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La bataille du défilé de Pisidie : un tournant tragique de la Seconde Croisade (1148).

La Seconde Croisade (1147-1149) s’inscrit dans un contexte de grande effervescence politique et religieuse en Europe et au Proche-Orient. Après la prise d'Édesse par les forces musulmanes en 1144, l’appel à la croisade lancé par le pape Eugène III galvanise l’Europe chrétienne. Pourtant, cette expédition se distingue par ses divisions internes et ses désaccords diplomatiques.

L’armée croisée, composée principalement de contingents allemands sous la direction de Conrad III et de troupes françaises menées par Louis VII, est loin d’être unie. Les tensions avec l'Empire byzantin, dirigé par Manuel Ier Comnène, ajoutent une couche supplémentaire de complexité. Manuel, préoccupé par la menace que représente Roger II de Sicile et méfiant envers les ambitions occidentales, conclut un traité avec le sultan de Rum, réduisant son soutien aux croisés. Cette décision affaiblit considérablement l’expédition.

Les divergences stratégiques entre les croisés allemands et français se révèlent dès le départ. Conrad III subit une défaite cuisante à la bataille de Dorylée en octobre 1147, mettant en péril l’ensemble de la croisade. Lorsque les restes de l'armée allemande rejoignent Louis VII, la méfiance et le manque de coordination entravent toute stratégie cohérente. Les armées, mal préparées et affaiblies par les embuscades turques, progressent péniblement à travers l’Asie mineure.

Le déroulement de la bataille : une embuscade fatale

La bataille du défilé de Pisidie se déroule dans un cadre géographique particulièrement défavorable aux croisés. Engagés dans une région montagneuse, caractérisée par des défilés étroits bordés de précipices et de rochers escarpés, les croisés perdent leur avantage tactique. L’avant-garde, sous la direction de Geoffroy de Rancon, dépasse imprudemment le lieu de rassemblement convenu, laissant le gros de l’armée désorganisé et vulnérable.

Les Turcs, rompus aux techniques de guerre asymétrique, exploitent cette désorganisation. Ils abandonnent leurs arcs pour charger au sabre, frappant les croisés dans un moment de désordre. Pris au piège dans un goulet d'étranglement, les Francs subissent de lourdes pertes. Hommes, chevaux et bagages sont précipités dans les abîmes, et l’armée se retrouve en déroute.

Le roi Louis VII, malgré le chaos, parvient à échapper à la capture dans une démonstration héroïque. Retiré sur une éminence, il résiste seul à plusieurs assaillants avant de rejoindre l’avant-garde sous le couvert de la nuit. Cependant, les pertes sont dévastatrices, et la cohésion de l’armée croisée est irrémédiablement compromise.

Conséquences : une croisade réduite à néant

La bataille marque un tournant catastrophique pour la Seconde Croisade. L'armée française, décimée, atteint la ville portuaire d’Attalia dans un état de délabrement avancé. Louis VII, contraint d’abandonner les non-combattants, s’embarque avec ses chevaliers pour Antioche, mettant ainsi fin aux ambitions militaires de son expédition terrestre.

Sur le plan politique, cette défaite accentue les tensions entre les croisés et l’Empire byzantin. Les relations, déjà fragiles, se détériorent davantage, Manuel Ier étant accusé de trahison par les croisés. Par ailleurs, la méfiance entre les contingents allemands et français atteint son paroxysme, minant tout espoir de coordination future. La croisade, affaiblie et désunie, échoue finalement à atteindre ses objectifs, notamment la reprise d’Édesse.

Impact sur les deux camps

  • Pour les croisés : La défaite met en lumière les faiblesses structurelles de la croisade, notamment le manque de discipline, la mauvaise préparation logistique et l’absence de leadership stratégique unifié. Les pertes humaines et matérielles sont considérables, réduisant les forces croisées de trois-quarts.

  • Pour les Turcs : La victoire renforce leur position en Anatolie et souligne l’efficacité de leurs tactiques face à des armées occidentales lourdes et peu adaptées au terrain. La défaite des croisés en Pisidie consolide également la domination turque sur les routes stratégiques menant au Proche-Orient.



Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014
Sources et références :

  • Runciman, Steven. A History of the Crusades, Vol. II: The Kingdom of Jerusalem and the Frankish East.
  • France, John. The Crusades and the Expansion of Catholic Christendom.
  • Riley-Smith, Jonathan. The Crusades: A History.
  • Encyclopaedia Britannica, "Second Crusade".