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Les Alains

Peuple scythique, probablement originaire d’Ossétie, les Alains (latin [H]alani, grec alanoi) sont des cavaliers nomades apparentés aux Sarmates du Kirghizstan et proches des Iazyges, Roxolans et Taifales.

Leur première mention est due à l’historien romain Flavius Josèphe durant le Ier siècle de notre ère : ce dernier nous apprend que « les Alains sont une tribu de Scythes, habitant aux bords du Tanaïs et du marais de la Méotide », c’est-à-dire entre le Don et la mer d’Azov (Guerre des Juifs, livre 7, VII, 4).

À cette époque, les Alains apparaissent aux abords de la Perse où leurs incursions provoquent la chute des Parthes. Les Sassanides qui succèdent à ces derniers établissent en 226 un empire durable, refoulant les Alains aux confins du Don, de l’Oural et du Caucase ; les Alains y fondent alors un semblant de royaume éphémère.

En 375, date du commencement des « Grandes migrations » des peuples, une partie d’entre eux prend la fuite devant les Huns de Balamber.

Ces Alains franchissent le Rhin près de Mayence (Mogontiacum) durant la nuit de la Saint-Sylvestre (406 – 407), accompagnés principalement de Quades (ces derniers ont longtemps été confondus avec les Suèves en raison d’une mauvaise traduction de « Souabes ») et de Vandales (saint Jérôme, Lettre 123).

D’abord alliés aux Vandales et aux Quades et emmenés par le roi Goar, les clans alains (autour de 50 000 individus ?) participent à l’écrasement des mercenaires francs conduits par le duc de Mayence ; aux côtés des autres envahisseurs germaniques, ils dévastent la Gaule romaine de 407 à 409 : Worms, Mayence, Strasbourg, Tournai, Arras, Amiens, Reims tombent à leur passage. Paris, Orléans, Tours sont menacés.

Puis ils franchissent la Loire en 408 (incendiant au passage le castrum gallo-romain de Meung-sur-Loire). Cependant, au contraire de leurs compagnons d’armes, les Alains se divisent en plusieurs bandes armées.

Une partie d’entre eux, menée par Goar, obtient un traité avec l’Empire romain : Aetius leur permet de s’installer sur la Loire, autour d’Orléans, mais les Alains, turbulents, sont très mal perçus par les autochtones. En 445–448, des Alains placés sous l’autorité d’un certain Eochar (selon la Vie de saint Germain) répriment la révolte des bagaudes d’Armorique pour le compte de Rome : il s’agit probablement des Alains de Goar.

En 451, alors que leur roi est désormais Sangiban, ces mêmes Alains forment le centre du dispositif militaire mis en place contre les forces d’Attila aux Champs catalauniques (campus mauriacus) près de Moirey, dans la région de Troyes : ce rôle est principalement dû aux mérites de la cavalerie lourde alaine (les cataphracte, véritables « chars d’assaut » de l’antiquité).

D’autres Alains, menés notamment par Sambida, se seraient fixés sur le Rhône autour de Valence, où ils furent aussi difficile à vivre que leurs cousins de la Loire.

Enfin, une partie des Alains, conduite par Respendial, suit encore les Vandales et les Quades jusqu’en Hispanie (409). Là, ils errent sur les plateaux du centre de la péninsule ibérique et jusque dans la région du Tage. Les Vandales et les Quades s’établissent principalement en Galice, tandis que les Alains s’établissent surtout en Lusitanie. Ils en sont brutalement délogés en 418 par les Wisigoths.

Leur périple avec les Vandales se poursuit alors jusqu’en Andalousie : en 428, le vandale Genséric (Gaiseric ou Geiseric) y prend le titre de « roi des Vandales et des Alains » et emmène les 80 000 barbares qui le suivent en Afrique du nord. L’histoire des Alains s’y confond dès lors avec celle du « royaume de Carthage » : fondé par en 439 dans la Tunisie actuelle et dans l’est de l’Algérie, cet « État » disparaît en 534 lors de l’éphémère reconquête byzantine de l’Afrique.

