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3 - La Grèce antique

L’ÉPOQUE HÉLLENISTIQUE

LE DÉCLIN DES CITÉS-ETATS

Après les années décisives de la guerre du Péloponnèse, les cités-États grecques continuèrent à se quereller et à se faire la guerre. Elles n’avaient, semble-t-il, rien appris. Tandis qu’elles s’enfermaient dans cette hostilité, le royaume de Macédoine commençait à dominer la Grèce du Nord. Considérés comme rustres et incultes par ceux du Sud, les Macédoniens étaient unis derrière un puissant monarque. 

La décision de Philippe II de Macédoine d’intervenir dans leurs affaires politiques marqua l’aube d’un âge nouveau et l’apparition d’un paysage géopolitique moderne, nommé Hellade. Historiquement, l’âge hellénistique débuta en 336 avec l’accession au trône d’Alexandre le Grand. Il dura trois siècles, jusqu’à l’intégration de la Grèce dans l’Empire romain d’Auguste. 

En termes culturels, l’Hellénisme représentait un mélange entre les traditions grecques et macédoniennes, mais Alexandre le Grand étendit son térritoire jusqu’en Perse et au Moyen-Orient. A sa mort. en 323, son empire se désagrégea et fût divisé par ses généraux en petits royaumes qui restèrent soumis à l’influence grecque. 

L’hellénisme devenait alors un mouvement plus culturel que politique. Si la Macédoine remplaça la Perse comme puissance dominante du monde grec, elle mit aussi fin à des siècles de querelles internes. 

Appartenir à une grande puissance apportait plus d’avantages que la citoyenneté d’une cité-État en guerre permanente. La disparition du rôle politique de la polis ne fut pas totale, mais les Grecs ne pouvaient plus se considérer comme citoyens d’Athènes, de Sparte ou de Thèbes. Pour Philippe de Macédoine et Alexandre le Grand, ils étaient tous des Grecs, ce qui n’était peut-être qu’une petite avancée, mais dont l’influence marquerait profondément l’ensemble du monde grec 

En 400, Athènes avait épuisé ses ressources. Elle restait le centre culturel de la Grèce, mais ses jours de gloire étaient maintenant passés. Les Athéniens arrivèrent à chasser le gouvernement oligarchique imposé par Sparte, mais des querelles entre démocrates et oligarques aboutirent à des assassinats politiques, dont le philosophe Socrate fut l’une des victimes en 399. Sans chef, Athènes ne parvint pas à retrouver son autorité. 

Sous la conduite d’Agésilas II, Sparte maintint son emprise sur la Grèce continentale et étendit son pouvoir à l’extérieur. Elle tenta d’abord d’influencer la succession au trône de Perse en soutenant Cyrus le Jeune, gouverneur de Sardes et plus jeune fils du roi disparu Darius II, contre son frère Artaxerxès II qui venait d’être couronné. C’est cette campagne que raconte Xénophon dans l’Anabase. Une force improvisée de 13 000 mercenaires grecs recrutée par Cléarque, un exilé spartiate, rejoignit Cyrus en Asie Mineure. Les deux armées traversèrent la Syrie et rencontrèrent leur adversaire à Counaxa près de Babylone (401). Les Grecs sortirent vainqueurs, mais leur victoire fut sans lendemain. Cyrus avait été tué au cours de la bataille, et les Grecs se trouvèrent isolés. Les commandants grecs décidèrent de regagner la mer Noire par la route la plus directe pour retrouver la sécurité de leurs colonies. Sous le prétexte de négociations de paix, les officiers supérieurs spartiates furent traîtreusement assassinés par les Perses, ce qui laissa l’Athénien Xénophon seul commandant. Au cours d’un exploit extraordinaire, les 10 000 survivants battirent en retraite malgré les attaques continuelles des Perses et des Kurdes des montagnes, pour finalement arriver en lieu sûr. 

