1 - La Grèce antique

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L'époque archaïque : les siècles obscurs

L’ÉPOQUE ARCHAÏQUE : LES SIÈCLES OBSCURS

Lorsque la culture de l’âge du bronze mycénien fut détruite par les conflits internes et les attaques extérieures en Grèce, tout pouvoir centralisé disparut. Les Doriens, envahisseurs nomades venus du Nord, conquirent la Grèce continentale et les îles de la mer Egée, et s’y installèrent. Les villes ioniennes des côtes est de la mer Egée se prétendaient fondées par des Grecs fuyant les envahisseurs doriens, mais il semble que la plupart des Grecs avaient accepté leurs nouveaux suzerains barbares. 

On sait peu de chose du développement de la Grèce durant ces trois siècles. Les habitants vivaient en petites colonies dispersées et toute structure d’un grand Etat était éradiquée. Chaque colonie était dirigée par un basilei local (seigneur de guerre ou roi) et, grâce à un système de protection analogue au féodalisme de l’Europe médiévale, il protégeait les paysans qui travaillaient dans ses champs. Pour le commun des Grecs, la vie avait peu changé depuis l’ère mycénienne. lls vivaient déjà sous un féodalisme à l’époque des rois de l’âge du bronze de Mycènes et d’autres cités fortifiées. 

Leurs habitations étaient des masures en brique ou en boue, groupées autour de la citadelle fortifiée du basilei et de ses guerriers. Comme toujours, la vie était rude, mais la seule différence était l’absence d’une classe d’artisans capables de concevoir des céramiques décoratives, de travailler les métaux ou de créer de beaux objets. La résurgence de cette classe moyenne permettra aux Grecs de sortir des siècles obscurs. 

Curieusement, la seule exception était le travail des métaux, dont les Doriens connaissaient le secret. Au début du 1er millénaire, la Grèce était entrée dans l’âge du fer : la fusion et le travail du fer permirent de remplacer les armes en bronze par des armes en fer, plus solides, et la production d’armes devint la priorité des forgerons grecs des siècles obscurs. 

Plus économique à produire et à travailler que le bronze, le fer fut de plus en plus utilisé et populaire. Si les armes, les armures et les objets, de luxe en bronze avaient été réservées à l’élite, bientôt le fer servit à la fabrication de toute une gamme d’objets, des armes aux outils.  

A cette époque d’instabilité et de guerres quasi permanentes, les communautés dispersées n’étaient en sécurité que si leur basileus était assez puissant pour résister aux attaques incessantes. Les chefs de guerre des siècles obscurs grecs faisaient de fréquentes incursions sur les territoires de leurs rivaux, par terre ou par mer pour s’approprier le bétail et les hommes de leurs voisins affaiblis. Dans une société sans économie structurée, la richesse se mesurait au nombre d’esclaves et de têtes de bétail. La façon la plus simple de s’enrichir était donc de s’emparer du bien d’autrui à la pointe de l’outil. 


Durant cette période instable, la population grecque réussit cependant à se disperser en fuyant les envahisseurs. De nouvelles communautés s’installèrent à travers le bassin égéen. Sur la côte ouest de l’Asie Mineure (bande côtière connue sous le nom de Ionie) et à Chypre. Tout en conservant la culture de la Grèce, ces immigrés purent rester relativement indépendants. Les individus qui formaient ces communautés, unies par un passé culturel commun, se considéraient comme des Grecs civilisés, statut qui ne revenait pas à leurs voisins « barbares », assimilés aux Doriens. 


Ainsi, quand certains basilei se montraient plus habiles que d’autres dans l’art de piller et d’amasser les richesses (du moins le bétail et les esclaves), leur prestige augmentait en même temps que leur communauté. Au IXe siècle, certains seigneurs de guerre se trouvaient à la tête de groupes suffisamment importants qui permirent la fondation en quelques siècles, des premières cités-États, donc des bases de l’unité politique qui allait régir la Grèce pour le reste de cette période. 

LE DÉVELOPPEMENT DU MONDE GREC : LA NAISSANCE DE LA CITÉ GRECQUE

Tous les Grecs ne vivaient pas en cité. Les Grecs vivant au nord n’ont pas intégré immédiatement la notion de cité. Sur la question de la date de l’apparition de la notion de cité, on a deux tendances. Tout d’abord, il y a ceux qui pensent que cela apparaît à l’époque archaïque et ensuite, ceux qui penchent pour une apparition dans le courant du deuxième millénaire, à l’époque mycénienne, avec une idée de continuité avec la suite. 

On a peu de sources sur la naissance de la cité. Le plus ancien témoignage que l’on ait est une loi datant du VIIIe siècle, trouvée en Crète indiquant : « Voilà ce qu’a décidé la cité (polis) ». Dans l’Iliade, on ne parle pas de cité, mais d’un monde structuré par les oikos, dont le chef est un aristocrate. Dans l’Odyssée, on parle de quelque chose qui ressemble à une cité. Le mot même de cité apparaît pour désigner la population et les bâtiments (l’agglomération). On parle également d’un lieu de rassemblement : l’Agora. L’Odyssée est contemporaine de la naissance des cités, en datant du VIIIe siècle. 

Comment expliquer cette naissance ? Après les « siècles obscurs », on voit apparaître une nouvelle organisation de l’espace avec une plus grande place faite aux dieux dans l’espace de la ville ou autour de la ville. Au VIIIe siècle, il y a un changement dans le mode de sépulture avec des jarres qui servent de tombe. Un certain nombre de facteurs ont joué dans la naissance des cités. Il y a tout d’abord le facteur démographique. Au VIIIe siècle, la population relative aurait été multipliée par sept, mais rien ne le prouve. C’est surtout le VIIe siècle qui est marqué par une explosion démographique. De cela, découle le phénomène de la colonisation. 

Viennent ensuite les facteurs religieux. Les cultes jouent un rôle important à l’époque archaïque. Ils servent à marquer l’existence d’une communauté. On a l’exemple du sanctuaire de l’Héraion, le plus important de la cité d’Argos, qui ne se trouve pas dans l’agglomération mais aux confins du territoire, à proximité de cités voisines et concurrentes, telle que Sparte dont elle est une grande rivale. Il se trouve à huit kilomètres de la cité d’Argos. 

L’autre grand thème qui apparaît à l’époque archaïque, c’est celui du héros fondateur. Les cités décident de se choisir une divinité propre, mineure pour le reste du monde grec, mais qu’elles considèrent comme leur « père ». On a l’exemple de la cité de Mégare, située entre l’Attique et le Péloponnèse, qui s’est choisie Alcathoos comme héros fondateur. Ce dernier a rendu des services à la cité en tuant une bête sauvage qui terrorisait la cité. De plus, il a délimité et pacifié l’espace de la cité. En réalité, ce n’est pas un héros fondateur mais un bienfaiteur.

On trouve enfin le facteur militaire. La naissance de la cité grecque se fait en même temps que l’évolution des techniques militaires. On trouve chez Homère, dans l’Iliade, la forme traditionnelle du combat qui consiste en un « duel aristocratique ». À l’époque archaïque, on voit apparaître une nouvelle manière de combattre qui vise à opposer deux régiments d’infanterie lourde l’un contre l’autre, ce qui est assez sommaire sur le plan tactique. Ces régiments sont les phalanges hoplitiques. Cette phalange a joué un rôle dans l’émergence de la cité. Elle a changé les rapports sociaux. Dans cette configuration, le nombre compte beaucoup. Plus on est nombreux et plus on a de chance de gagner. Il faut compter avec les autres et accepter de renoncer au glorieux combat aristocratique pour se fondre dans la masse. Le but de l’hoplite, est de rester dans sa ligne et d’avancer avec les autres. Il y a une nouvelle discipline et une nouvelle éthique. Il est nécessaire que chacun joue le jeu. Le bouclier, l’aspis koilè, joue un rôle essentiel. Chaque hoplite est pourvu de son bouclier qui est supporté par l’avant-bras gauche. Ainsi, il se protège, mais protège également le côté droit de son voisin. La moindre défaillance peut entraîner la chute de la phalange.

Cette nouvelle formation interdit les comportements individuels et exige qu’un plus grand nombre d’hommes participent au combat. Elle les soumet à une même loi, celle d’Isonomie. Cela pousse à la formation d’une communauté.

La localisation initiale des cités grecques
À l’origine, il s’agit du monde égéen, qui allie la mer et la montagne. La mer est toujours toute proche. En effet, aucun point n’est à plus de cent kilomètres de la mer. Les grecs restent fondamentalement un peuple de marins (voyages et commerces). La moyenne montagne est importante et il y a peu de haute montagne. L’altitude moyenne est de 1500 mètres. Un certain nombre de cités s’y sont installées.

Les plaines sont rares dans le bassin égéen. La moyenne montagne permet la culture en terrasse et la chasse. Des hommes peuvent y vivre et y prospérer. Les cités ne sont pas de taille importante à l’époque classique. On en trouve en Grèce continentale. D’abord en Béotie, avec Thèbes, qui constitue une Ligue béotienne autour d’elle. En Eubée, avec les cités de Chalcis et d’Érétrie, et dans le Péloponnèse, avec Sparte, Argos et Corinthe, cette dernière ayant été une grande cité commerçante à l’époque archaïque.

On trouve d’autres cités également dans les archipels égéens, par exemple la cité de Délos, sur l’île éponyme de 14 kilomètres carrés, célèbre pour son sanctuaire d’Apollon, les cités de Crête, île que l’époque classique a tendance à mettre en marge du monde grec.

On trouve enfin toutes les cités qui se sont installées sur la longue côte de l’Asie mineure. Ainsi, il y a les cités d’Ionie, avec Milet qui fut regardée comme une grande cité grecque. Elle attire la convoitise des Lydiens et des Perses. Enfin, il y a les cités de Carie, une région qui joue un grand rôle au IVe siècle av. J.-C..  

Acropole d'Athènes
1. Pyrgos du temple d’Athèna Nikè2. Temple d’Athèna Nikè
3. Piédestal du monument d’Agrippa4. Rampe d’accès aux propylées
5. Propylées6. Propylées (aile nord)
7. Propylées (aile sud)8. Téménos d’Artémis Brauronia
9. Téménos d’Athèna Erganè10. Chalcothèque
11. Athèna Promachos12. Parthénon
13. Temple de Rome et d’Auguste14. Hérôon de Pandion (?)
15. Remise (?)16. Autel de Zeus
17. Autel d’Athéna18. Erechtéion
19. Cecropion20. Pandroseion
21. Ancien temple d’Athéna22. Maison des Arrhéphores
23. Cour du jeu de paume24. Escalier mycénien
25. Escalier vers le chemin circulaire26. Logements, locaux administratifs,


Les Rivalités des cités

À la différence de la plupart des cités-États, Sparte était gouvernée par un monarque, soutenu par une puissante armée. Les Spartiates se considéraient comme les descendants directs des Doriens, dont ils avaient le tempérament belliqueux. Au VIle siècle, Sparte était la Cité-État la plus puissante de la Grèce du Sud. 

Les Doriens et leurs successeurs les Spartiates conquirent la Laconie, au sud du Péloponnèse, réduisirent en esclavage une partie de la population et s’emparèrent du pouvoir dans la région. Les esclaves (hzlotes) furent contraints de travailler dans des fermes de l’État qui approvisionnaient la monarchie, l’oligarchie, l’administration et l’armée de Sparte. Le reste des Lacédémoniens constituait les périèques, proches des serfs médiévaux, qui remplissaient les contingents de l’armée spartiate. À la fin du VIle siècle, Sparte avait conquis la Messénie voisine, ce qui lui offrait le contrôle de tout le sud du Péloponnèse. Au VI’ siècle, le pouvoir de Sparte s’étendait sur l’ensemble du Péloponnèse. La confédération de Sparte est due à un jeu d’alliances et de diplomatie. La ligue du Péloponnèse (ou plutôt les Lacédémoniens et leurs alliés, comme disaient les Spartiates) constituait la plus vaste unité politique du monde grec et inquiétait les États voisins qui se sentaient menacés. 

La première offensive sérieuse lancée par la ligue du Péloponnèse eut lieu en 511. Le tyran Pisistrate et son fils gouvernaient Athènes depuis près d’un demi-siècle lorsqu’un conflit avec Sparte déclencha la guerre. À la tête d’une armée spartiate, le roi Cléomène pénétra en Attique, chassa la famille du tyran et prit provisoirement le pouvoir à Athènes. Les Athéniens se soulevèrent et assiégèrent Cléomène et sa petite armée retranchés dans l’Acropole. Cléomène dut capituler sans gloire et, lorsqu’il rentra chez lui, il mobilisa toute la ligue du Péloponnèse contre Athènes. À cette époque, deux rois héréditaires gouvernaient simultanément Sparte. Accompagné de son collègue Demarate, Cléomène retourna en Attique à la tête d’une puissante armée. Thèbes et Chalcis, voisines de l’Attique, firent rapidement alliance avec Sparte. 

