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Rois de la Maison de Jelling (1016-1042)

Rois de la Maison de Jelling (1016-1042)

1. Sven Ier, dit à la barbe fourchue (1013-1014)

Une figure clé des relations nordiques et anglo-saxonnes

Sven Ier, surnommé « à la barbe fourchue » en raison de sa célèbre moustache bifurquée, demeure une figure marquante de l’histoire européenne du début du XIe siècle. Roi du Danemark et éphémère souverain d’Angleterre, il a marqué son époque par ses ambitions, ses conquêtes et son rôle dans la formation d’un empire anglo-scandinave. Héritier de Harald à la dent bleue, Sven Ier a navigué entre guerre, politique et alliances pour consolider sa position dans une Europe en mutation. Ce texte explore sa vie, son règne et ses impacts durables.

La vie de Sven Ier : De prince danois à conquérant

Sven Ier naît dans une époque marquée par les rivalités entre royaumes nordiques et la montée en puissance des ambitions vikings. Fils de Harald à la dent bleue, il est plongé dès son jeune âge dans les intrigues de cour et les conflits dynastiques. Harald, son père, est connu pour avoir introduit le christianisme au Danemark, une décision qui crée des tensions internes dans le royaume.

En 986, Sven prend les rênes du pouvoir, probablement après avoir renversé son père dans une lutte fratricide. Ce coup d’État marque son caractère audacieux et stratège. Il se distingue rapidement par son habileté militaire et politique, consolidant son contrôle sur le Danemark tout en cherchant à étendre son influence.

Le règne de Sven Ier : Une double couronne pour un roi ambitieux

Roi du Danemark et l’affirmation de la puissance scandinave

En tant que roi du Danemark, Sven Ier s’attelle à renforcer l’économie et la structure administrative de son royaume. Sous son règne, le Danemark devient un acteur clé dans les échanges commerciaux de la mer du Nord, reliant les marchés européens et scandinaves. Il poursuit également les raids vikings traditionnels, ce qui lui permet de financer ses campagnes tout en maintenant l’esprit martial de ses guerriers.

La conquête de l’Angleterre

L’ambition de Sven ne se limite pas au Danemark. Dès le début des années 1000, il lance une série d’attaques en Angleterre. Ces campagnes culminent en 1013 lorsqu’il profite des troubles internes du royaume anglo-saxon, affaibli par les luttes intestines et les invasions. Face à un roi Æthelred le Malavisé en déclin, Sven parvient à s’imposer comme souverain de facto. Sa victoire est facilitée par le soutien de certaines factions anglaises, exaspérées par la faiblesse de leur propre roi.

Les impacts de son règne sur le Danemark, l’Angleterre et l’Europe

Une influence durable au Danemark

Le règne de Sven pose les bases d’un empire scandinave durable. En consolidant le pouvoir royal et en créant des liens économiques solides avec l’Europe, il ouvre la voie à une stabilité politique qui bénéficie à ses successeurs. Son fils, Knud le Grand, hérite d’un royaume prêt à jouer un rôle majeur sur la scène européenne.

Les répercussions en Angleterre

En Angleterre, l’épisode du règne de Sven, bien que bref, a des conséquences majeures. Il marque le début de l’intégration anglo-scandinave, un processus qui se poursuivra sous Knud. La domination danoise contribue à modifier les structures administratives anglaises, introduisant une influence nordique durable.

Les retombées européennes

Sur le plan européen, Sven Ier illustre la capacité des royaumes nordiques à jouer un rôle décisif dans les dynamiques continentales. Sa conquête d’une partie de l’Angleterre montre la puissance des royaumes scandinaves face à des royaumes plus établis comme ceux des Francs ou des Saxons. Ce pouvoir de projection scandinave résonne dans les décennies suivantes, consolidant l’image des Vikings comme bâtisseurs d’empires et non seulement comme pillards.