Au cours d’une deuxième aventure outre-mer, Sparte vint au secours du tyran de Syracuse, Denys l’Ancien, qui gouvernait la Sicile, à l’exception des territoires tenus par Carthage. Avec l’aide de Sparte, il battit les Carthaginois à Motya en 397, ce qui repoussa les invasions carthaginoises pour une décennie. Les Spartiates intervinrent même en Égypte, reprenant la politique d’ingérence d’Athènes avant la guerre du Péloponnèse. Corinthe étant la metropolis de Syracuse, la tension entre cette cité et Sparte à la suite de l’aventure de Denys l’Ancien entraîna la guerre de Corinthe en 395. Corinthe s’allia à Argos, à la Béotie et à Athènes. Artaxerxès II conduisit les adversaires à la table des négociations en 386, dans le but de mettre fin à ce conflit porteur de discorde mais, en fait, il imposa une clause evitant l’intervention ultérieure des Grecs dans Ies affaires perses. 

en 386, dans le but de mettre fin à ce conflit porteur de discorde mais, en fait, il imposa une clause evitant l’intervention ultérieure des Grecs dans Ies affaires perses. 

Après 386, Thèbes devint le principal adversaire de Sparte en Grèce. Sparte avait soutenu un coup d’État oligarchique dans la polis, mais les hoplites thébains reprirent la cité avec l’aide d’Athènes. Les deux cités étaient financées par les Perses qui, après Counaxa, ne se soumettaient plus à la cité Lacédémonienne comme ils l’avaient fait depuis la guerre du Péloponnèse. Les deux États se protégèrent ainsi pour un temps contre de nouvelles incursions de Sparte en Grèce centrale. 

.Athènes rétablit la ligue de Délos, une confédération égéenne mais, cette fois, elle n’était qu’un partenaire parmi d’autres et non plus la puissance dominante. À la même époque, Thèbes accomplissait des, prouesses militaires, en grande partie grâce au bataillon sacré, une division d’hoplites encore plus redoutable que leurs adversaires spartiates. Il était constitué d’hommes en couples qui avaient pour loi de vaincre ou de mourir ensemble. 

La bataille décisive pour le contrôle du centre de la Grèce eut lieu à Leuctre en 371. Sous la conduite d’Épaminondas, une armée thébaine défit la grande armée spartiate, jusqu’alors imbattable. Même si la supériorité militaire de Sparte commençait à décliner, Thèbes était incapable d’en tirer avantages, malgré une décennie de campagnes victorieuses dans le Péloponnèse contre les Spartiates et en Thessalie contre Jason de Phères. À la mort d’Épaminondas, tué lors d’une campagne, aucun chef ne prit sa relève. 

Une fois encore, Athènes tenta de reprendre l’initiative, mais en vain. Elle soutint Sparte contre Thèbes, cherchant à restaurer un semblant d’équilibre politique afin de se concentrer sur le bassin égéen. Le chef ionien Mausole s’opposa à cette nouvelle expansion d’Athènes, mal préparée à affronter la révolte des membres de la ligue athénienne. Pendant la guerre sociale (357-355), Athènes perdit beaucoup de ses territoires égéens, et la menace d’une guerre avec la Perse la fit rapidement reculer. 

Toutes les grandes cités-États sortaient épuisées de ces décennies de luttes. Leurs trésors étaient pratiquement vides, leurs armées lasses de se battre, et leurs citoyens réclamaient la paix. L’unité politique grecque semblait un rêve irréalisable. 

PHILIPPE II DE MACÉDOINE

Lorsqu’il devint régent puis roi du royaume de Macédoine en 359, Philippe, âgé de 24 ans, se trouva à la tête d’un État divisé par la guerre civile et menacé d’invasions sur toutes ses frontières. Il héritait d’une grande armée bien entraînée, qui utilisait de longues piques et des formations compactes plutôt que les lances des hoplites et leurs minces lignes de bataille. 

Après avoir repoussé un coup d’État militaire fomenté par les Athéniens, il déclara la guerre, en 358, aux tribus illyriennes barbares de Péonie, le long de sa frontière nord. Il sécurisait ainsi ses frontières tout en mettant la main sur les riches ressources minérales de cette région, qui allaient financer son expansion militaire. Puis il porta son attention vers l’est, et envahit la Chalcidique qui demanda la protection d’Athènes. Mais celle-ci était occupée à résorber une guerre sociale, ce qui laissa les mains libres à Philippe. En 357, il s’empara de l’importante cité d’Amphipolis, puis de Potidée l’année suivante. 