Au moment où Athènes était menacée de destruction, une dispute entre les deux rois affecta les petits États de la ligue. La majorité déclara que la guerre n’était qu’une revanche personnelle de Cléomène, et rappelèrent leurs troupes. La machine de guerre spartiate avait été enrayée par des divergences d’opinion, et sans doute par des tentatives de corruption dues aux Athéniens. Tirant avantage de la situation, l’armée athénienne marcha vers le nord, battit Thèbes, et Chalcis dont elle fit un État fantoche colonisé. 

Hoplite Athénien 

Hoplite Spartiate 

Tandis que la guerre se poursuivait encore au début du Vc siècle, Athènes s’était remise de la menace et armait ses troupes. En réponse à une alliance entre Thèbes et l’île d’Égine, les Athéniens décidèrent de créer une flotte. Tout était prêt pour un éventuel combat entre l’empire militariste de Sparte et l’empire maritime d’Athènes: la guerre du Péloponnèse allait fortement ébranler le monde grec. Alors que les cités-États continuaient à se battre entre elles et à faire et défaire les alliances, ces conflits seraient de plus en plus dominés par les deux plus puissantes cités-États de l’ancien monde grec. 

La rapide expansion de Sparte - une petite cité-État qui était devenue la puissance dominante du Péloponnèse - portait en elle le germe de sa destruction. Après la prise d’Hélos, en Laconie, les populations des villes capturées furent réduites à l’état d’hilotes, ce qui entraîna un déséquilibre social dans la région. Pourtant, l’économie de Sparte ne pouvait survivre que de cette manière: le travail des esclaves soutenait l’effort militaire. 

Les hilotes étaient beaucoup plus nombreux que les citoyens de Sparte, et un soulèvement était toujours possible, malgré la sévérité des châtiments en cas de révolte. Les Spartiates étaient entourés d’esclaves qui les haïssaient, et les sentiments de leurs alliés à leur égard n’étaient guère plus positifs. L’armée maintenait le pouvoir de Sparte, et lorsqu’elle commença à faiblir après la coûteuse victoire de la guerre du Péloponnèse, le déclin de Sparte ne fit plus de doute. 

LA COLONISATION ET LE COMMERCE

La colonisation n’est le fait que des VIIIe et VIIe siècles. On appelle par là le fait que la forme de la cité se diffuse dans l’ensemble du bassin oriental et occidental de la Méditerranée (Massilia, l’actuelle Marseille ; Nikaia, l’actuelle Nice). Ce phénomène s’arrête à la fin du VIIe siècle. 

D’abord, ces cités apparaissent en méditerranée orientale sur la côte de la Libye actuelle, avec Cyrène et deux comptoirs en Égypte, celui de Naucratis étant le plus important. Au VIIe siècle, beaucoup de fondations ont lieu dans la mer Égée ou la mer Noire, comme Byzance, fondée en 660. À l’Occident, les cités grecques se retrouvent surtout en Sicile, particulièrement hellénisée, en Italie du Sud ou vers l’extrême Occident (Massalia). 

La géographie a eu son rôle et certaines cités ont été plus colonisées que d’autres. La Sicile a été peuplée par des colons de Chalcis et de Corinthe. Les côtes de la mer Noire ont été colonisées par la cité de Milet qui y a fondé près des 75 cités, dont celle de Théra. On sait par le poète Archiloque que cette colonisation ne s’est pas faite pacifiquement, mais avec des combats : les Thasiens, les habitants de Thasos, ont dû combattre les indigènes pour s’imposer. Le choix d’un site se fait en fonction du commerce et ces cités sont souvent établies pour le commerce. 

Pour fonder une colonie, le procédé est toujours le même. Dans une cité qui n’arrive plus à nourrir sa population, on monte une expédition. On demande son avis à l’oracle de Delphes et on part sur la route conseillée, sous le commandement de celui qui a demandé l’oracle. Ainsi, la colonie de Cyrène a été fondée par celle de Théra. Hérodote a recueilli les deux versions, qu’il faut compléter avec une inscription, « Le serment des fondateurs ». Ce fut une fondation très difficile qui n’a réussi qu’après plusieurs tentatives pour trouver le chemin de l’Afrique. Sous la direction de l’oïkiste Battos, les gens de Théra sont partis « entre hommes », et ont trouvé les femmes sur place. Les Serment des fondateurs montre que les choses se sont faites dans la douleur. On tire au sort pour le départ un colon ainsi qu’un fils dans toute famille ayant plus de deux héritiers mâles, avec l’interdiction formelle de revenir sous peine de lapidation. La cité de Cyrène est devenue très riche grâce aux céréales, aux chevaux, la laine et les bœufs. 

Ces fondations ont plusieurs conséquences. Tout d’abord, cela entraîne la prospérité grâce au commerce. Par exemple, la cité d’Égine, qui n’a pas fondé de colonie, devient très puissante en commerçant avec les colonies d’occident et de la mer Noire. 

Les Grecs ont pris l’habitude de fonder des cités. Ils estiment avoir toute la place disponible et utilisent la géographie pour la cadastration (on en a retrouvé des traces en Sicile). Ces fondations se font dans un cadre hostile. Cela entraîne une nécessaire solidarité et les citoyens ont du faire preuve de cohésion les uns avec les autres. Les effets dérivés de la colonisation, sont la mise en contact des colons avec des populations dites barbares qui peuvent être plus avancées qu’eux sur certains points.  

Une autre conséquence de la colonisation, c’est l’acquisition de l’alphabet. Dans le paragraphe 58 du livre V, Hérodote rapporte que l’alphabet vient des Phéniciens et que les Grecs l’ont adopté. L’inscription la plus ancienne date de 750–700 et se trouve sur une coupe à boire, à Ischia, dans la baie de Naples. Cette écriture a été d’emblée utilisée dans un cadre séculier et pas exclusivement sacré. 

Cela a plusieurs conséquences. On voit apparaître la poésie écrite, des traités de réflexion et la possibilité de transcrire les lois. À Athènes, en 625, Dracon fait transcrire un code de loi, utilisé par la suite par les Athéniens. Enfin, les textes peuvent être transmis d’une génération à l’autre. 

Enfin, la dernière conséquence de la colonisation est l’acquisition de la monnaie, qui n’est pas une invention grecque, mais une invention barbare du roi de Lydie Crésus, qui a été étroitement en contact avec les cités grecques au VIe siècle. Il est vaincu en 546 par le roi Perse Cyrus. Chaque cité grecque s’est emparée de cette notion pour frapper sa propre monnaie, afin de marquer leur existence. À l’époque archaïque, les cités grecque frappe monnaie de manière irrégulière selon leurs besoins, militaires par exemple, lorsqu’il faut payer des mercenaires. Chaque cité appose un signe particulier sur la monnaie qu’elle frappe, l’épicène, qui permet de la reconnaître. Pour Athènes, c’est une chouette. La notion de monnaie est intéressante. Elle est utilisée comme étalon de valeur. Adopter la monnaie, c’est proposer une solution à la crise des valeurs du VIIIe et du VIIe siècle. Cela explique la fortune de cette institution dans toute l’histoire grecque. 

Ces cités sont traversées par des conflits. L’héritage de l’époque archaïque, c’est l’invention de la politique. 

L’INVENTION DE LA POLITIQUE

Les problèmes sociaux des cités grecques

Ces cités sont traversées par de graves conflits internes. Ce monde est en crise pour une raison simple. Aux VIIe et VIIe siècles, il y a trop de bouches à nourrir, il y a trop d’hommes. Ceci est un facteur de problèmes politiques et de guerre civile. 

A cela s’ajoute une crise agraire. Les terres sont concentrées dans les mains de quelques grandes familles aristocratiques. Une partie de la population se trouve dans un état proche de la servitude, pour cause de dettes par exemple. Deux revendications naissent. On réclame l’abolition des dettes et le partage égalitaire des terres. Mais ces deux revendications sont inadmissibles pour les familles aristocratiques qui gouvernent les cités. Ceci nous est connu par la Constitution des Athéniens : « Avant les législations de Dracon et Solon dominaient les grandes familles aristocratiques ». 

Cela rencontre la notion d’Isonomie, qui consiste en l’égalité politique. 

La naissance des régimes politiques

L’une des premières revendications du dêmos fut, dans de nombreuses cités évoluées, celle d’une législation soustraite à l’arbitraire des aristocrates, donc écrite. Ainsi s’explique le mouvement des législateurs qui prétendaient, par l’établissement de lois (nomoi), assurer le triomphe de la justice. 

Ainsi firent les aisymnètes (présidents de commissions juridiques) dans les riches cités grecques d’Asie Mineure (Epimènes de Milet, Pittacos de Mytilène ou Aristarque d’Ephèse), Charondas de Catane et Zaleucos de Locres en Occident, Dracon en 621 puis Solon au début du VI e siècle à Athènes et, beaucoup plus tôt peut-être, Lycurgue à Sparte. Loi attribuée à ce dernier, la “grande rhêtra” (la Grande Loi), devait, pendant des siècles, fixer le destin d’une communauté élargie de citoyens - les “Egaux”, ou plus exactement les “Pairs” - consacrant leur vie à la défense et à la politique de la cité pendant que des dépendants, les hilotes, cultivaient la terre civique et que les périèques s’autoadministraient aux marges de la cité. 

La tyrannie 

Ailleurs, les troubles sociaux permirent à un homme seul, souvent appuyé sur le dêmos (le peuple), d’arracher le pouvoir à l’aristocratie et d’instaurer un régime fort. Le terme de tyrannie n’implique, à l’origine, aucun jugement de valeur sur l’exercice du pouvoir, mais qualifie simplement un pouvoir absolu, établi et maintenu en dehors de toute légalité constitutionnelle. Il n’y a pas de schéma unique de la tyrannie. 

Thucydide remarquait déjà un lien entre la tyrannie et l’accroissement des richesses dû aux échanges, et, à l’appui de sa démonstration, il citait Samos (avec son tyran Polycrate), Phocée (pour laquelle la tradition n’a pourtant conservé le nom d’aucun tyran) et Corinthe (avec les Cypsélides). L’exemple de Sicyone, avec la tyrannie des Orthagorides, montre comment peuvent intervenir également les facteurs ethniques, du moins avec Clisthène (grand-père du réformateur athénien), qui, à l’aube du VIe siècle, s’appuie sur le peuple dans sa lutte contre l’aristocratie. 

Monnaie d’argent d’Athènes, Ve siècle av. J.-C. 

Aux confins du monde grec, enfin, il ne fait aucun doute que la menace des Barbares accroît le besoin d’un pouvoir fort. A Samos, Polycrate se veut ainsi le champion de la lutte contre les Perses, et, à Syracuse, la tyrannie des Déinoménides joue sur le danger indigène, et plus encore carthaginois. C’est le cas de Gélon, au début du V e siècle, et, en 405, de Denys l’Ancien. Mais cette tyrannie des Déinoménides, d’ailleurs tardive, fait figure d’exception. 

LES COLONIES GRECQUES

L’expansion coloniale 

Les causes de l’émigration qui, en un peu moins de deux siècles, aboutit à la création d’établissements grecs sur tout le pourtour de la Méditerranée, de la Propontide à la Gaule, sont, d’une part, la sténochoria (“exiguïté des terres”) et, d’autre part, les nécessités d’un commerce renaissant, comme le prouvent les premiers comptoirs grecs: Al-Mina, en Orient, dès 800, les îles Pithécusses, non loin de l’Etrurie riche en fer, vers 775, en Occident. Apoikia, traduit conventionnellement par “colonie”, signifie simplement “émigration” et se révèle tout à fait étranger aux notions de dépendance et de complémentarité économiques qui accompagnent la colonie au sens usuel du terme. 

Dans tous les cas, les colons partent sous la direction d’un oikiste (qui, à sa mort, fait l’objet d’un culte héroïque); ils chassent ou asservissent les indigènes, ou dans le meilleur des cas (Mégare Hyblaia en Sicile) reçoivent d’eux un territoire. Ils installent alors la flamme emportée du foyer de la cité mère et les dieux garants du succès de l’entreprise (l’Apollon de Delphes, souvent consulté avant le départ, est ainsi honoré sur tous les rivages de la Méditerranée). 

Mais, si les liens religieux restent forts entre métropole et colonies, aucune dépendance n’est décelable. Il arrive même que la cité nouvelle l’emporte, plus tard, en puissance et en renommée sur la cité fondatrice (ainsi connaît-on mieux Syracuse que Corinthe).  

