Le siège de Milet (-334) : Déroulement, Conséquences et Analyse
Contexte et importance stratégique
Après sa victoire au Granique, Alexandre le Grand entame une campagne pour sécuriser les côtes de l'Asie Mineure. Le contrôle des rivages occidentaux de l'Empire perse, peuplés de cités grecques ou hellénisées, est crucial pour perturber la flotte perse et établir des communications sûres avec la Grèce via l'Hellespont. Milet, cité portuaire et base navale stratégique sur la mer Égée, devient une cible prioritaire.
Le commandant de la garnison perse, Hégésistrate, initialement favorable à Alexandre, change d'avis lorsqu'il apprend l'arrivée imminente de la flotte perse sous Pharnabaze. Malgré ce retournement, Alexandre mobilise rapidement sa flotte de 160 trières, commandée par Nicanor, et se prépare à assiéger la ville.
Déroulement du siège
Blocus naval et début des opérations terrestres
- La flotte macédonienne bloque l'accès au port de Milet, empêchant tout soutien maritime.
- Alexandre entame les travaux de siège, mobilisant échelles et béliers contre les murailles. Les forces terrestres encerclent la ville pour empêcher toute sortie ou entrée.
Arrivée de la flotte perse
- Une flotte perse de 400 navires arrive et mouille au large de Mycale, à proximité de Milet. Malgré sa supériorité numérique, elle ne peut intervenir efficacement en raison du blocus établi par les forces macédoniennes.
- Alexandre refuse d’engager sa flotte dans une bataille navale, jugeant ses équipages inférieurs en expérience aux marins perses. Il maintient une stratégie d'immobilisation de l'ennemi.
Prise de Milet
- Après l’échec des négociations avec Hégésistrate, Alexandre lance un assaut massif.
- Une brèche est ouverte dans les murs, permettant aux Macédoniens d'envahir la ville. La garnison perse et les habitants cherchent à fuir en direction d’un îlot voisin.
- Alexandre, démontrant à la fois stratégie et clémence, propose la grâce aux mercenaires et habitants réfugiés, à condition qu’ils se rendent. Trois cents mercenaires rejoignent ses rangs, tandis que les habitants recouvrent leur liberté.
Escarmouches navales
- Les forces terrestres macédoniennes bloquent tout ravitaillement à la flotte perse ancrée à Mycale, la forçant à se replier temporairement vers Samos pour se ravitailler.
- Une tentative perse d’intercepter des navires macédoniens échoue, avec un des navires capturé et le reste contraint de battre en retraite. Ces échecs persistent, et la flotte perse finit par quitter la région.
Conséquences
Domination des côtes de l'Asie Mineure
- Le siège de Milet marque une étape clé dans la prise de contrôle par Alexandre des rivages occidentaux de l’Asie Mineure. Cette victoire désorganise la flotte perse et la contraint à se replier vers les îles de l'Égée, puis vers la Palestine et l'Égypte.
- Alexandre sécurise des routes maritimes vitales pour sa campagne et élimine toute menace immédiate sur son flanc maritime.
Affaiblissement de la flotte perse
- Incapable d’engager efficacement la flotte macédonienne, la marine perse perd l’accès à des bases stratégiques. Ce revers souligne l’importance du contrôle territorial pour appuyer une flotte dans des campagnes prolongées.
Clémence et intégration
- La clémence d’Alexandre envers les habitants de Milet et l’intégration des mercenaires grecs capturés renforcent son image de libérateur des cités grecques sous domination perse.
- Cette politique lui assure un soutien croissant dans les cités hellénisées, facilitant les conquêtes futures.
Impact stratégique
- Avec Milet et d'autres cités portuaires en sa possession, Alexandre n’a plus besoin de maintenir une flotte importante. Il licencie une grande partie de ses navires, à l'exception des contingents athéniens, et concentre ses efforts sur les campagnes terrestres.
Analyse et enseignements
Le siège de Milet illustre la combinaison de stratégie, de pragmatisme et de diplomatie caractéristique d'Alexandre. Il démontre une maîtrise des opérations terrestres et maritimes, préférant éviter une bataille navale risquée pour concentrer ses forces là où il excelle : sur terre. Sa capacité à anticiper les mouvements adverses, à adapter ses stratégies et à exploiter les divisions parmi ses ennemis lui assure une victoire décisive.
Sources :
- Arrien, Anabase d'Alexandre
- Plutarque, Vie d'Alexandre
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Décembre 2010