Pour un temps, Philippe délaissa la Chalcidique et se tourna vers le sud. La Phocide était engagée dans une querelle avec des États voisins pour le contrôle de Delphes. Les Phocidiens avaient, disait-on, cultivé la terre sacrée et avaient été condamnés par les gardiens du temple (connus sous le nom de Conseil amphictyonique). Quand ils refusèrent de payer, Thèbes déclara la guerre sacrée contre la Phocide. En réponse, les Phocidiens s’emparèrent d’une partie du trésor de Delphes, qu’ils utilisèrent pour financer une armée de mercenaires assez importante pour affronter la menace venant de Thèbes. Puis ils passèrent une alliance avec la cité thessalienne voisine de Phères, ce qui força Larissa et les autres grandes cités de Thessalie à faire appel à Philippe.  

Dans sa marche vers le sud, Philippe s’empara de la cité de Méthone, le dernier allié d’Athènes dans la région. Puis il traversa la Thessalie qu’il annexa en s’emparant de Larissa et de Phères. Une résistance phocidienne ralentit sa progression en 352, et son avance vers le sud fut contrecarrée par une armée athénienne qui bloquait les Thermopyles. Ne voulant pas répéter l’erreur de Xerxès, il s’arrêta.

Pendant les cinq années qui suivirent, Philippe fit campagne en Thrace et en Chalcidique qu’il conquit en 349, s’emparant des fabuleuses mines du mont Pangée. En 340, il prit Périnthe et la Chersonèse. Confronté au blocus de son approvisionnement en grain venant des colonies des côtes de la mer Noire, Athènes forma une alliance avec Thèbes pour s’opposer à la Macédoine et lui déclarer la guerre. Philippe se précipita vers le sud et rencontra les alliés grecs à Chéronée (338).

Chacune des armées rassemblait un peu moins de 30 000 hommes, mais les Macédoniens étaient mieux entraînés et possédaient une cavalerie lourde. Bien que le bataillon sacré des Thébains eût battu les Macédoniens lors d’une attaque frontale, la ligne des Athéniens se désagrégea. Philippe était alors libre d’encercler les Thébains. Le bataillon sacré périt sur place tandis que la cavalerie macédonienne poursuivait les forces athéniennes et le reste des troupes thébaines. En une seule bataille, Philippe de Macédoine avait imposé son hégémonie sur la Grèce.

Philippe convoqua un conseil à Corinthe, où se rendirent les représentants de toutes les polis. En réalité, ils n’avaient guère d’autres alternatives que de reconnaître le roi de Macédoine comme leur maître et d’accepter ses conditions. Philippe établit des garnisons macédoniennes dans la plupart des grandes cités-États, puis retourna dans sa capitale de Pella pour préparer une expédition encore plus ambitieuse: l’invasion de l’Asie Mineure avec toute la puissance d’une Grèce unie.


Philippe II ne réalisa jamais son rêve. Il fut assassiné en 337, et son fils Alexandre lui succéda. C’est Alexandre, et non Philippe, qui ira conquérir la Perse, et sera qualifié de «Grand». 


ALEXANDRE LE GRAND

Au printemps de 334, Alexandre de Macédoine, à la tête de 35000 hommes, envahit l’Asie Mineure et lança une campagne éclair destinée à soumettre le puissant Empire perse. Il ne pouvait se permettre de perdre, car il avait besoin des ressources de cette région pour payer ses troupes, constituées de Macédoniens réguliers, d’alliés grecs et de partisans thraces et crétois. 


La force principale était constituée de 5000 cavaliers très entraînés, comprenant la garde personnelle d’Alexandre (les Compagnons), la cavalerie lourde macédonienne et une cavalerie légère composée de mercenaires. Si ces troupes montées représentaient le marteau de son armée, les phalanges de son infanterie lourde en étaient l’enclume - un mur de sarisses (piques) rendait ces troupes supérieures aux lanciers et à la cavalerie ennemis. L’élite de cette division d’infanterie était constituée de 3000 «porteurs de boucliers », les hypaspistes et de phalangistes de la maison royale. Quand il retourna en Macédoine, Alexandre laissa à Antipater, un vieux général proche de son père, la charge de maintenir l’ordre en Grèce. 


La première confrontation survint pendant l’été lorsque Alexandre se heurta à l’armée perse retranchée derrière le fleuve Granique. Elle était commandée par un trio de satrapes perses, conseillés par un mercenaire grec expérimenté, Memnon de Rhodes. Alexandre brisa l’armée de son adversaire grâce à une vigoureuse charge de cavalerie à travers le fleuve, soutenue par l’avance régulière de son infanterie. Malgré une contre-attaque destinée à capturer ou à tuer le jeune roi, les Perses cédèrent devant l’assaut. 