Les premières fondations 
A partir de 775, les fondations concernent la Grande-Grèce et la Sicile. Mais, dès le VIIIe siècle avec la Chalcidique de Thrace, le monde grec s’étend vers le nord-est; au VIIe siècle, il gagne la Thrace, l’Hellespont, le Pont-Euxin, ainsi que l’Egypte (où un seul comptoir est concédé aux Grecs: Naucratis) et la Cyrénaïque.

L’origine des colons s’est diversifiée (beaucoup plus de Grecs des îles et d’Asie). Vers l’ouest, les Phocéens commercent en Espagne et en Gaule: en 600, ils fondent Massalia (Marseille). Les colonies ainsi créées constituent souvent de véritables laboratoires d’expériences. Le territoire agricole de certaines fondations (Métaponte) est cadastré en lots réguliers, et cette division des terres en lanières semble avoir dicté l’organisation de la ville en îlots allongés et réguliers (qui préfigurent le système dit “hippodamien”, du V e siècle).

Le rayonnement des colonies 
Si cette égalité dans la répartition des lots semble voulue au départ (avec une part importante de terres restées collectives), elle est vite perturbée par l’arrivée de nouveaux colons ou par la concentration foncière: au VI e siècle, déjà, les aristocrates de Syracuse portent le nom de gamoroi: “ceux entre qui on a partagé la terre”. 

Cratère corinthien, chasse au sanglier de Calydon

Ces premiers cadastrages n’en restent pas moins à l’origine de l’urbanisme grec, et, en bien des domaines, le succès de ces cités, souvent plus vastes et plus riches que celles de Grèce propre, a donné des dimensions imprévues à l’hellénisme. Le prouvent l’importance historique de Syracuse ou de Tarente et le rôle de modèle reconnu par les Grecs aux législateurs des cités coloniales (Zaleucos de Locres ou Charondas de Catane). Le prouvent, plus matériellement encore, les trois aires sacrées de Sélinonte, la terrasse des temples d’Agrigente ou les trois temples magnifiquement conservés de Poseidônia-Paestum.

L’implantation grecque en Italie du Sud et en Sicile 
L’implantation grecque en Italie méridionale et en Sicile est le fruit d’un vaste mouvement de colonisation, qui est d’abord le fait des habitants de l’Eubée. Vers 770 av. J.-C., ceux-ci s’installent à Ischia, puis fondent une autre cité à Cumes, en Campanie, en 757 av. J.-C. Mais peu après, les Chalcidiens, autre peuple grec originaire de la vaste presqu’île située au sud de la Macédoine, s’emparent de Cumes et entreprennent la mise en valeur des riches terres volcaniques de la chôra (territoire adjacent qui fait juridiquement partie de la cité). Ils entrent alors en conflit avec les Etrusques voisins, qu’ils arrivent à contenir. Mais le tyran Hiéron de Syracuse anéantit la flotte de Cumes, qui, peu après, est détruite par les Campaniens en 421 av. J.-C.

Par ailleurs, les Chalcidiens ont fondé, à peu près à la même époque que Cumes et Ischia, la cité plus modeste de Naxos, en Sicile. Les Chalcidiens ne sont pas les seuls à coloniser le Sud de l’Italie. En effet, dès 734 av. J.-C., les Corinthiens dirigés par Archias investissent le site sicilien de Syracuse, appelé à devenir la plus puissante des cités de Sicile. Les tyrans successifs de Syracuse, les Deinoménides Galéon et Hiéron I er , Denys l’Ancien et Denys le Jeune l’ornent de monuments imposants. En Italie méridionale, la plus puissante cité est Tarente, fondée par les Lacédémoniens (ou Spartiates).

A partir du VI e siècle av. J.-C., les côtes de l’Italie du Sud et de la Sicile sont bordées de cités grecques peuplées et industrieuses, tirant profit de la richesse du sol alluvial des plaines côtières; elles attirent une nombreuse émigration grecque, qui peut y pratiquer les mêmes cultures que dans son pays d’origine. Lors de la fondation de toute colonie, un chef est désigné du titre de “fondateur” (oikistès) par la cité d’origine des colons, et joue un rôle essentiel: placé sous la protection des dieux, il permet aux émigrants de surmonter les épreuves. 

Une vie intellectuelle brillante qui n’a rien à envier à celle de la Grèce se développe dans les cités de Grande-Grèce. Ainsi, à Crotone, en Sicile, le philosophe et mathématicien Pythagore fonde son école, et joue sur le plan politique un rôle considérable, que son école conserve longtemps après sa mort. Citons aussi la magnificence des monuments (basilique, VIe siècle av. J.-C.; temples d’Héra, de Poséïdon, IVe siècle av. J.-C.; temple de Cérès, fin du IV e siècle av. J.-C.). 

La richesse et l’opulence des cités de Grande-Grèce permettent à la fois l’édification de temples grandioses, parfois marqués par l’art phénicien, notamment à Agrigente et à Pæstum, et un rayonnement artistique et intellectuel considérable. Ainsi, les cités de Grande-Grèce sont les vecteurs, en Méditerranée occidentale, de la civilisation hellénique. Foyer d’échanges avec le monde latin, qui prend peu à peu son essor, les cités de Grande-Grèce voient l’apparition des premiers écrivains de langue latine, Livius Andronicus (v. 280-207 av. J.-C.) et Ennius (239-169 av. J.-C.).


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L'époque classique

L’ÉPOQUE CLASSIQUE

L’époque classique, considérée comme l’âge d’or de la civilisation grecque (V e siècle-IV e siècle), va réunir toutes ses histoires particulières en un destin commun. Les historiens affirment que l’âge archaïque a duré de -750 à -480, période pendant laquelle les cités-États se sont constituées, en même temps que les Grecs s’établissaient autour de la Méditerranée. Ce fut une époque de renaissance culturelle et politique. De riches exemples d’art, d’architecture et de littérature illustrent cette brillante période. 

Mais soudain, tout sembla changer, et la civilisation grecque se trouva menacée d’extinction: une nouvelle puissance venue d’Orient s’apprêtait à envahir les cités-États. 

LES GUERRES MÉDIQUES

En 546, le roi de Perse Cyrius II conquit le royaume de Lydie, en Asie Mineure, pour créer un Empire perse qui s’étendait de la mer Égée à l’océan Indien. Puis, il se retourna contre les cités grecques ioniennes de la côte occidentale de l’Asie Mineure. Les Athéniens vinrent soutenir leurs compatriotes, mais la poussée perse fut impossible à arrêter et, en 510, les cités et les îles ioniennes étaient tombées entre les mains de leurs envahisseurs. 

Darius décida de s’occuper de ces Grecs qu’il trouvait embarrassants. Il gagna l’Europe en traversant le Bosphore et marcha sur la Grèce à travers la Thrace et la Macédoine, qu’il écrasa. Avec l’aide des Athéniens, la cité ionienne de Milet se souleva, ce qui ralentit temporairement l’invasion de la Thessalie, qui cependant succomba à l’avancé perse en 494. 

Darius projetait d’anéantir Athènes pour éviter une nouvelle intervention. Le décor des guerres médiques était en place: une série de campagnes allait opposer Athènes et une poignée d’alliés à la puissance de l’Empire perse. Des ambassadeurs perses demandèrent que les Athéniens envoient au roi de Perse de la terre et de l’eau, symbole de soumission. Une fois la requête rejetée, la guerre paraissait inévitable. 

Darius pensa tout d’abord n’engager qu’une expédition punitive pour forcer Athènes à se soumettre. Après avoir perdu une flotte, en 492, dans une tempête au large des côtes de la Chacidique, non loin du mont Athos, le roi de Perse réunit une autre flotte et une autre armée, tandis qu’Athènes se démenait pour trouver des alliés, car les anciennes inimitiés entre Athènes et Sparte empêchaient une franche coopération. Athènes se retrouvait donc pratiquement seule face aux Perses.  

Lorsque les Perses se lancèrent contre Athènes en 490, elle se trouvait donc complètement isolée. Il s’ensuivit pendant onze années un combat qui relève de la lutte entre David et Goliath, entre la civilisation grecque et les potentats orientaux de Perse et de Médie. L’ironie veut que les Perses ont réussi l’impossible: unifier les Grecs contre un ennemi commun - les Spartiates, les Thébains et les Athéniens se liguèrent, oubliant leurs rivalités, dans un combat pour leur survie.

La menace perse 

Alors que la Grèce sortait des siècles obscurs, à l’est, l’empire assyrien atteignait l’apogée de sa puissance. Bien qu’ayant prospéré sous le règne du roi Assurbanipal (668-627), l’empire se désintégra après sa mort. Les territoires assyriens furent divisés entre les Mèdes et les Babyloniens . Sous le règne du roi Cyaxare (vers 625-585), l’empire mède devint la puissance dominante du Moyen-Orient, s’étendant de l’Iran à l’Anatolie.

En 550, les Perses, sous la conduite de Cyrus le Grand, se révoltèrent contre leurs seigneurs mèdes, conquirent l’empire et assimilèrent l’aristocratie mède et le gouvernement à un nouvel état perse. L’empire perse achéménide, portant le nom du fondateur de la dynastie royale perse, fut gouverné par Cyrus (régnant sous le nom de Cyrus II de 559 à 530). Il étendit son territoire en conquérant la Lydie (Asie Mineure) en 546, la Babylonie (la plus grande partie du Moyen-Orient) en 539, puis la Bactriane (au nord de l’Iran) et le Gandhara (aujourd’hui l’Aghanistan), Au début du ve siècle, l’empire de Cyrus s’étendait des rivages de la mer Égée à l’Himalaya, et de la mer Caspienne à la mer Rouge.

Si la conquête de la dynastie lydienne des Mermnades en Asie Mineure fut relativement simple, elle mit les Perses en contact avec les colonies grecques de la côte sud de la mer Noire. Leurs troupes s’arrêtèrent devant les cités-États grecques d’Ionie sur la côte égéenne de l’Asie Mineure, et leur flotte menaça les îles ioniennes proches.

De grandes cités comme Milet, Halicarnasse et Éphèse tombèrent les unes après les autres. Les Ioniens avaient appelé à leur secours les Grecs du continent, mais malgré la présence des navires et des hoplites d’Athènes et d’Eubée, l’avancée des Perses continua. Après ses conquêtes égéennes, Cyrus se tourna vers l’est, et entra à Babylone à la tête de son armée en 539.

La plus puissante des armées 

Cyrus passa les huit dernières années de sa vie à organiser son empire hétérogène, qu’il divisa en vingt provinces. Chacune d’elles était dirigée par un satrape, Gouverneur régional qui agissait comme chef militaire et administrateur. Cyrus dirigeait son empire de son palais de Pasargades, ville qu’il fonda en 540 et qui resta la capitale de l’empire jusqu’en 522, date à laquelle son fils Cambyse la déplaça près de Persépolis.

En 512, le successeur de Cambyse, Darius Le Grand (521-486), envahit la Thrace en passant d’Asie en Europe sur un pont de bateaux conçu par un ingénieur grec ionien, Mandrocle d’Athènes. Darius fit campagne contre les Scvthes au-delà du Danube, puis se retourna contre la Macédoine qui se soumit à la suzeraineté perse.

Alors que Darius se battait contre les rébellions des Grecs d’Asie Mineure, son beau fils .Mardonios tenta d’attaquer le sud de la Grèce continentale, mais sa flotte fut détruite par une tempère. Darius concentra ses forces en Asie mineure et se prépara à lancer une campagne navale punitive contre Athènes et ses alliés en 490.

Mais le Grand Roi disposait d’immenses ressources et l’apparence hétérogène de son armée était trompeuse. Elle était, en effet, commandée par un état-major efficace, soutenu par une excellente logistique. Menée par les Immortels - la garde perse - l’armée était formée de trente corps, chacun venant d’une région différente de l’empire. Elle comprenait les cavaleries des Parthes et des Mèdes, les porteurs de fronde cypriotes, les archers indiens, les lanciers d’Iran et de Bactriane et les voltigeurs lybiens.

Bien que la nature polyglotte de l’armée perse ait posé quelques problèmes de commandement et de communications, son importance était impressionnante. Darius disposait de 150 000 hommes et de 650 navires. Même unis, les Grecs disposaient de cinq fois moins d’hommes et de deux tiers moins de bateaux. Confrontés à une telle menace, les Grecs ne parvinrent pas à réunir leurs forces.

Marathon 

En -490 Darius lança une flotte de 600 navires en mer Egée, et s’empara de chaque île qu’il rencontrait. Finalement les Perses débarquèrent en Attique, où ils se heurterent à une armée athénienne et livrèrent la première bataille des guerres médiques. 