2. Knut le Grand (1016-1035)

Une figure centrale de l'Europe médiévale

Knut le Grand, fils de Sven à la barbe fourchue, marque l’histoire européenne par sa capacité à construire et à maintenir un empire nordique s’étendant sur trois royaumes majeurs : l’Angleterre, le Danemark et la Norvège. Homme de guerre, stratège politique et administrateur visionnaire, son règne (1016-1035) constitue l’apogée de l’influence scandinave en Europe. À travers ses conquêtes et ses réformes, Knut établit une période de prospérité et de stabilité inédite. Ce texte détaille sa vie, son règne et les impacts de ses décisions sur ses territoires et l’Europe médiévale.

Une ascension au pouvoir entre guerre et alliances

Héritier du Danemark et prétendant à l’Angleterre

Knut hérite du trône danois après la mort de son père, Sven, en 1014. Cependant, son ambition ne se limite pas au Danemark. Inspiré par les efforts inachevés de Sven en Angleterre, Knut lance une campagne militaire contre Æthelred le Malavisé et, après la mort de ce dernier, contre son fils Edmond Côte-de-Fer. La victoire décisive de Knut à la bataille d’Assandun en 1016 lui ouvre les portes du trône anglais.

Consolidation par l’alliance matrimoniale

Pour asseoir sa légitimité en Angleterre, Knut épouse Emma de Normandie, veuve d’Æthelred. Ce mariage lui permet de renforcer son contrôle sur le royaume tout en obtenant le soutien des Normands, un allié clé dans un contexte de rivalités dynastiques et territoriales. Cette alliance matrimoniale symbolise l’habileté politique de Knut, qui combine pouvoir militaire et alliances stratégiques.

Le règne de Knut : L’apogée de l’empire nordique

Une gouvernance efficace et innovante

Knut établit un système de gouvernance qui combine les traditions scandinaves et anglo-saxonnes. Il conserve les institutions locales anglaises, notamment les shires et les comtés, tout en introduisant des éléments de centralisation scandinave. Cette fusion permet une administration stable et efficace.

Le « Danegeld », un système de taxation basé sur les contributions militaires, est l’un des piliers de son règne. Cet impôt assure la sécurité du royaume tout en finançant des infrastructures et des forces militaires capables de protéger l’empire contre les menaces extérieures.

Une paix durable en Angleterre et au-delà

Knut met fin à des décennies de raids et de conflits en instaurant une paix relative dans ses territoires. Il sécurise les frontières de l’Angleterre, élimine les factions rebelles et met en place une diplomatie active avec les puissances européennes. Par exemple, il renforce ses liens avec le Saint-Empire romain germanique en épousant des alliances matrimoniales et diplomatiques qui renforcent son autorité.

Les impacts de son règne sur ses territoires et l’Europe

L’Angleterre : Une prospérité retrouvée

Sous Knut, l’Angleterre connaît une période de stabilité et de croissance. Les réformes fiscales et administratives apportent des ressources pour le développement des infrastructures, tandis que la paix permet un essor économique. Knut devient un souverain respecté par les élites anglaises, prouvant que son règne n’est pas une simple occupation étrangère mais une véritable intégration politique.

Un empire nordique unifié

L’unification du Danemark, de la Norvège et de l’Angleterre sous Knut marque l’apogée de l’empire anglo-scandinave. Cette union renforce le commerce maritime, particulièrement autour de la mer du Nord, et établit des routes commerciales prospères entre l’Europe continentale et les royaumes nordiques. Knut utilise sa puissance pour influencer les affaires européennes, devenant un acteur incontournable de la diplomatie continentale.

Une influence durable sur l’Europe médiévale

La gouvernance de Knut sert de modèle pour d’autres royaumes européens. Il démontre que les royaumes nordiques peuvent rivaliser avec les grandes puissances du continent non seulement par la force militaire, mais aussi par des réformes politiques et administratives. Son règne contribue à l’intégration des cultures nordiques et anglo-saxonnes, un héritage qui perdure bien après la fragmentation de son empire.