Portrait de Philippe II : pièce en ivoire haute de 320mm,
qui ornait le lit de bois dans la tombe de Philippe

L’ouest de l’Asie Mineure était ouvert, mais Alexandre marcha vers le sud et l’est, libérant les cités de la côte ionienne, dont Sardes, la capitale perse régionale. Il prit Milet d’assaut, ce qui priva la marine perse de sa principale base égéenne. Memnon, qui tenait l’importante ville d’Halicarnasse, dut se rendre après un court siège. Alexandre la livra à sa nouvelle alliée, sa «mère adoptive », Ada, épouse du dernier satrape carien (tué sans doute à Granique). 

Ayant sécurisé les côtes de Carie et d’Ionie, Alexandre se dirigea vers l’est et le nord pour conquérir le centre de l’Asie Mineure. L’hiver 334-333 fut consacré à soumettre les peuples des collines de Phrygie et de Lycie, notamment la cité phrygienne de Gordion. Selon la légende, le fondateur de la cité, le roi Gordios, avait attaché un char dans son temple avec un nœud si serré que personne jusqu’alors n’avait pu le dénouer. Celui qui y parviendrait deviendrait le roi de l’Asie. Après un premier échec, Alexandre saisit son épée et trancha (ou dénoua) le nœud «gardien». 

Les Grecs continuèrent leur route à travers les portes de Cilicie au sud-est de l’Asie Mineure et entrèrent en Syrie. Alors qu’il se remettait d’une fièvre, à Tarse, à l’automne 333, Alexandre apprit que le roi Darius III avait placé ses troupes sur ses arrières à Issos, de façon à couper ses lignes de communication. Il revint alors sur ses pas et, bien que ses troupes fussent beaucoup moins nombreuses, il lança son armée à l’attaque. Les Perses réussirent à contenir pendant un temps la charge macédonienne, mais Darius et son armée durent finalement s’enfuir. Alexandre captura l’épouse du roi, ses bagages, ses concubines, et un immense trésor. Devant tant de richesses, on raconte qu’il déclara: «Ainsi, voici ce que c’est que d’être un roi.» 

La plus grande préoccupation d’Alexandre était la présence de la flotte perse en Méditerranée. Néarque, commandant de sa marine, la neutralisa à l’aide des bateaux athéniens et, en raison de l’occupation de l’Asie Mineure et de la mainmise d’Alexandre sur toutes les villes côtières, les Perses n’eurent plus de base où se réfugier, et leur flotte fut finalement dispersée. 

Alexandre conduisit alors son armée vers le sud, le long de la riche côte méditerranéenne de Phénicie où se trouvait la cité marchande de Tyr. Contrairement aux cités de la plaine côtière qui avaient des populations grecques et qui l’avaient bien accueilli, les citoyens phéniciens de cette ville très fortifiée lui fermèrent leurs portes. La cité principale se trouvait sur une île et les ingénieurs macédoniens durent, sous de féroces attaques, construire une digue pour atteindre ses murs. Après la destruction de la première digue, Alexandre ordonna d’en construire une seconde, plus grande encore. Les habitants du port tinrent pendant des mois, mais ils finirent par payer pour leur témérité: Tyr fut rasée en 332. 

Un autre combat sanglant à Gaza (332) ouvrit les portes de l’Égypte - nation qui avait déjà subi les incursions des aventuriers grecs. Alexandre traversa le Sinaï pour atteindre les rives du Nil à Memphis. Les Égyptiens acceptèrent la domination macédonienne après qu’Alexandre eut fait un pèlerinage à travers le désert jusqu’à l’oasis de Siouah, où se trouvait un oracle sacré dédié à Dionysos et aux dieux égyptiens. Il y fut accueilli par les prêtres comme étant le «fils d’Amon» (dieu), salutation traditionnelle réservée aux pharaons. Intrigué, Alexandre consulta lui-même l’oracle qui lui affirma qu’il était le fils de Zeus-Amon. Alexandre, qui n’avait pas tardé à conquérir les titres de général et de roi, était devenu un dieu. 