Luc Olivier Merson : Le soldat de Marathon, Huile sur toile. grand prix de Rome de peinture d’histoire, 1869. Le corps expéditionnaire perse de 21 000 soldats fut rassemblé sur l’île ionienne de Samos, sous le commandement conjoint du général mède Datis et du beau-fils du roi, Artaphernès. Selon l’historien grec Hérodote, leur mission était de «réduire Athènes et Érétrie à l’esclavage, et de conduire ces esclaves devant le roi », Le dictateur athénien exilé Hippias, fils de Pisistrate, accepta de jouer le rôle d’un souverain fantoche et accompagna l’expédition, à la tête d’une unité de mercenaires grecs.

Cette force se dirigea vers le sud-ouest à travers les Cyclades pour atteindre Naxos où tous les bâtiments furent détruits. Au nord-ouest, les habitants de Délos s’enfuirent avant l’arrivée des envahisseurs, mais Datis leur envoya un message de paix. Il prétexta que Naxos était une alliée d’Athènes, alors que Délos était restée neutre. Après avoir apaisé les habitants de l’île par des offrandes au temple d’Apollon à Délos, les Perses continuèrent vers Eubée, au nord d’Athènes, prenant des otages dans chacune des îles où ils passaient.

Sur Eubée, la petite cité de Karystos refusa de se soumettre. Elle fut assiégée et ses bâtiments publics incendiés. Les Perses avancèrent alors vers Érétrie, qui refusa elle aussi de se rendre. Elle résista une semaine avant qu’un traître ne se laisse corrompre et ouvre les portes de la cité. Une fois encore, les Perses détruisirent les temples et les édifices publics et réduisirent la population en esclavage.

Pour éviter toute résistance des Athéniens, Hippias conseilla aux Perses de débarquer assez loin d’Athènes sur la côte nord-ouest de l’Attique, à Marathon, dont l’immense baie pouvait accueillir toute la flotte perse. La plaine de l’arrière-pays permettrait aussi à la cavalerie perse d’opérer sans obstacle pour affronter en terrain ouvert la cavalerie athénienne. On espérait que des sympathisants, achetés par l’or des Perses, trahiraient Athènes. C’est pourquoi Datis et Artaphernès attendirent dans leur camp une insurrection, qui ne vint jamais. Chaque jour qui passait donnait aux Athéniens le temps de réunir leurs forces et celles de leurs alliés. Les 10 000 hoplites d’Athènes qui observaient les Perses du haut des collines dominant la plaine de Marathon envoyèrent des messages aux autres États pour demander leur aide.

Sparte refusa de venir avant le mois d’août, sous le prétexte d’une fête religieuse. En fait, les Spartiates voulaient gagner du temps pour voir comment évoluerait la situation. Malgré l’arrivée d’une centaine de volontaires envoyés par Platées, les Athéniens se retrouvaient seuls. Le polémarque Callimaque conduisait l’armée, tandis que le remarquable Miltiade coordonnait la stratégie.

Avant que les Spartiates changent d’avis et viennent apporter leur soutien aux Athéniens, Datis et Artaphernès décidèrent de passer à l’action. Hippias prit contact avec certains de ses partisans à Athènes, qui lui proposèrent de trahir Athènes à l’arrivée des Perses. Un plan fut dressé qui prévoyait de clouer sur place les Athéniens à Marathon, tandis que le gros de l’armée perse contournerait l’Attique par la mer pour s’emparer d’Athènes, alors pratiquement sans défense.

Des espions avertirent Miltiade que Datis, profitant de l’obscurité, débarquait une grande partie de sa cavalerie et une importante division d’infanterie. Les Athéniens décidèrent de frapper alors que l’ennemi était encore divisé, espérant battre Artaphernès dans la plaine avant de retourner à Athènes pour intercepter Datis. L:attaque, menée par les forces athéniennes oncentrées sur leurs ailes, prit les Perses par surprise. Les flancs perses lâchèrent prise et les hommes d’Artaphernès durent battre en retraite vers la mer. Les Athéniens se précipitèrent sur le camp ennemi pour tenter d’empêcher la flotte perse de venir à la rescousse. Dans une courte et sanglante bataille, 6400 Perses perdirent la vie dans les marais et sur les plages, tandis que les Athéniens ne perdaient que 192 hommes.

Les Athéniens se replièrent sur Athènes pour empêcher Datis de débarquer. Comprenant que la campagne était perdue, celui-ci préféra récupérer les survivants, parmi lesquels Artaphernès, et repartir vers l’Asie. Athènes était temporairement sauvée. Au prochain retour des Perses, il ne s’agira plus d’une simple expédition punitive, mais d’une invasion de grande envergure.

Les Thermopyles 

À sa mort en -486, le roi Darius avait prévu d’envahir la grèce par le nord. Son fils Xerxès (486-465) releva le défi, mais fut retardé par des événements survenus en Egypte. Pendant l’hiver 481-480, il était enfin prêt.

Xerxès rassembla à Sardes, au nord-ouest de l’Asie Mineure, une armée d’environ 200 000 hommes galvanisés par l’unité d’élite que formaient les 10 000 Immortels. Les chroniqueurs grecs affirmèrent plus tard que l’armée de Xerxès était si nombreuse que ses hommes pouvaient « assécher une rivière en la buvant.»

Comme l’armée de Darius avant elle, les Perses passèrent en Thrace sur un pont de bateaux jetés à travers l’Hellespont, et furent escortés par une flotte assurant leur approvisionnement. Voulant éviter de perdre à nouveau ses navires dans une tempête au large du mont Athos, Xerès ordonna de creuser un canal à travers Actium, langue de terre qui conduit à ce cap battu par les vents.

La réaction des Grecs face à cette nouvelle invasion fut mitigée. Quelques États du Nord ouvrirent leurs frontières aux Perses et, se déclarèrent neutres et, tandis que les Grecs se disputaient, les Perses avançaient. Le roi Léonidas de Sparte fut choisi comme chef de la coalition qui devait affronter les envahisseurs, mais sa participation éveilla l’hostilité de plusieurs autres cités-États.

Une force réunissant seulement 5 000 Grecs marcha vers le nord à travers la Thessalie, espérant arrêter les Perses dans les cols thessaliens. Mais il était trop tard, et ils durent battre en retraite vers le sud. Léonidas choisit d’arrêter les Perses au défilé des Thermopyles, considéré comme la porte de la Grèce centrale, passage étroit entre le golfe Maliaque et les monts Locriens. À la mi-août, l’armée de Xerxès atteignit la passe, mais la flotte fut incapable de la rejoindre en raison des navires athéniens qui gardaient l’entrée nord du golfe. Incapable d’utiliser ses navires pour contourner les Grecs, Xerxès n’avait d’autre choix que d’attaquer.

Alors que les deux flottes s’affrontaient en une série de combats incertains au large d’Artémision, sur la côte nord d’Eubée, Xerxès lança deux attaques frontales pendant deux jours, utilisant d’abord les vétérans de ses troupes mèdes, puis un corps de volontaires. Les Perses ne purent chasser leurs adversaires de leur position, parce que l’étroitesse du défilé des Thermopyles ne leur permettait pas de déployer l’ensemble de leurs forces: leur attaque échoua. 


Léonidas aux Thermopyles, Jacques-Louis David, 1814, musée du Louvre 

Ultime position des Spartiates 

Les Grecs avaient démontré qu’ils étaient mieux armés, mieux entraînés et mieux équipés. Le choc de l’attaque des Perses se brisa sur un contingent d’élite de 300 soldats spartiates, les troupes les plus aguerries de toutes les forces grecques.

Xerxès fit une autre tentative infructueuse pour déloger les défenseurs, et ses pertes augmentèrent. Pendant ce temps, une sévère tempête avait réduit sa flotte à environ un tiers des 700 navires qui la constituaient. Ne sachant pas comment sortir de l’impasse, Xerxès saisit l’opportunité que lui offrit un informateur local nommé Éphialte, qui s’introduisit dans le camp perse et affirma qu’il pouvait montrer aux envahisseurs une route leur permettant de contourner les Thermopyles. Xerxès envoya le général Hydarnès à la tête de 10 000 hommes pour suivre la route indiquée par Éphialte.

Une force d’interception grecque fut balayée, mais l’alarme put être donnée, et la majorité réussit à échapper au piège. Léonidas et ses 300 Spartiates choisirent de tenir leur position pour donner à leurs alliés le temps de s’enfuir. N’ayant plus aucun espoir de secours, les défenseurs périrent dans un dernier assaut. Cette action évita aux survivants de l’armée grecque d’être poursuivis par la cavalerie perse.

Xerxès avait réussi à s’enfoncer dans les riches terres de la Grèce, mais au prix de lourdes pertes, en hommes et en temps. Si le sacrifice des Spartiates permit à leurs alliés de s’échapper, il redonna aussi du courage à la confédération grecque affaiblie. Bien que l’avance perse continuât, les Grecs refusaient toujours les demandes de Xerxès. L’honneur de Léonidas et de ses Spartiates devait être vengé.

A la fin de l’été 480, Xerxès et son armée de près de 200 000 hommes avançaient au cœur de la Grèce continentale, conquérant tout sur leur passage. Thèbes se rendit, offrant « la terre et l’eau », puis Delphes, Élatée, et d’autres cités béotiennes plus petites, jusqu’à ce que les Perses arrivent à Athènes, en septembre.

La flotte de guerre athénienne était en mer, entre le port du Pirée et l’île de Salamine, un peu plus au sud. La plus grande partie de l’armée athénienne battait en retraite vers l’ouest pour rejoindre ce qui restait des forces de la coalition, repliées sur l’isthme de Corinthe. Une petite unité d’hoplites était restée en arrière pour défendre l’Acropole, le cœur sacré et politique d’Athènes. La cité fut abandonnée aux Perses.

Ils assiégèrent rapidement l’Acropole, dont peu après, les défenseurs étaient massacrés. Les temples de la cité furent pillés et incendiés, et les .Athéniens réfugiés sur leur île assistèrent à la destruction de leur ville.

La flotte grecque, en majorité athénienne, accueillait des escadres d’autres cités-États, réunissant ainsi de 350 à 380 trirèmes. Pour sa part, la flotte perse en avait environ 500, principalement égyptiennes, ioniennes et phéniciennes. Elle était ancrée à l’ouest et attendait les ordres. Au moyen de diverses ruses, Thémistocle essaya de pousser les Perses à la bataille, car seule une victoire décisive pouvait retourner la situation. Xerxès pensait qu’en détruisant la flotte grecque, il pourrait contourner Corinthe et conquérir Sparte.

Une mer couverte d’ épaves 

Le roi de Perse donna l’ordre d’attaquer et fit porter son trône sur le rivage pour observer le spectacle. Avant de lancer leur assaut, les Perses occupèrent l’île de Psyttalie, qui séparait les deux flottes, pour pouvoir protéger les marins alliés et tuer les ennemis. Les Grecs s’étaient retirés, engageant le gros de leur flotte dans le canal de Salamine. Ils avaient laissé une petite escadre dans la baie d’Ambelaki, au sud, d’où ils pourraient effectuer des sorties contre l’arrière de l’ennemi.

Comme aux Thermopyles, le dispositif grec ne laissait aux Perses aucune chance de déployer leur supériorité numérique. Xerxès, l’armée perse située au nord de l’Attique et le peuple athénien au sud de l’île de Salamine assistèrent tous à une brutale confrontation. Les Grecs manœuvrèrent pour former une ligne de front, tandis que la flotte perse, trop nombreuse, s’empêtrait dans une mer dont elle ne connaissait ni les courants ni les vents. Les Grecs, à maintes reprises, éperonnèrent les navires perses sans défense, ajoutant encore à la débâcle.

La bataille tourna lentement en faveur des Grecs. De nombreuses trirèmes perses tentèrent de s’échapper, mais elles tombèrent sur l’escadre cachée dans la baie d’Ambelaki. Les Athéniens reprirent l’île de Psyttalie et massacrèrent la garnison perse. Le massacre continua autant sur la mer que sur la terre, et la flotte perse se trouva prise au piège.

La bataille finale eut lieu au pied du mont Aigaléos d’où Xerxès assistait à la destruction de sa flotte. Comme l’écrivit un témoin, Eschyle: «Les coques écrasées et retournées sur la mer étaient si nombreuses qu’on ne pouvait plus voir l’eau, où s’entrechoquaient les épaves et les hommes massacrés, et les rivages comme les récifs se couvraient de corps sans vie. » La guerre n’était pas gagnée, mais les Perses avaient subi une cuisante défaite. Ils se retirèrent vers le nord, laissant les ruines d’Athènes à ses citoyens. La flotte perse était détruite, mais son armée était intacte, et elle reviendrait.

