À la suite de nombreuses actions diplomatiques qui avaient impliqué Gênes et Constantinople d'un côté, et Venise et Charles Ier d'Anjou de l'autre, l'hostilité entre les deux républiques était maximale. Voulant accaparer quelques colonies sur la mer Noire, les Vénitiens initièrent des pourparlers avec le Khan des Tartares, en Crimée. Les affrontements avec Gênes ne se firent pas attendre : les Vénitiens détruisirent quelques comptoirs génois à Limassol et à Famagouste (Chypre), tandis que Nicolò Spinola porta la flotte génoise à capturer vingt-cinq galères vénitiennes au port d'Alexandrette. Une première expédition génoise de 160 galères menée par Oberto Doria, décidée à détruire définitivement la flotte vénitienne, fut contrainte de rentrer à la patrie à cause d'une des si nombreuses luttes intestines qui tourmentaient la Gênes médiévale. Venise en profita pour attaquer les possessions ligures de Péra, Phocée, Chypre et Caffa. Finalement la république ligure donna à Lamba Doria le commandement de 78 galères pour attaquer la flotte vénitienne, même « au risque de la débusquer jusque dans sa lagune ». Le 8 septembre 1298, près de Zadar, 95 galères vénitiennes décidèrent d'attaquer les Génois.
La bataille
La formation ligure était dans le sens du vent et a voga arrancata (« à nage difficile » — c'est-à-dire la plus grande vitesse que peut atteindre une galère) ; en formation serrée, elle se jeta sur la coalition de Venise, en rompant les rangs. Les galères génoises étaient toutes d'un nouveau modèle révolutionnaire dit à sensile, elles étaient donc plus maniables et plus rapides que les galères vénitiennes. Se souvenant du succès de la bataille de la Meloria, Doria laissa de côté 15 des 78 galères comme renfort, en dépit du risque important : les Génois était en effet en nette infériorité numérique. La bataille fut particulièrement sanglante, plus encore que le précédent affrontement de 1284 contre les Pisans. Aborder ou couler les trirèmes vénitiennes coûta cher sur le plan des pertes humaines à la flotte de la « Superbe ».
Les Vénitiens virent couler 65 de leurs galères, être capturées 18 ; les morts parmi les Vénitiens furent de sept mille, les prisonniers autant, parmi lesquels Marco Polo, qui, de retour de son voyage au Cathay s'était vu conféré l'honneur du commandement d'une des galères. Ironie du sort, il partagera sa cellule avec Rustichello de Pise, prisonnier de la bataille de la Meloria, à qui Polo dicta son Livre des merveilles.
L'amiral vénitien (on dit que ce fut le doge en personne, même s'il existe des versions contredisant ce fait), vit capturer son fils qui se serait suicidé plutôt que d'être porté à Gênes « en se brisant le crâne contre le banc où il était enchaîné » pour être présenté au triomphe de l'amiral génois. L'amiral ligure Lamba Doria de son côté, perdit un fils dans la bataille, et le fit ensevelir dans cette mer, affirmant qu'il n'aurait pu y avoir de meilleure tombe que celle-là.
Comme il a été dit, les pertes de Gênes avaient été élevées, et la flotte décida de rentrer dans la patrie, en renonçant à attaquer Venise-même, fait qui selon certains historiens aurait pu déterminer le déclin complet de la « Sérénissime ». Il n'en fut pas ainsi et les deux républiques épuisées en vinrent à la solution diplomatique.
Conséquences
En 1299 fut enfin signée la paix entre Gênes et Venise, sans vainqueur ni vaincu. Cependant la guerre entre la « Superbe » et la « Sérénissime » reprit rapidement entre 1350 et 1355, les pourparlers de paix scellant encore une fois une victoire militaire de Gênes et une égalité diplomatique.