Les Égyptiens avaient accueilli Alexandre comme un libérateur et comme un dieu. Il réforma l’administration politique du pays et fonda sa propre ville, Alexandrie, pour établir des liens commerciaux et politiques entre la Grèce et l’Égypte. N’ayant plus rien à craindre de la flotte perse et pour répondre aux besoins logistiques et financiers de son armée, en 331, il se mit en route vers le nord à la recherche du roi de Perse. Il nomma un gouverneur pour la Syrie et atteignit Thapsaque, au bord de l’Euphrate, au début de l’été. 

À quelque 500 km plus à l’est, Darius était en train de réunir la plus grande armée de l’Antiquité. Les historiens modernes pensent qu’elle était constituée de 250 000 hommes, 40 000 cavaliers et 200 chars scythes. En comptant les renforts venus de Grèce et de Macédoine, Alexandre n’en n’alignait pas plus de 35 000. La victoire perse semblait donc inéluctable. 

Les deux armées se rencontrèrent en octobre 331 sur un champ de bataille choisi par les conseillers de Darius, à Gaugamèles, village situé entre Arbèle et Babylone. La bataille débuta par une charge massive des chars, mais les hommes d’Alexandre ouvrirent leurs rangs pour les laisser passer et les attaquèrent par-derrière. Alexandre commandait l’aile droite et, après une furieuse mêlée de cavalerie, ses compagnons dispersèrent leurs adversaires perses. Les phalangistes macédoniens avancèrent alors sur le centre de l’armée perse qu’ils brisèrent et mirent en fuite. Comme à Issos, Darius III dut quitter le champ de bataille et ses forces s’effondrèrent. Plus rien ne s’opposait à la progression d’Alexandre.  


Darius s’enfuit vers Media, tandis que l’armée victorieuse d’Alexandre s’emparait de Babylone, de Suse et de Persépolis, la capitale de l’Empire perse. On apprit que Bessus, qui commandait l’aile gauche des Perses à Gaugamèles, avait capturé Darius III. Alexandre se lança à sa poursuite, mais trouva le roi mourant, abandonné par ses ravisseurs. On a écrit qu’Alexandre, furieux de cette perfidie, ordonna des funérailles d’État qui se déroulèrent en 330 - en reconnaissance d’un grand roi.

Après sa capture, Bessus fut remis au frère de Darius qui l’exécuta. Avec la disparition du foyer de résistance perse, Alexandre put sans discussion réclamer le titre de Grand Roi, ou de Seigneur de l’Asie, comme l’appelèrent ses contemporains.

Il accomplit alors le seul acte totalement barbare de sa carrière: il fit brûler et disperser les pierres du palais royal des Achéménides à Persépolis. Cet acte de vandalisme fut commis par ses compagnons déchaînés qui espéraient ainsi plaire à leur chef, mais personne ne sait qui en donna l’ordre. On rapporta qu’Alexandre en fut consterné.

Alexandre plaça des gouverneurs dans chacune des provinces conquises, mais l’armée se trouvait maintenant au sud de la mer Caspienne, laissant derrière elle la civilisation grecque, et même la civilisation perse. Elle faisait face, vers l’est, à des déserts et des montagnes, patrie de barbares alliés aux Perses, les Bactriens. Les Perses et les Grecs devaient donc s’unir, et Alexandre prôna la fusion culturelle par l’intermédiaire de mariages interraciaux. Il fit même exécuter des officiers supérieurs qui refusaient de se plier à sa volonté, ce qui souleva de nombreuses protestations, surtout au coeur du contingent macédonien. Mais la majorité de l’armée le soutenait encore, même lorsqu’il pénétra plus à l’est, en Bactriane.

Lors des deux années suivantes, l’armée marcha vers le sud, l’est, puis le nord, atteignant Bactria, la capitale, à la fin de 329. Plusieurs nouvelles Alexandrie furent fondées lors d’une campagne qui s’avéra difficile. Après s’être emparé de Maracanda (aujourd’hui Samarcande), Alexandre affronta Spitaménès, un habile guérillero bactrien, qui lui causa plus de pertes humaines que les batailles contre les Perses. Le calme ne put s’établir qu’après le meurtre de Spitaménès, commis par ses alliés scythes. Le mariage d’Alexandre et d’une princesse locale, Roxane, en 327, pacifia la région. 