Platées 

Pendant l’hiver 480-479, les Grecs dressèrent des plans pour contrer la nouvelle invasion perse. Sparte et ses alliés du Péloponnèse prétendaient que, depuis l’anéantissement de la flotte perse, ils étaient en mesure de bloquer l’isthme de Corinthe. De leur côté, Athènes et les cités-États du centre de la Grèce qui avaient déjà été envahies insistaient sur la défense de leurs cités.

Le commandant perse Mardonios, lui, essayait d’isoler Athènes en proposant paix et traités. Si la flotte athénienne était neutralisée, Mardonios pourrait déclarer la guerre à Sparte. Les Athéniens refusaient tout compromis. Comme prévu, lorsque le printemps arriva, une armée perse se mit en marche vers le sud, traversa la Thessalie et la Béotie et entra en Attique. Une fois encore, les Athéniens trouvèrent refuge sur l’île de Salamine, et Athènes fut incendiée.

Sparte accepta finalement de coopérer, et une armée grecque composite marcha sur Mégare à partir de l’isthme de Corinthe, forçant les Perses à se retirer d’Athènes vers leurs lignes de ravitaillement du nord-ouest. Le terrain de la campagne de Béotie, au sud de Thèbes, sans obstacles et plat, était bien adapté à une attaque de la cavalerie, et Mardonios espérait y attirer les Grecs. Alors que les Perses se préparaient à la bataille près de la ville de Platées, les Grecs, sous le commandement du roi de Sparte Pausanias, descendirent des montagnes et établirent leurs campements au pied des collines, au sud de leurs ennemis.

L’estimation de la taille des deux armées en présence varie, mais il est probable que les Perses disposaient de 50 000 hommes alors que les Grecs n’en avaient que 35 000. Les hoplites étaient de remarquables fantassins, lourdement armés, mais les Perses et leurs alliés, les Grecs du Nord, étaient aussi réputés pour leurs patrouilles et leur cavalerie. Chacune des parties en présence avait ses avantages et ses inconvénients.

L’arrnée grecque était constituée de Spartiates, d’Athéniens, de Corinthiens, de Mégariens, auxquels venaient s’ajouter des contingents fournis par vingt plus petites cités-États. Les Perses, chez qui se retrouvaient les Mèdes, les Bactriens et les Indiens, étaient soutenus par 15 000 à 20 0000 alliés grecs recrutés en Béotie, Thessalie, Macédoine, Locride et Phocide, États de la Grèce du Nord ou du Centre. Ce n’était donc pas une bataille entre les Grecs et les Perses qui se préparait, mais une lutte entre deux idéologies, l’une impériale et l’autre fédérale. 


Bataille de Salamine


Les Perses recherchaient un bon terrain pour leur cavalerie et les Grecs un bon champ d’action pour leur infanterie. Celui qui lancerait l’attaque aurait l’avantage du choix du lieu. Mardonios effectua le premier mouvement, se servant de sa cavalerie pour harceler les Grecs dans les contreforts du Kithaireon _ aujourd’hui mont Asopus - espérant les attirer dans la plaine. Les Grecs, affaiblis, maintinrent quand même leurs positions. Pendant ce temps, les Perses isolaient et détruisaient un convoi d’approvisionnement.

Pausanias avait été troublé quand des éclaireurs de la cavalerie perse s’étaient avancés derrière lui. Ce fut un débat autant psychologique que militaire, et le Spartiate refusa de quitter sa position. Ayant coupé la ligne d’approvisionnement, Mardonios pensait que les Grecs se retireraient, ce que Pausanias avait deviné. Il organisa donc un repli à travers les montagnes, mais laissa en place les forces athéniennes et spartiates qui formaient ses ailes.

Cette ruse, couronnée de succès, força Mardonios à un engagement général contre la ligne de front grecque. Les Perses durent se battre contre les Spartiates et les Grecs du Centre, pendant que ses alliés grecs attaquaient les Athéniens. La ligne de front étroite força une fois encore les Perses à se battre en petites formations, et quand Mardonios tomba à la tête de sa cavalerie, son flanc gauche s’écroula, suivi du reste de son armée. Seuls restèrent les Béotiens et les 300 hoplites de leur bataillon sacré qui tombèrent sous les coups de leurs vieux ennemis, les Athéniens. La cavalerie perse évita le désastre, et les Perses se retirèrent à la tombée de la nuit.

Les Thermopyles étaient vengés, et les Perses ne tenteraient plus d’envahir la Grèce. Le théâtre des combats se fixa en Asie Mineure jusqu’à ce qu’une paix soit signée en 449. Si les Grecs s’étaient montrés unis, ils s’étaient aussi battus entre eux. Au cours des décennies qui suivirent, cette rivalité fratricide conduira à la guerre entre les deux grandes puissances du monde grec.  

LA SUPRÉMATIE D’ATHÈNES

Lorsque Athènes sortit des guerres médiques en 480-479, elle était la plus grande puissance du monde grec. Même si la cité était alors en cendres, les Athéniens étaient considérés (ou ils réussirent à se faire considérer) comme les chefs de la coalition grecque contre les Perses. Tant que se maintint la menace d’une nouvelle invasion, cette suprématie permit à Athènes de poursuivre ses ambitions impérialistes. Son arrogance favorisa la croissance de son inimitié avec Sparte et ses alliés du Péloponnèse, mais Athènes ignora ses voisins et continua à étendre ses frontières politiques et économiques pour former un empire s’étendant sur la plus grande partie du bassin égéen. 

Durant le Vème siècle, Athènes fut reconstruite, surtout financée par ses nouveaux alliés. Les édifices publics de l’époque sont sans doute les plus belles réalisations de la Grèce. Ces expressions concrètes de puissance s’accompagnaient de démonstrations tout aussi spectaculaires. Pendant plus d’un siècle, Athènes fut le centre culturel, politique et artistique du monde grec, et les commerçants de la cité se montraient tout autant aventureux que les responsables civiques . 

Mais les Athéniens durent lutter pour y parvenir. Les militaires athéniens, victorieux des Perses, avaient maintenant besoin de se réformer. Ils avaient échangé leur rôle de défenseurs locaux pour devenir une force considérable, qui dominait les mers et les cités de garnison, allait même jusqu’à lancer des expéditions punitives loin de ses bases. Si la cité s’était protégée par de nouveaux remparts, le véritable gardien de la sécurité était la flotte, témoin de l’importance du commerce maritime athénien. 

Thémistocle conduisit une nouvelle politique intérieure et extérieure qui plaçait Athènes au cœur d’un empire marchand maritime, et faisant passer d’entité régionale, la polis devint un super-État. Malgré ces réussites, beaucoup de citésÉtats se méfiaient d’Athènes et de son gouvernement démocratique, mais d’autres États admiraient et enviaient sa prospérité. Sparte prit la tête des opposants; les deux puissances réunirent autour d’elles des alliés et formèrent des blocs défensifs. Le risque de guerre entre les États augmenta. Lorsque le conflit survint, il mit à l’épreuve toutes les forces d’Athènes, tant humaines que matérielles. 

La formation de la ligue de Délos en 477, destinée à unifier toutes les puissances navales de la mer Égée, donna le contrôle effectif des mers à Athènes. Sa flotte était la plus grande de la mer Égée et était assez puissante pour inquiéter les Phéniciens qui, avant les guerres médiques, contrôlaient la Méditerranée orientale jusqu’à Carthage. Par comparaison, Chalcis, sur l’île d’Eubée, ne possédait que 20 trirèmes, et Égine n’en rassemblait que 30. Des États et des îles plus petits firent une contribution de quelques navires.  

Temple d’Athèna - Athènes 

Cette suprématie navale sur ses alliés signifiait qu’Athènes gouvernait de fait la ligue, puisque sa flotte servait d’arbitre à sa politique. Pendant les années 460, l’expansion était à son comble. Pour les jeunes Athéniens, servir dans les galères était considéré comme un honneur. En 420, les Athéniens avaient plus de 350 trirèmes, une flotte qui écrasait celle de Sparte (qui n’avait jamais eu jusqu’alors de grands navigateurs) et de ses alliés du Péloponnèse. Sur terre, toutefois, les choses étaient différentes Sparte était de loin la cité la plus dominante. 

Dans l’éventualité d’une guerre, le déséquilibre stratégique entre les forces terrestres et maritimes portait en lui-même les racines d’un conflit de longue durée, car aucun des deux protagonistes n’était capable de porter le coup décisif. On constatera toute l’ampleur de ce problème pendant la guerre du Péloponnèse. 

ATHÈNES ET LA LIGUE DE DÉLOS

Au cours des deux décennies qui suivirent les guerres médiques, Athènes renforça sa flotte, puis força ses alliés à rejoindre la coalition égéenne. Privés de leur autodétermination, les alliés étaient réduits, dans le nouvel «empire démocratique », à l’état de provinces assujetties 

La détàite des Perses en Grèce continentale et en Thrace n’avait pas écarté la menace, surtout sur les îles grecques de la mer Égée et sur la côte ionienne. La constitution d’une alliance défensive était indispensable pour contrer une nouvelle attaque perse. Athènes était le principal promoteur de cette initiative: parce qu’elle avait une considérable force navale, mais aussi parce que les autres États ioniens voulaient copier son gouvernement démocratique et sa culture 

En 477, quatre ans après l’échec de l’invasion perse. Les politiciens et les commandants athéniens rencontrèrent leurs homologues des colonies d’outre-mer, des cités ioniennes et des îles de la mer Égée lors d’un grand rassemblement organisé sur l’île de Délos, île dédiée à Apollon. 

Il en résulta la formation de la ligue de Délos, une alliance des cités-États égéennes qui comprenait les cités de la côte ionienne d’Asie Mineure, les îles du centre et du nord de la mer Égée, la bande côtière de Chalcidique, la Thrace et les côtes asiatiques de la mer de Marmara. Les autres dirigeants de la ligue étaient Rhodes, Milet, Naxos, Samos, Mytilène, la Chersonèse, Eubée, la Béotie, la Locride et la Phocide. Si les membres avaient une politique militaire commune, il était évident que c’était Athènes qui la dirigeait. La guerre contre les Perses continua, avec des campagnes secondaires en Asie, à Chypre et en Égypte.  

Les Caryatids - Athènes 

Grâce au développement important de sa marine, Athènes commença à dominer tout à fait la ligue de Délos. Des campagnes militaires et navales étendirent et sécurisèrent ses frontières, ce qui renforça encore davantage la suprématie athénienne. Cimon s’empara de la cité d’Éion tenue par les Perses, en 475, mettant ainsi la totalité de la côte de Chalcidique sous l’hégémonie de la ligue.

Deux ans plus tard, il détruisit la base des pirates de l’île de Skyros, ce qui lui donnait le contrôle total de la mer Égée, destiné à sécuriser le trafic des navires marchands athéniens entre Athènes, la Thrace, la mer Noire et le nord-est de l’Asie Mineure. Finalement, les Athéniens conquirent les dernières cités encore aux mains des Perses sur les côtes asiatiques de la mer Égée lors d’une campagne qui culmina avec la victoire de l’Eurymédon (468).

Une fois sa sécurité assurée, l’arrogante Athènes n’eut plus de limites et ses alliés furent traités comme des sujets. Quand Naxos choisit de se retirer de la ligue en 470, une flotte fut dépêchée pour la contraindre à revenir sur sa décision. D’autres tentatives d’abandon furent considérées comme des rébellions, et traitées comme telles. Mais la menace perse se faisant moins prégnante, les charges financières imposées par Athènes devinrent injustifiables aux yeux de ses alliés.

Athènes préféra ignorer tout mécontentement qu’elle suscitait. En 447, la Béotie quitta la ligue, puis ce fut le tour de la Phocide et de la Locride. Mégare et Eubée se soulevèrent avec l’aide de Sparte. On peut dire que son arrogance fut une grave erreur. et coûta cher à Athènes, car elle entraîna le monde grec dans une guerre devenue inévitable.

L’alliance défensive qui s’était formée contre la Perse dans le passé - d’où la fondation de la ligue - semblait s’être évanouie après la signature du traité de paix entre la Grèce et la Perse par Périclès en 449, mais le boulé et le démos athénien avaient l’intention de conserver ce qui était devenu leur propre empire. Le paiement de tributs à Athènes en monnaie athénienne ne servait plus à se protéger, mais à glorifier la cité de Périclès.

