snjaland ( = Terre de neige). De 868 à 874 plusieurs seigneurs, mécontents de la tyrannie d'Harald, quittèrent la Norvège et vinrent fonder en Islande la première colonie sous la conduite d'lngolf. Le premier établissement permanent fut créé en 876 à Reykjavik. En 928 la colonie était déjà florissante et possédait une sorte de gouvernement aristocratique. En 996, le christianisme y fut introduit. L'île resta paisible et indépendante jusqu'en 1262 : une révolution la soumit alors à la Norvège : la majorité du peuple prêta le serment d'obéissance à son roi Haakon, l'Islande restant de fait indépendante avec ses lois et sa constitution. Après l'union des monarchies danoise et norvégienne en 1387 (Union de Kalmar), le roi de Danemark fut reconnu comme souverain d'Islande.
Le Groenland
Le Groenland fut découvert par le Viking Gunnbjoern, qui visita la côte Est en 876 ou 877. En 983, Eric le Rouge, fils d'un jarl de Jadar, en Norvège, doubla le cap Farewell et navigua en remontant la côte Ouest jusqu'au lieu où s'élève aujourd'hui Julianeshaab. Il donna à la terre le nom de Groenland et au bras de mer celui d'Ericsfiord. En 985, il retourna en Islande et fit voile de nouveau avec 25 navires chargés d'émigrants et des choses nécessaires à la fondation d'une colonie. Il atteignit Ericsfjord avec 14 navires (le reste ayant été perdu ou forcé de retourner), et il créa un établissement. Eric se déclara seul possesseur du territoire. Les différents établissements qui s'élèvent autour d'Ericsfjord furent appelés collectivement Ostre Bygd (pays de l'Est) et ceux que l'on créa plus au Nord, Westre Bygd (pays de l'Ouest). A une époque, il y eut plus de 300 fermes et villages entre Disko et le cap Farewell On bâtit des églises et des monastères, et au XIIe siècle le Groenland fut érigé en évêché. Le dernier évêque fut consacré en 1406 et le siège fut abandonné en 1409; 60 ans auparavant, le Westre Bygd avait été ravagé par des Inuit. Vers 1420, des pirates anglais détruisirent ce qui restait des colonies, dont on oublia l'emplacement.
Les Hébrides
Les habitants des Hébrides vécurent à peu près autonomes, sous leurs chefs, jusqu'au IXe siècle. Les Hébrides furent, avec le royaume de Man, soumises à la Norvège vers 870. Elles restèrent dans sa dépendance jusqu'en 1266, où la bataille de Largs fit passer la suzeraineté nominale à l'Écosse. En fait, les chefs y étaient indépendants. Le principal Macdonald, se subordonna les autres et prit le titre de lord des îles (1346). En 1540, l'annexion fut consommée et maintenue malgré un insurrection en 1614. Cependant ce ne fut qu'en 1748 que les héritiers des anciens chefs furent définitivement annihilés par un acte du Parlement qui les priva de leurs droits.