Copie d’un buste grec d’Alexandre, British Museum 

Après avoir entendu parler des splendeurs de l’Inde, Alexandre partit l’année suivante avec son armée à travers l’Hindou-Kouch (dans l’Afghanistan actuel). Il mit en déroute une armée indienne sur les bords de l’Hydaspe et se dirigea vers la vallée du Gange.

Alexandre était sur le point de conquérir tout le sous-continent indien. Mais il dut s’arrêter, non pas sous la pression de l’ennemi, mais sous celle de ses propres hommes: épuisés après huit ans de campagnes, perdus à 5 000 km de chez eux, ils refusèrent de le suivre.

Forcé de battre en retraite, il descendit le cours de l’Indus jusqu’à la mer, sans cesser de combattre. Au cours de l’hiver 325, une armée réduite retourna vers Persépolis et Babylone à travers le désert le plus inhospitalier du monde.

Alexandre dut alors se contenter de consolider son empire. Il s’occupa l’année suivante de problèmes administratifs, d’expéditions punitives et de questions posées par l’intégration des Asiatiques aux Grecs. Subitement, au cours de l’été 323, il tomba malade et mourut, sans doute de la malaria, bien que des rumeurs d’empoisonnement aient été avancées,

Le rêve d’Alexandre était terminé. Il restait à ses compagnons et à ses généraux de sauver ce qu’il restait de l’empire qu’ils avaient contribué à bâtir.

Dans sa forme simple, l’hellénisme représente la fusion de la culture grecque à celles des autres pays. Malgré les troubles politiques qui marquèrent la fin de l’âge classique, les Grecs se retrouvèrent unis pour la première fois de leur histoire. Même si beaucoup voient cette époque comme un déclin, l’influence politique et culturelle de la Grèce s’étendait indéniablement à travers tout le monde connu. Les mots «hellénique» et «hellénistique» qui dérivent des mots «Hellas », la Grèce, et «Hellene », les Grecs, signifient « l’âge grec ».

La souveraineté macédonienne conduisit à la disparition des cités-États comme entités politiques. Les bénéfices apportés par la création de l’empire hellénistique compensaient la perte de la liberté politique. En Grèce, en Macédoine, en Asie Mineure, en Syrie, en Palestine, en Égypte, en Perse, en Iran, en Bactriane, et plus loin encore, Alexandre le Grand avait créé une culture particulière qui se mêlait aux civilisations qu’il rencontrait. C’est ainsi qu’il changea la nature de la civilisation grecque dont il déplaça le foyer de la Grèce centrale vers le Moyen-Orient.   

Alexander et Darius à la bataille d’Issus, 333 B.C. - Mosaïque (The National Museum - Naples) 

La mort d’Alexandre entraîna un bouleversement: les généraux macédoniens s’affrontèrent violemment pour le contrôle de ce qu’on appelait les États successeurs. Le monde grec oriental fut dominé par deux grandes puissances: l’Empire séleucide en Asie et le royaume d’Égypte de Ptolémée et de ses héritiers.

À côté de ces deux empires s’épanouissaient des États plus petits, dont ceux de la ligue maritime centrée sur Rhodes, le royaume indépendant de Pergame à l’ouest de l’Asie Mineure, ainsi que d’autres États non grecs tels le Pont ou la Cappadoce.

Lunité politique créée par Alexandre le Grand semblait trop grande pour un seul souverain. Finalement, seuls subsistèrent les liens culturels et commerciaux qu’il avait mis en place pour unifier le monde hellénistique. Les Grecs eux-mêmes étaient bien conscients que ces liens ne pouvaient se substituer à une réelle unité politique. Sur ce plan, les États successeurs échouèrent, comme l’avaient fait les cités-États avant eux. Leurs querelles amoindrirent leurs capacités à résister aux pressions extérieures venant des Romains à l’ouest et des Parthes à l’est.

L’un après l’autre, ils disparurent, entraînant avec eux la perte de l’identité politique grecque. Seule survécut la culture. Les Romains l’adoptèrent, et par le biais de la République romaine, ils reprirent les institutions démocratiques de la Grèce. Ces apports hellénistiques influencèrent les civilisations et les religions suivantes, dont celles des Romains, des juifs, des chrétiens et des musulmans, et établirent un nouveau monde sur les splendeurs et la civilisation d’un peuple vaincu.

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