Sous la conduite de Périclès, l’Athènes du milieu du Vème siècle avait connu un âge d’or, ce qui n’avait pas été le cas des alliés. Périclès était un grand orateur, et il fut le premier homme d’État et chef de la démocratie j à partir de 460, il parla avec éloquence de démocratie, de liberté et de l’efficacité d’un gouvernement ouvert à tous d’Athènes, ce qui faisait de lui le premier avocat de l’impérialisme.

La guerre menaçait dans la Grèce antique. Athènes disposait d’une puissante force navale et avait constitué la riche ligue de Délos. De son côté, Sparte avait réuni la ligue du Péloponnèse, mais ce n’était encore qu’une puissance militaire régionale, dont les ressources financières n’égalaient pas celles de la ligue de Délos. Au cours des années 460, Sparte se préoccupait de gérer ses propres affaires, notamment la révolte des hilotes. La guerre éclata lorsque Mégare quitta la ligue du Péloponnèse pour s’allier à Athènes, en 460. 

Trière Grecque 

LES GUERRES DU PÉLOPONNÈSE

La première guerre du Péloponnèse dura neuf ans, durant lesquels les Athéniens dominèrent la Grèce centrale en fortifiant Corinthe et son isthme. Mais la perte d’une armée athénienne en Égypte, alors aux mains des Perses en 454, provoqua une rébellion dans le royaume d’Athènes, rébellion qui contraint la cité à négocier. Athènes et Sparte acceptèrent un arrêt des hostilités en 451. Puis, deux ans plus tard, la Perse signa avec Athènes. On pensait que la Grèce avait réussi à éviter un nouveau conflit. 

Mais l’attitude arrogante d’Athènes vis-à-vis de ses alliés conduisit la Béotie et la Locride à se retirer de la ligue. Sparte prit la direction du nord pour se joindre au conflit, forçant Mégare à changer de camp et les Athéniens à signer un autre traité de paix. À cette époque, Sparte était considérée comme la puissance dominante de la Grèce centrale. Les deux adversaires savaient que la paix ne pouvait être que temporaire, et chacun d’eux se préparait pour une grande guerre. 

Athènes s’assura de la loyauté de ses alliés dans la ligue de Délos en écrasant toutes révoltes. Un conflit avec Corinthe conduisit les Athéniens à aider la colonie corinthienne rebelle de Corcyre et, en 431, ils assiégèrent Potidée, colonie corinthienne de Chalcidique (bien que membre de la ligue de Délos et donc, théoriquement, alliée des Athéniens). Sparte décida alors d’invoquer son traité avec Corinthe pour déclarer la guerre à Athènes. La seconde guerre du Péloponnèse qui sera beaucoup plus dévastatrice que la première avait commencé.  

Sparte dominait sur terre et Athènes sur mer. Il s’agissait d’un conflit équilibré, dans lequel aucun des adversaires n’était capable de porter un coup décisif à l’autre. Cette situation força les deux ennemis à adopter des stratégies radicales pour vaincre. La seconde guerre du Péloponnèse est historiquement divisée en trois phases: la guerre archidamienne (431-421), l’expédition de Sicile ou la phase d’Alcibiade (420-413) et la guerre ionienne (412-404). Pendant ces étapes, la guerre qui s’étendit à travers le monde grec provoqua d’énormes pertes en vies humaines et en richesses. Dans son sillage, elIe apporta aussi épidémies, dévastations et famines au cœur de la Grèce continentale et de la Sicile. 

Finalement, les seuls vainqueurs, dans ce conflit fraticide, furent les États restés neutres. Les cités- États grecques affaiblies à l’issue de cette guerre étaient mal préparées pour s’opposer à l’invasion de la Macédoine, l’étoile montante aux frontières du Nord du monde grec. 

LA GUERRE ARCHIDAMIENNE (431-421)

Archidamos avait mis au point une stratégie simple: l’élite de l’armée de Sparte envahirait la Grèce centrale chaque année et obligerait les forces athéniennes plus faibles à se retirer derrière les Longs Murs. Les Spartiates pourraient alors librement ravager l’Attique, privant Athènes de ressources et forçant les Athéniens à solliciter la paix. 

Cette stratégie présentait toutefois un sérieux inconvénient, car elle ne tenait pas compte, ou ignorait, que la puissance maritime athénienne et les Longs Murs de la cité assureraient le lien entre Athènes et la mer la cité pouvait donc sans difficulté répondre aux besoins d’approvisionnement de sa population. En outre, Périclès, l’artisan de la politique athénienne, avait compris que sa flotte pouvait déborder les forces terrestres spartiates s’il lançait des expéditions contre les territoires des membres de la ligue du Péloponnèse. 

En 431, les forces de Sparte envahirent l’Attique, mais les Athéniens se retirèrent derrière leurs murs et les Spartiates retournèrent chez eux, laissant leurs adversaires libres d’intervenir sur le territoire du Péloponnèse. Il devenait évident que ce conflit serait extrêmement long pour chacun des adversaires, qu’il s’agirait d’une guerre d’usure plutôt que d’une victoire spectaculaire sur le champ de bataille. Les Spartiates revinrent en 430, mais trouvèrent Athènes ravagée par une épidémie de peste. Cet été-là, la mort de milliers de ses habitants n’entama pas la résolution de l’orgueilleuse cité, et la guerre se poursuivit avec une campagne secondaire menée par les Athéniens en Chalcidique. À cette époque, Archidamos comprit qu’au-delà de la famine qu’elle engendrait, l’invasion de l’Attique ne lui apportait que peu d’avantages militaires. Aussi, en 429, il conduisit son armée au nord, contre Potidée, cité alliée d’Athènes, qui résista à son siège. Les Spartiates retournèrent chez eux sans avoir tiré grand profit de leurs efforts.  

C’est à ce moment-là que survint un événement qui affaiblit encore plus Sparte. Leur seul allié maritime, Corinthe, fut mis hors de combat à la suite d’une action de la flotte athénienne dans le golfe de Corinthe. La victoire athénienne fut toutefois ternie par la peste qui suivit la famine, dont mourut Périclès. Le seul chef athénien doué d’un génie politique doublé d’un bon sens militaire n’était plus. La guerre continua et, l’année suivante, Sparte était de retour devant les Longs Murs.

Une révolte à Mytilène, la capitale de l’île de Lesbos, menaça bientôt l’hégémonie athénienne. L’appel au secours de l’île fournit à Archidamos une nouvelle stratégie. Il avait besoin d’une marine et avait commencé à construire une flotte. Mais avant qu’il ne pût se lancer sur mer en 428, Athènes avait déjà écrasé les Samiens, ce qui lui faisait perdre l’occasion de semer la discorde dans la ligue de Délos.

La même année, Sparte s’empara de Platées, dont les défenseurs furent massacrés. Les cités grecques comprenaient progressivement qu’elles seraient probablement entraînées dans cette guerre, comme partisans de la démocratie du côté d’Athènes ou comme adeptes de l’oligarchie du côté de Sparte. Une révolte à Corcyre, sur l’île de Corfou, contraignit les troupes athéniennes à écraser une faction pro-oligarchique. Les Athéniens lancèrent alors une invasion malheureuse contre l’Étolie, avant de défendre leur base de Naupacte (prise à la Locride en 459) contre une attaque conjointe de l’Étolie et du Péloponnèse. Au cours de la bataille, le chef athénien Démosthène mit en déroute ses adversaires du Péloponnèse, infligeant ainsi à Sparte sa première véritable défaite.

En 425, une expédition athénienne s’empara de la côte ouest du Péloponnèse tandis que le gros de l’armée de Sparte occupait l’Attique. Démosthène établit une tête de pont à Pylos et utilisa la cité fortifiée comme base pour ses expéditions dans l’arrière-pays. Agis, le nouveau roi de Sparte, se porta rapidement à Pylos. Il encercla la base athénienne et plaça ses troupes sur l’île voisine de Sphactérie, qui fermait la baie de Pylos, de façon à empêcher d’autres débarquements.

Avant de repartir, les Athéniens résistèrent pendant deux jours aux attaques des Spartiates. Leur flotte repoussa une escadre ennemie plus faible et piégea à Sphactérie 420 soldats de Sparte. Ces hommes étaient l’élite de l’armée spartiate, une unité de combattants que l’on ne pouvait abandonner à son sort.

Des négociations de paix furent engagées sur place, et une attaque amphibie des Athéniens entraîna pour Sparte une défaite tellement humiliante qu’elle fit perdre à ses guerriers cette réputation d’invincibilité qui, depuis un siècle, les précédait sur les champs de bataille.

A près ses défaites de Pylos et de Sphactérie, Sparte se trouva forcée d’assurer la protection de ses côtes. Une tentative de s’emparer de Mégare, qui faisait partie de la ligue du Péloponnèse, à la suite d’une trahison, fut déjouée par un jeune général spartiate nommé Brassidas. Létoile montante de l’armée fut alors chargée de se rendre dans le nord pour harceler les alliés d’Athènes en Chalcidique et en Thrace.

Brassidas traversa la Thessalie, la Thrace, et entra en Chalcidique, alliée malgré elle à Athènes. Deux généraux athéniens essayèrent de couper les lignes de communication de Brassidas avec la Béotie, maintenant alliée de Sparte, le nœud du problème. Démosthène envoya son armée à Naupacte, sur le golfe de Corinthe, tandis qu’Hippocrate construisait un fort à Délion (Tanagra) sur la frontière entre la Béotie et l’Attique. 

Deux stèles gravées montrant la guerre du Péloponnèse 

Cette division fut une erreur, car les forces béotiennes, plus importantes, balayèrent l’armée athénienne à Délion en 424 et tuèrent Hippocrate. À Naupacte, Démosthène était trop éloigné pour gêner Brassidas, d’autant qu’il redoutait que Sparte attaque s’il laissait le port sans défense. Malgré la présence d’une flotte athénienne non loin de l’île de Thasos, Brassidas s’empara par surprise d’une cité clé de la Chalcidique, Amphipolis, et persuada ses voisins de se révolter contre Athènes. 

En dépit d’une tentative de trêve, la guerre en Chalcidique continua, et Athènes envoya deux expéditions pour la reconquérir. La cité de Skioné, favorable à Sparte, fut assiégée par Nicostrate, tandis qu’une force plus importante, commandée par Cléon, le successeur politique de Périclès, débarquait près d’Amphipolis. La bataille qui s’ensuivit (422) fut gagnée par Brassidas. Cléon fut tué et les Athéniens mis en déroute, alors que Brassidas, mortellement blessé au cours des dernières phases du combat, mourait quelques heures après ses ennemis. 

Les deux adversaires, épuisés, avaient besoin de temps pour regrouper leurs forces et se réorganiser. Pour les Athéniens, il était clair que toute nouvelle campagne en Chalcidique pouvait menacer leur fragile empire, et les Spartiates ne se berçaient plus d’illusions sur la rapidité d’une victoire décisive. De plus, la guerre ne se limitait plus à l’affrontement entre deux cités-États: elle s’était étendue aux ligues rivales et menaçait de détruire l’ensemble du monde grec. Des pourparlers de paix débouchèrent sur le traité de Nicias, du nom du chef de la délégation diplomatique athénienne. 

L’EXPÉDITION DE SICILE OU LA PHASE D’ALCIBIADE (420-413)

Signée lors du printemps 421, la paix de Nicias était censée imposer une trêve de cinquante ans entre les ligues rivales. Elle prévoyait le démembrement de la ligue du Péloponnèse, le retour de tous les prisonniers et la restitution à chacune des parties conquises pendant la guerre. Mais les États péloponnésiens de Corinthe, de Mégare et de la Béotie refusèrent de signer. Sparte refusa de quitter Amphipolis, et de nombreuses cités de Chalcidique refusèrent de se retrouver sous le joug d’Athènes, ce qui força Nicias à les punir. Lorsque Skioné tomba aux mains d’une armée athénienne, les hommes furent passés par l’épée et les femmes et les enfants vendus comme esclaves. 

La paix de Nicias fut plus une accalmie qu’une sérieuse tentative de conciliation. Selon l’historien athénien Thucydide: «La trêve ne fut jamais correctement appliquée, et chacun chercha à faire le plus de mal possible à l’autre, jusqu’à ce que, finalement, ils fussent forcés de rompre le traité qu’ils avaient signé [ ... ] et, une fois encore de déclarer ouvertement la guerre à leur adversaire. » 

Ce renversement débuta avec l’alliance de Corinthe, de Mantinée et d’Élis avec Argos pour former un nouveau bloc destiné à remplacer la ligue du Péloponnèse. En 419, Athènes, à son tour, s’allia à Argos, ce qui fournit aux stratèges de la cité une tête de pont dans le Péloponnèse, au sud de l’isthme de Corinthe. C’était une menace évidente contre Sparte et une entorse aux termes de la paix de Nicias. Alcibiade, jeune et prometteur aristocrate athénien, l’instigateur de cette opération, utilisa rapidement Argos pour lancer des attaques contre Épidaure, cité du Péloponnèse dans la sphère de Sparte. La guerre reprit de nouveau mais, cette fois, elle s’étendrait bien au-delà de la Grèce continentale.  