3. Harold Pied-de-Lièvre (1037-1040)

Un roi contesté dans l’ombre de Knut le Grand

Harold Pied-de-Lièvre, fils illégitime de Knut le Grand, accède au trône anglais dans des circonstances complexes et controversées. Son règne, court et instable, s’inscrit dans une période de transition pour l’empire anglo-scandinave, encore marqué par l’héritage de Knut. Bien que soutenu par des factions anglo-saxonnes, Harold se heurte à de nombreux défis, notamment l’opposition de sa belle-mère, Emma de Normandie, et de son demi-frère légitime, Hardeknut. Ce texte explore les éléments clés de son accession au pouvoir, les controverses de son règne et ses conséquences sur l’Angleterre médiévale.

Une accession contestée : Le pouvoir arraché par la force

Un héritage compliqué

À la mort de Knut en 1035, son empire est divisé entre ses deux fils : Hardeknut hérite du Danemark et de l’Angleterre, tandis que Harold n’est initialement pas prévu pour régner. Cependant, Hardeknut, retenu au Danemark pour défendre ses terres face à la Norvège, tarde à prendre possession de l’Angleterre. Ce vide politique ouvre une opportunité pour Harold.

Le soutien des Anglo-Saxons

Harold obtient le soutien des nobles anglo-saxons, désireux de limiter l’influence des Scandinaves et d’Emma de Normandie, qui défend les droits de son fils Hardeknut. En 1037, Harold s’empare du trône par un coup d’État, exploitant l’absence prolongée de son demi-frère.


Un règne marqué par la violence et l’instabilité

La mort tragique d'Alfred Ætheling

L’un des actes les plus controversés de Harold est son implication présumée dans la mort d’Alfred Ætheling, le frère cadet d’Édouard le Confesseur et fils d’Emma de Normandie. Alfred est capturé et exécuté brutalement lors d’une tentative de regagner l’Angleterre pour soutenir les droits de sa famille. Cet événement alimente une profonde crise morale et politique, ternissant la légitimité du règne de Harold.

Une instabilité croissante

Le règne de Harold est marqué par une instabilité généralisée. Sa prise de pouvoir suscite des divisions entre les partisans d’Hardeknut, principalement en Wessex, et ceux de Harold, centrés dans le Mercie et le Nord. L’administration du royaume se détériore, et Harold peine à asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire.

La fin du règne et ses conséquences

La mort de Harold

Harold meurt subitement en 1040, dans des circonstances peu claires. Son règne de seulement trois ans laisse l’Angleterre affaiblie et divisée. Sa mort permet à Hardeknut de revenir en Angleterre et de reprendre le trône sans opposition majeure, mais les tensions générées par le règne de Harold perdurent.

Le retour de Hardeknut

Hardeknut hérite d’un royaume fragilisé par les divisions internes et les controverses du règne de Harold. Bien qu’il parvienne à restaurer l’autorité centrale, son règne sera lui aussi de courte durée, soulignant la fragilité du pouvoir anglo-scandinave après la mort de Knut le Grand.

Impacts et héritage

Une crise dynastique majeure

Le règne de Harold symbolise les difficultés rencontrées par l’empire anglo-scandinave pour maintenir son unité après la mort de Knut. Les luttes de pouvoir entre ses héritiers affaiblissent la position du royaume d’Angleterre, ouvrant la voie à des troubles qui culmineront avec la conquête normande en 1066.

Une perte de légitimité

Les actes violents de Harold, notamment la mort d’Alfred, ont un impact durable sur la perception de sa légitimité et celle de ses successeurs scandinaves. Cette période chaotique contribue à fragiliser l’intégration entre les élites anglo-saxonnes et scandinaves, compromettant l’héritage de Knut le Grand.



4. Hardeknut (1040-1042)

Une succession fragile et un règne éphémère

Hardeknut, fils légitime de Knut le Grand et d’Emma de Normandie, monte sur le trône d’Angleterre en 1040, succédant à son demi-frère Harold Pied-de-Lièvre. Malgré son ascendance prestigieuse, son règne de deux ans est marqué par des divisions internes, des décisions controversées et une instabilité croissante. Dernier représentant de la dynastie danoise en Angleterre, Hardeknut échoue à maintenir l’héritage de son père. Ce texte explore son court règne, ses défis, et ses impacts sur l’Angleterre et l’Europe.

