La bataille d’Issos, survenue en 193 apr. J.-C., fut un affrontement clé dans la lutte pour le contrôle de l’Empire romain après l'assassinat de Commode et la période de turbulences qui s'ensuivit, connue sous le nom de l'année des cinq empereurs. Opposant Septime Sévère à Pescennius Niger, cet affrontement décisif confirma la montée en puissance de Septime Sévère, futur fondateur de la dynastie sévérienne.
Contexte historique
La crise impériale de 193
À la mort de Commode le 31 décembre 192, l’Empire romain plonge dans l’instabilité. Pertinax, proclamé empereur par le Sénat, est assassiné après seulement trois mois de règne. Didius Julianus, qui rachète le trône lors d’une enchère scandaleuse, est rapidement contesté. Trois gouverneurs rivaux se proclament empereurs : Septime Sévère, soutenu par les légions du Danube et de Germanie ; Clodius Albinus, en Bretagne ; et Pescennius Niger, en Syrie.
Ascension de Septime Sévère
Septime Sévère, proclamé empereur par ses troupes en Pannonie, marche sur Rome et élimine Didius Julianus en juin 193. Une fois son pouvoir consolidé dans la capitale, il tourne son attention vers Pescennius Niger, dont les forces contrôlent l’Orient et bénéficient du soutien de l’Égypte, une province cruciale pour l’approvisionnement en grain.
Préliminaires de la bataille
Stratégies initiales
- Pescennius Niger tente de sécuriser ses frontières et d’attirer des alliés. Il reçoit un soutien partiel des Parthes et des Hatréniens mais n’arrive pas à mobiliser une armée expérimentée.
- Septime Sévère, stratège pragmatique, avance rapidement en Asie Mineure, contournant Byzance par le sud pour éviter un siège prolongé.
Les revers de Niger
Pescennius Niger subit plusieurs défaites préliminaires :
- À Cyzique, son lieutenant est battu par les forces de Sévère.
- À Nicée, les restes de son armée sont à nouveau défaits, contraignant Niger à se replier derrière les Monts Taurus.
La bataille d’Issos
Le champ de bataille
La bataille se déroule dans la plaine d’Issos, un lieu stratégique connu pour avoir été le théâtre de la célèbre victoire d'Alexandre le Grand sur Darius III. Pescennius Niger installe ses forces sur une hauteur, espérant utiliser cet avantage topographique pour compenser l’inexpérience de ses troupes.
Les forces en présence
- Septime Sévère : Ses troupes comprennent des vétérans illyriens disciplinés, aguerris par des campagnes en Germanie et sur le Danube.
- Pescennius Niger : Son armée est composée en grande partie de recrues levées en Syrie et de contingents alliés, dont des archers Hatréniens.
Déroulement
- Prélude : Les deux armées campent vis-à-vis l'une de l'autre la veille de la bataille. Le moral est élevé des deux côtés, car l’enjeu est la domination de l’Empire.
- L’assaut : Au lever du soleil, les deux camps s’affrontent avec férocité. La position élevée de Niger lui donne un avantage initial.
- Intervention décisive de la cavalerie : Une pluie d’orage, soufflant en direction des troupes de Niger, désorganise son armée. Simultanément, la cavalerie de Sévère, commandée par Valérianus, attaque les arrières de Niger, semant la panique.
- La déroute : L’armée de Niger s’effondre. Les troupes de Sévère poursuivent les fuyards, massacrant soldats et civils qui avaient tenté de se réfugier dans les montagnes environnantes.
Les suites immédiates
Fuite et mort de Pescennius Niger
Pescennius Niger, accompagné d’un petit groupe de fidèles, fuit vers Antioche. Cependant, il est capturé près de l’Euphrate par des cavaliers romains et exécuté. Selon certaines sources, sa tête est envoyée à Sévère, qui l’utilise pour intimider les villes qui lui avaient résisté.
Répression et conséquences
- Châtiment des villes : Septime Sévère impose de lourdes sanctions fiscales aux cités qui avaient soutenu Niger, notamment Antioche et Byzance. Byzance est presque entièrement détruite, ses murailles rasées.
- Consolidation du pouvoir de Sévère : Cette victoire permet à Septime Sévère de sécuriser l'Orient. Il peut ensuite se tourner vers son dernier rival, Clodius Albinus, qu'il éliminera en 197 à la bataille de Lugdunum.
Analyse et portée historique
Une victoire décisive mais brutale
La victoire de Sévère à Issos met fin à l’une des premières grandes guerres civiles du IIIᵉ siècle. Bien que Sévère ait assuré son pouvoir, la guerre a coûté cher en vies humaines et en destruction économique, notamment en Orient.
Les bases de la dynastie sévérienne
Cette bataille marque une étape clé dans l’établissement de la dynastie sévérienne, qui dominera l’Empire jusqu’en 235. Le style de règne autoritaire de Sévère, marqué par l'usage implacable de la force, deviendra une caractéristique de l'Empire tardif.
Impact sur les relations avec les Parthes
La présence de réfugiés daces et parthes dans la région, combinée au soutien initial de ces derniers à Niger, alimente les tensions entre Rome et l’Empire parthe. Sévère exploitera ces tensions dans ses futures campagnes contre les Parthes, notamment en 199.
Sources et références
- Dion Cassius, Histoire romaine.
- Hérodien, Histoire de l'Empire romain.
- Southern, Pat, The Roman Empire from Severus to Constantine, Routledge, 2001.
- Birley, Anthony, Septimius Severus: The African Emperor, Yale University Press, 1988.
- Ando, Clifford, Imperial Rome AD 193 to 284: The Critical Century, Edinburgh University Press, 2012.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011