En 418, le roi Agis de Sparte marcha sur Argos avec son armée et obtint la soumission de la ligue. Dès le départ des Spartiates, les habitants d’Argos rompirent le traité et se rallièrent la confédération alliée qui comprenait Mantinée, Élis et Athènes. Agis revint et affronta la ligue à Mantinée au cours de la plus grande bataille terrestre de la guerre.

Sparte sortit victorieux malgré un premier échec, et la ligue d’Argos s’effondra. Argos abandonna la cause athénienne et ses voisins alliés firent la paix avec Sparte. La situation était instable dans le Péloponnèse parce que Sparte avait rétabli sa domination. Ayant sécurisé leur arrière-pays, les Spartiates se préparaient à une nouvelle intervention d’Athènes, qui ne se fit pas attendre.

Cependant, l’opération engagée en 416 fut une grave erreur. Athènes attaqua l’île neutre de Mélos située dans le sud de la mer Égée. Ses habitants furent massacrés ou mis en esclavage ce qui déchaîna la colère de la plupart des grecs non alignés. Ne pouvant plus se présenter comme modèles de la démocratie, Athènes se dirigeait lentement vers l’isolement et l’autodestruction. En effet, la perte de Périclès avait laissé la cité sans aucun stratège vraiment capable de donner à la guerre le sens politique et militaire qui lui était nécessaire.

Au printemps 415, Athènes lança une expédition pour s’emparer de l’importante cité de Syracuse, sur la côte est de la Sicile. Fondée par les Doriens de Corinthe, Syracuse s’était tout naturellement ralliée à la cause des Doriens de Sparte. L’objectif de cette expédition était d’étendre l’influence d’Athènes à travers toute l’île pour priver Sparte de son approvisionnement en grain, mais aussi d’adjoindre à l’empire une région riche et fertile.

Alcibiade, le plus doué des jeunes commandants athéniens, fut d’abord désigné pour prendre la tête de l’expédition. Mais à la suite d’un scandale survenu à la veille de son départ en 415, il fut envoyé en exil, et prit plus tard le parti de Sparte. Pour le remplacer, la boulé choisit Nicias et Lamachos qui assureraient ensemble le commandement de l’opération qui comportait 134 trirèmes transportant 27 000 hommes dont 5 000 hoplites. Après avoir passé l’hiver à Catane, les généraux assiégèrent Syracuse et l’encerclèrent de façon à couper la cité du reste de l’île, tandis que la flotte en interdisait l’accès par la mer.  

Alcibiade informa les Spartiates, et une petite force de secours fut envoyée sous les ordres avisés du général Gylippos. Il leva une armée de volontaires siciliens et les Spartiates se taillèrent un chemin à travers les lignes athéniennes pour approvisionner Syracuse et soutenir le moral de ses habitants. Puis Gylippos conseilla aux Syracusains de construire leurs propres contremurs pour éviter l’encerclement de la cité et couper les Athéniens de l’arrière-pays et de leurs sources d’approvisionnement. Au cours d’un engagement, où deux contre-murs furent détruits, Lamachos fut mortellement blessé, laissant Nicias - général dont l’incompétence disputait à la malchance - seul commandant. 

Nicias demanda des renforts. Venant de Naupacte, 1200 hoplites à bord de 65 trirèmes arrivèrent sous le commandement de l’énergique Démosthène. Les Athéniens s’attaquèrent alors au contre-mur de Gylippos, mais l’assaut échoua. Nicias décida d’abandonner le siège, et se prépara à retirer ses troupes de Sicile. Leur départ fut retardé d’un mois en raison d’une éclipse de soleil qui était un mauvais augure. 

Ce retard fut cher payé. Une flotte syracusaine prit la mer et brisa le blocus athénien. Puis elle bloqua ce qui restait de la flotte d’Athènes qui malgré tous ses efforts, ne réussit pas à rompre l’encerclement et dont les navires demeurèrent piégés dans le port. Le moral était au plus bas et des mutineries éclatèrent. Le gros de la flotte fut abandonné et l’armée se replia en groupes dispersés vers l’ouest. La cavalerie syracusaine se lança à leur poursuite et rattrapa l’arrière-garde athénienne commandée par Démosthène, qui fut forcé de se rendre. Le reste de l’armée fut piégé près d’une rivière, et beaucoup de ses soldats furent tués avant la reddition de Nicias (413). Les deux commandants furent exécutés et la plupart des prisonniers athéniens moururent en captivité. 

Thucydide dit de l’expédition de Sicile qu’elle fut «la plus grande action de la guerre”. Il annonça: «Pour les vainqueurs, le plus brillant des succès, pour les vaincus, la plus calamiteuse des défaites, car ils furent totalement et définitivement battus. Leurs souffrances furent immenses, leurs pertes, comme ils le dirent, totales. L’armée, la flotte, tout fut détruit, et bien peu revinrent. » Le meilleur de son armée et de sa flotte étant anéanti, Athènes était au bord de la défaite. 

LA GUERRE IONIENNE (412-404)

L’échec de l’expédition sicilienne provoqua un retour à la guerre traditionnelle. Agis mena son armée vers le nord en 413, et réussit à envahir l’Attique pour la première fois depuis douze ans. Il ne pensait pas vraiment alors dévaster l’Attique ni enfermer les Athéniens à l’intérieur des Longs Murs. Il installa toutefois une base fortifiée permanente à Décélie, au nord d’Athènes. Au cours des neuf années qui suivirent, Sparte y maintint une forte garnison et utilisa cette base pour lancer des raids sur les campagnes de l’Attique, ce qui empêchait Athènes de s’y approvisionner. Décélie servit aussi de refuge pour des esclaves évadés, plus de 20 000, d’Athènes comme d’Attique. La présence permanente de Sparte au cœur de l’Attique interdisait à Athènes l’accès aux mines d’argent du Laurion, ce qui diminua considérablement les ressources de la cité. 

Puis les Perses envoyèrent des ambassadeurs à Abris et, au grand dam des Athéniens, leurs deux anciens ennemis signèrent un pacte. La Perse espérait obtenir ainsi le démembrement d’Athènes et Sparte le financement nécessaire à la poursuite de la guerre. Avec l’aide de leur nouvc1 allié, les Spartiates construisirent une flotte puissante. En effet, à la suite du désastre de Syracuse, ils espéraient obtenir la suprématie navale, ce qui entraînerait immanquablement les défections des alliés d’Athènes de la ligue de Délos. 

Athènes se reprit rapidement et reconstruisit une flotte suffisante pour contrer la menace en organisant un blocus autour du Péloponnèse. Cependant, Alcibiade le renégat, avec cinq galères, gagna l’île de Chios. Là, il fomenta une révolte qui s’étendit à travers la mer Égée. Chios, Mytilène, Milet et quelques petites cités formèrent une nouvelle alliance contre Athènes à l’instigation de Tissapherne de Chios. 

 Pour Athènes, l’avenir de la guerre semblait sans espoir face à Sparte et à la puissance de l’Empire Perse, qui n’avait pas oublié la défaite que la grande cité de l’Attique lui avait infligée. Athènes rassembla deux petites flottes. La première, de 46 navires, maqua Mytilène, ce qui entraîna bientôt la chute de Lesbos. Puis elle se dirigea vers Chios pour Affronter Alcibiade et Tissapherne. Les troupes Athéniennes débarquèrent, ravagèrent l’île et en assiégèrent la capitale. La seconde flotte, formée de 48 navires, établit le blocus de Milet. La chance favorisa Athènes lorsque Alcibiade, compromis dans un autre scandale, dut abandonner la cause de Sparte.

En 411, pendant un coup d’État oligarchique de quatre mois à Athènes, Alcibiade obtint son pardon et revint, en héros équivoque, avec pour mission de revitaliser la marine athénienne. Mais la même année, Athènes renoua avec le désastre : la flotte de Chios chassa les Athéniens qui l’assiégeaient. Rhodes rejoignit alors la révolte, et la désaffection pour Athènes s’étendit le long des iles ioniennes jusqu’à l’Hellespont. Il en résulta la rupture des lignes commerciales d’Athènes avec la mer Noire, ce qui mena la cité affamée au bord de la ruine. Le commandant spartiate du nord de la mer Egée, Mindaros, sentit que la victoire était à Sparte, mais Athènes n’était pas encore anéantie Alcibiade mena ce qui restait de sa flotte vers le nord et rencontra Mindaros à Cynosséma, au large des côtes de la Chersonèse. Le jeu fut payant, et la flotte de Sparte décimée. Une seconde victoire navale devant Abydos (411) fut presque décisive, mais Mindaros manœuvra pour sauver la plupart de ses galères qu’il put mettre à l’abri et réparer pendant l’hiver.

La joie de cette victoire fut toutefois de courte durée pour Athènes, car elle apprit la victoire navale de Sparte à Étrérie, dans l’île d’Eubée, qui se révolta. Au printemps de 410, la chance, une fois encore, favorisait Athènes. À la fin de l’hiver, une force conjointe des Spartiates de Mindaros et des Perses s’était emparée de Cyzsique. La flotte athénienne les poursuivit, les rattrapa, les détruisit, et reprit la cité. Mindaros mourut pendant la bataille. C’était maintenant au tour de Sparte de demander la paix. Mais Athènes refusa. La guerre entra dans une ultime et sinistre phase.

A la suite de la déroute des Spartiates et les Perses à Cyzsique, Athènes reprit le contrôle de la plus grande partie de l’Hellespont. La reconquête de Pylos, dans le Péloponnèse, par Sparte, compensa quelque peu leur défaite en Asie Mineure. Alcibiade était devenu, après de nombreuses manœuvres politiques, le commandant et le principal homme d’état athénien. Il lança en 408 une importante expédition pour rendre à l’empire athénien les cités et les îles de l’est de la mer Égée. Cette action l’opposa à son vieil ennemi, et pour un temps collègue malgré lui, le nouveau commandant spartiate Lysandre, qui s’était établi avec son allié perse Cyrus le Jeune à Éphèse, sur les côtes d’Asie Mineure.

Tandis qu’Alcibiade assiégeait Phocée sans succès, son second commandant, Antiochos, était repoussé par Éphèse. Alcibiade fut alors rappelé à Athènes où il comparut devant une ecclesia furieuse. À nouveau, il dut s’exiler en Thrace, et disparut de la vie politique. 

Guerrier Hoplite grec 

Le nouveau général, Conon, qui le remplaça rejoignit la flotte athénienne à Samos où elle réparait ses avaries. Il trouva le moral des hommes au plus bas, les caisses vides, et découvrit un opposant en la personne de l’adjoint de Lysandre, Callicratidas, qui commandait une force beaucoup plus importante que la sienne. Les finances athéniennes avaient été utilisées pour construire de nouveaux navires pour Conon et, finalement, les deux escadres s’affrontèrent en 406 au large des îles Arginuses. Les Spartiates furent battus et Callicratidas tué au cours de la plus grande bataille navale de la guerre.

Cette victoire, qui s’accompagnait d’une nouvelle domination sur le monde égéen, redonna suffisamment confiance à Athènes pour refuser une seconde offre de paix de Sparte. Cette euphorie n’était toutefois qu’une illusion puisque les caisses restaient vides et qu’une flotte spartiate renforcée sous le commandement de Lysandre s’approchait déjà de l’Hellespont. La flotte athénienne suivit, mais elle ne put répéter le succès d’Alcibiade de 410.

S’étant emparé de Lampsaque sur la côte asiatique pour en faire sa base, Lysandre revint de façon inattendue pour se battre. Prise par surprise, presque toute la flotte athénienne fut piégée sur les rives de Gallipoli, près d’Aigos Potamos. Lysandre détruisit ou captura 170 trirèmes, n’en laissant s’échapper que dix. Il exécuta aussi les 3000 prisonniers, ce qui levait ainsi le dernier obstacle entre Sparte et Athènes.

Alors qu’Athènes se préparait pour le siège, Lysandre naviguait vers l’Attique. Il y arriva au printemps 405 et mit le siège aux pieds des Longs Murs. Comme elle ne pouvait plus s’approvisionner par la mer, en mars 404, Athènes fut contrainte de se rendre. En regard de la longueur et de la cruauté du conflit, les conditions de paix offertes par Sparte furent particulièrement clémentes. Les Athéniens devaient démanteler les Longs Murs, et leur flotte ne devait pas dépasser dix navires. L’« empire» fut dissous et Athènes dut reconnaître la suprématie de Sparte sur l’ensemble de la Grèce. Toutefois, la cité elle-même n’était pas touchée et, en raison de l’état désastreux de ses finances, elle garda pour son usage domestique l’exploitation de l’arrière-pays attique.