Une arrivée au pouvoir sous tension

Le retour du roi légitime

Après la mort de Harold Pied-de-Lièvre en 1040, Hardeknut, alors roi du Danemark, est appelé à régner sur l’Angleterre. Son accession est soutenue par sa mère, Emma de Normandie, qui plaide pour le retour d’un roi légitime. Cependant, son arrivée en Angleterre est marquée par une réception mitigée : s’il est reconnu par certaines factions anglo-saxonnes, d’autres voient en lui un souverain étranger.

Les défis immédiats

Dès son arrivée, Hardeknut doit faire face à des rébellions locales et à des tensions persistantes avec les jarls scandinaves, notamment en raison de son absence prolongée du royaume. La nécessité de rétablir l’ordre dans un royaume divisé complique davantage son règne.

Les politiques controversées de Hardeknut

Une fiscalité oppressive

Pour financer ses ambitions militaires et maintenir l’autorité danoise en Angleterre, Hardeknut impose de lourds impôts, notamment pour soutenir sa flotte scandinave. Ces taxes, perçues comme excessives par la population, alimentent un profond mécontentement. Cette mesure, bien que destinée à renforcer le contrôle royal, contribue à son impopularité croissante.

Une administration brutale

Hardeknut adopte une approche sévère pour écraser les rébellions et réaffirmer son autorité. La punition des opposants, souvent brutale, renforce les divisions internes et isole davantage le roi. Son règne est également marqué par la confiscation des terres de nobles considérés comme déloyaux, ce qui alimente la colère des élites locales.

Une mort subite et la fin de la dynastie danoise

Une disparition inattendue

En 1042, Hardeknut meurt subitement, probablement d’une crise cardiaque ou d’un empoisonnement lors d’un banquet. Sa mort met fin à son règne sans héritier direct, ouvrant une période de transition politique majeure. Cet événement marque également la fin de la domination danoise sur l’Angleterre.

Le retour des Saxons

Avec la disparition de Hardeknut, Édouard le Confesseur, fils d’Æthelred le Malavisé et d’Emma de Normandie, est proclamé roi d’Angleterre. Ce retour au pouvoir d’une lignée anglo-saxonne met un terme à la période anglo-scandinave, rétablissant une certaine continuité avec les traditions anglaises d’avant Knut le Grand.

L’héritage et les conséquences du règne de Hardeknut

La fin de l’empire anglo-scandinave

Le règne de Hardeknut symbolise l’effondrement de l’union fragile entre le Danemark et l’Angleterre, réalisée sous Knut le Grand. Incapable de maintenir la stabilité et l’unité de son royaume, Hardeknut précipite la fin de l’influence danoise en Angleterre.

Un règne oublié mais significatif

Bien que court, le règne de Hardeknut met en lumière les défis posés par les différences culturelles et administratives entre les Scandinaves et les Anglo-Saxons. Son échec à concilier ces tensions prépare le terrain pour l’ascension d’Édouard le Confesseur et une période de relative stabilité avant la conquête normande.



Ainsi, les rois de la Maison de Jelling ont marqué l’histoire de l’Angleterre et des royaumes nordiques par leur conquête et leurs réformes, mais leur empire ne survit pas à la génération suivante, laissant place à une nouvelle dynastie anglo-saxonne.



Sources et références

  • Forte, A., Oram, R., & Pedersen, F. (2005). Viking Empires. Cambridge University Press.
  • Sawyer, P. (2001). The Oxford Illustrated History of the Vikings. Oxford University Press.
  • Lawson, M. K. (2004). Cnut: England's Viking King, 1016-1035. Tempus Publishing.
  • Bolton, T. (2009). The Empire of Cnut the Great: Conquest and Consolidation of Power in Northern Europe in the Early Eleventh Century. Brill Academic Publishers.


Auteur : Stéphane Jeanneteau - Mars 2014