Par la suite, l’ensemble des envahisseurs alains, encore moins nombreux que les autres peuples barbares, se sont naturellement intégrés aux peuples voisins ou ont disparu, tandis que leurs lointains cousins restés à l’Est, après avoir survécu aux massacres des Mongols ou des Tatars de Tamerlan au XIIIe siècle et après avoir assimilé d’autres éléments caucasophones, vivent encore dans le Caucase sous le nom d’Ossètes (ou Osses). Ces derniers sont majoritairement de religion orthodoxe, avec une minorité (un tiers environ) musulmane.
Le périple des Alains dans le contexte des Grandes migrations en Europe est un des trajets les plus étendus : en rouge figurent les migrations et en jaune les tentatives de sédentarisation. La langue originelle des Alains devait être un parler iranien nord-oriental de type caucasien (G. Dumézil), probablement semblable à celui des Sarmates. Elle évolua chez leurs descendants du Caucase au Moyen-Âge pour devenir quasiment identique à l’ossète actuel.  

La civilisation des Alains
L'historien-soldat romain Ammien Marcellin, témoin oculaire qui mêle ses observations aux rumeurs (?) qu'il a entendues sur les Barbares, apporte quelques informations sur les Alains du nord du Caucase, informations qui doivent être abordées avec circonspection (Histoire de Rome, XXXI, 31,2). 

Il décrit leur apparence physique : les Alains sont de petite taille mais robustes, ont les cheveux modérément blonds, le regard martial et sont plus civilisés dans leur manière de s'habiller et de se nourrir que les Huns. 

Sur le plan des mœurs, selon lui, les Alains sont belliqueux et courageux : leur férocité et la rapidité de leurs attaques n'ont rien à envier à celles des Huns. Ils ignorent l'esclavage et méprisent les faibles et les vieillards. Ils méprisent les vieillards car pour eux (comme pour de nombreux autres peuples barbares), c'est un honneur de mourir au combat, mais un deshonneur de mourir de vieillesse. 

Pour ce qui est de leur mode de vie, les Alains ignorent le travail de la terre et utilisent des chariots couverts d'écorce en guise de maisons. 

Ammien Marcellin leur prête encore la coutume de scalper leurs adversaires et d'en attacher les cheveux à leur monture. Ils rendent aussi un culte à une divinité de la guerre (identifiée à Mars) grâce à une simple épée fichée en terre et servant d'autel (le culte d'une épée « magique » est par ailleurs prêté aux Huns). 

Il faut noter que ces informations correspondent trait pour trait aux légendes traditionnellement attachées aux peuples de cavaliers des steppes par leurs voisins sédentaires : Ammien Marcellin écrit même qu'on lui a rapporté que certains Alains orientaux seraient anthropophages. 

Les sources archéologiques, quant à elles, indiquent l'existence chez les Alains d'une ou plusieurs divinités du feu et du soleil (selon Iaroslav Lebedynsky). 

L'art décoratif des Alains est essentiellement animalier : semblable à celui des Saces jusqu'au IIe siècle, il fait la part belle aux décors polychromes cloisonnés aux IIIe et IVe siècles. Ces décors se généralisent en Occident au moment des grandes invasions (IVe–VIe siècle), notamment par le relais des peuples germaniques orientaux, nombreux à adopter des motifs scythiques de l'art des steppes (Goths, Burgondes, Vandales). 

Par la suite, de nombreux éléments culturels sarmato-alains se retrouvent chez les Ossètes, jusqu'au XIVe siècle. 

Selon G. Dumézil, les Ossètes actuels sont, linguistiquement et culturellement, les descendants les plus caractérisés des Alains. Leurs légendes (cycle des Nartes) présentent des ressemblances intéressantes avec celles de l'aire indo-européenne et notamment celtique (légende arthurienne).

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