La domination politique de Sparte était fondée sur sa puissance militaire, mais son contrôle sur la Grèce ne fut pas total. Thèbes émergeait comme une polis puissante et indisciplinée dans la Grèce centrale, la dilapidation des richesses et de la main-d’œuvre dans les autres cités-États grecques empêchait Sparte de bien les maintenir sous son contrôle. Pire, la victoire finale, obtenue en acceptant l’aide des gouverneurs perses de Lydie, les avaient réintroduit en mer Égée, pour la première fois depuis soixante-dix ans. Au cours de la dernière phase de la guerre, de nombreuses cités ioniennes se retrouvèrent encore une fois entre les mains habiles des Perses.

La démocratie reprit le dessus, et Athènes retrouva sa position de centre culturel du monde grec mais, selon Sparte, ses oligarchies restaient le mode de gouvernement le plus commun en Grèce dans les années précédant l’invasion macédonienne. Les cités-États avaient été affaiblies par trois décennies de guerre, et les Grecs n’étaient pas prêts à affronter un nouvel envahisseur, Et c’est bien à ce niveau-là que la guerre du Péloponnèse signa le commencement du déclin de la Grèce antique.

 


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3 - La Grèce antique

3 - La Grèce antique

L'époque Héllenistique

L’ÉPOQUE HÉLLENISTIQUE

LE DÉCLIN DES CITÉS-ETATS

Après les années décisives de la guerre du Péloponnèse, les cités-États grecques continuèrent à se quereller et à se faire la guerre. Elles n’avaient, semble-t-il, rien appris. Tandis qu’elles s’enfermaient dans cette hostilité, le royaume de Macédoine commençait à dominer la Grèce du Nord. Considérés comme rustres et incultes par ceux du Sud, les Macédoniens étaient unis derrière un puissant monarque. 

La décision de Philippe II de Macédoine d’intervenir dans leurs affaires politiques marqua l’aube d’un âge nouveau et l’apparition d’un paysage géopolitique moderne, nommé Hellade. Historiquement, l’âge hellénistique débuta en 336 avec l’accession au trône d’Alexandre le Grand. Il dura trois siècles, jusqu’à l’intégration de la Grèce dans l’Empire romain d’Auguste. 

En termes culturels, l’Hellénisme représentait un mélange entre les traditions grecques et macédoniennes, mais Alexandre le Grand étendit son térritoire jusqu’en Perse et au Moyen-Orient. A sa mort. en 323, son empire se désagrégea et fût divisé par ses généraux en petits royaumes qui restèrent soumis à l’influence grecque. 

L’hellénisme devenait alors un mouvement plus culturel que politique. Si la Macédoine remplaça la Perse comme puissance dominante du monde grec, elle mit aussi fin à des siècles de querelles internes. 

Appartenir à une grande puissance apportait plus d’avantages que la citoyenneté d’une cité-État en guerre permanente. La disparition du rôle politique de la polis ne fut pas totale, mais les Grecs ne pouvaient plus se considérer comme citoyens d’Athènes, de Sparte ou de Thèbes. Pour Philippe de Macédoine et Alexandre le Grand, ils étaient tous des Grecs, ce qui n’était peut-être qu’une petite avancée, mais dont l’influence marquerait profondément l’ensemble du monde grec 

En 400, Athènes avait épuisé ses ressources. Elle restait le centre culturel de la Grèce, mais ses jours de gloire étaient maintenant passés. Les Athéniens arrivèrent à chasser le gouvernement oligarchique imposé par Sparte, mais des querelles entre démocrates et oligarques aboutirent à des assassinats politiques, dont le philosophe Socrate fut l’une des victimes en 399. Sans chef, Athènes ne parvint pas à retrouver son autorité. 

Sous la conduite d’Agésilas II, Sparte maintint son emprise sur la Grèce continentale et étendit son pouvoir à l’extérieur. Elle tenta d’abord d’influencer la succession au trône de Perse en soutenant Cyrus le Jeune, gouverneur de Sardes et plus jeune fils du roi disparu Darius II, contre son frère Artaxerxès II qui venait d’être couronné. C’est cette campagne que raconte Xénophon dans l’Anabase. Une force improvisée de 13 000 mercenaires grecs recrutée par Cléarque, un exilé spartiate, rejoignit Cyrus en Asie Mineure. Les deux armées traversèrent la Syrie et rencontrèrent leur adversaire à Counaxa près de Babylone (401). Les Grecs sortirent vainqueurs, mais leur victoire fut sans lendemain. Cyrus avait été tué au cours de la bataille, et les Grecs se trouvèrent isolés. Les commandants grecs décidèrent de regagner la mer Noire par la route la plus directe pour retrouver la sécurité de leurs colonies. Sous le prétexte de négociations de paix, les officiers supérieurs spartiates furent traîtreusement assassinés par les Perses, ce qui laissa l’Athénien Xénophon seul commandant. Au cours d’un exploit extraordinaire, les 10 000 survivants battirent en retraite malgré les attaques continuelles des Perses et des Kurdes des montagnes, pour finalement arriver en lieu sûr. 

Au cours d’une deuxième aventure outre-mer, Sparte vint au secours du tyran de Syracuse, Denys l’Ancien, qui gouvernait la Sicile, à l’exception des territoires tenus par Carthage. Avec l’aide de Sparte, il battit les Carthaginois à Motya en 397, ce qui repoussa les invasions carthaginoises pour une décennie. Les Spartiates intervinrent même en Égypte, reprenant la politique d’ingérence d’Athènes avant la guerre du Péloponnèse. Corinthe étant la metropolis de Syracuse, la tension entre cette cité et Sparte à la suite de l’aventure de Denys l’Ancien entraîna la guerre de Corinthe en 395. Corinthe s’allia à Argos, à la Béotie et à Athènes. Artaxerxès II conduisit les adversaires à la table des négociations en 386, dans le but de mettre fin à ce conflit porteur de discorde mais, en fait, il imposa une clause evitant l’intervention ultérieure des Grecs dans Ies affaires perses. 

en 386, dans le but de mettre fin à ce conflit porteur de discorde mais, en fait, il imposa une clause evitant l’intervention ultérieure des Grecs dans Ies affaires perses. 

Après 386, Thèbes devint le principal adversaire de Sparte en Grèce. Sparte avait soutenu un coup d’État oligarchique dans la polis, mais les hoplites thébains reprirent la cité avec l’aide d’Athènes. Les deux cités étaient financées par les Perses qui, après Counaxa, ne se soumettaient plus à la cité Lacédémonienne comme ils l’avaient fait depuis la guerre du Péloponnèse. Les deux États se protégèrent ainsi pour un temps contre de nouvelles incursions de Sparte en Grèce centrale. 

.Athènes rétablit la ligue de Délos, une confédération égéenne mais, cette fois, elle n’était qu’un partenaire parmi d’autres et non plus la puissance dominante. À la même époque, Thèbes accomplissait des, prouesses militaires, en grande partie grâce au bataillon sacré, une division d’hoplites encore plus redoutable que leurs adversaires spartiates. Il était constitué d’hommes en couples qui avaient pour loi de vaincre ou de mourir ensemble. 

La bataille décisive pour le contrôle du centre de la Grèce eut lieu à Leuctre en 371. Sous la conduite d’Épaminondas, une armée thébaine défit la grande armée spartiate, jusqu’alors imbattable. Même si la supériorité militaire de Sparte commençait à décliner, Thèbes était incapable d’en tirer avantages, malgré une décennie de campagnes victorieuses dans le Péloponnèse contre les Spartiates et en Thessalie contre Jason de Phères. À la mort d’Épaminondas, tué lors d’une campagne, aucun chef ne prit sa relève. 

Une fois encore, Athènes tenta de reprendre l’initiative, mais en vain. Elle soutint Sparte contre Thèbes, cherchant à restaurer un semblant d’équilibre politique afin de se concentrer sur le bassin égéen. Le chef ionien Mausole s’opposa à cette nouvelle expansion d’Athènes, mal préparée à affronter la révolte des membres de la ligue athénienne. Pendant la guerre sociale (357-355), Athènes perdit beaucoup de ses territoires égéens, et la menace d’une guerre avec la Perse la fit rapidement reculer. 

Toutes les grandes cités-États sortaient épuisées de ces décennies de luttes. Leurs trésors étaient pratiquement vides, leurs armées lasses de se battre, et leurs citoyens réclamaient la paix. L’unité politique grecque semblait un rêve irréalisable. 

PHILIPPE II DE MACÉDOINE

Lorsqu’il devint régent puis roi du royaume de Macédoine en 359, Philippe, âgé de 24 ans, se trouva à la tête d’un État divisé par la guerre civile et menacé d’invasions sur toutes ses frontières. Il héritait d’une grande armée bien entraînée, qui utilisait de longues piques et des formations compactes plutôt que les lances des hoplites et leurs minces lignes de bataille. 

Après avoir repoussé un coup d’État militaire fomenté par les Athéniens, il déclara la guerre, en 358, aux tribus illyriennes barbares de Péonie, le long de sa frontière nord. Il sécurisait ainsi ses frontières tout en mettant la main sur les riches ressources minérales de cette région, qui allaient financer son expansion militaire. Puis il porta son attention vers l’est, et envahit la Chalcidique qui demanda la protection d’Athènes. Mais celle-ci était occupée à résorber une guerre sociale, ce qui laissa les mains libres à Philippe. En 357, il s’empara de l’importante cité d’Amphipolis, puis de Potidée l’année suivante. 

Pour un temps, Philippe délaissa la Chalcidique et se tourna vers le sud. La Phocide était engagée dans une querelle avec des États voisins pour le contrôle de Delphes. Les Phocidiens avaient, disait-on, cultivé la terre sacrée et avaient été condamnés par les gardiens du temple (connus sous le nom de Conseil amphictyonique). Quand ils refusèrent de payer, Thèbes déclara la guerre sacrée contre la Phocide. En réponse, les Phocidiens s’emparèrent d’une partie du trésor de Delphes, qu’ils utilisèrent pour financer une armée de mercenaires assez importante pour affronter la menace venant de Thèbes. Puis ils passèrent une alliance avec la cité thessalienne voisine de Phères, ce qui força Larissa et les autres grandes cités de Thessalie à faire appel à Philippe.  

Dans sa marche vers le sud, Philippe s’empara de la cité de Méthone, le dernier allié d’Athènes dans la région. Puis il traversa la Thessalie qu’il annexa en s’emparant de Larissa et de Phères. Une résistance phocidienne ralentit sa progression en 352, et son avance vers le sud fut contrecarrée par une armée athénienne qui bloquait les Thermopyles. Ne voulant pas répéter l’erreur de Xerxès, il s’arrêta.

Pendant les cinq années qui suivirent, Philippe fit campagne en Thrace et en Chalcidique qu’il conquit en 349, s’emparant des fabuleuses mines du mont Pangée. En 340, il prit Périnthe et la Chersonèse. Confronté au blocus de son approvisionnement en grain venant des colonies des côtes de la mer Noire, Athènes forma une alliance avec Thèbes pour s’opposer à la Macédoine et lui déclarer la guerre. Philippe se précipita vers le sud et rencontra les alliés grecs à Chéronée (338).

Chacune des armées rassemblait un peu moins de 30 000 hommes, mais les Macédoniens étaient mieux entraînés et possédaient une cavalerie lourde. Bien que le bataillon sacré des Thébains eût battu les Macédoniens lors d’une attaque frontale, la ligne des Athéniens se désagrégea. Philippe était alors libre d’encercler les Thébains. Le bataillon sacré périt sur place tandis que la cavalerie macédonienne poursuivait les forces athéniennes et le reste des troupes thébaines. En une seule bataille, Philippe de Macédoine avait imposé son hégémonie sur la Grèce.

Philippe convoqua un conseil à Corinthe, où se rendirent les représentants de toutes les polis. En réalité, ils n’avaient guère d’autres alternatives que de reconnaître le roi de Macédoine comme leur maître et d’accepter ses conditions. Philippe établit des garnisons macédoniennes dans la plupart des grandes cités-États, puis retourna dans sa capitale de Pella pour préparer une expédition encore plus ambitieuse: l’invasion de l’Asie Mineure avec toute la puissance d’une Grèce unie.


Philippe II ne réalisa jamais son rêve. Il fut assassiné en 337, et son fils Alexandre lui succéda. C’est Alexandre, et non Philippe, qui ira conquérir la Perse, et sera qualifié de «Grand». 


ALEXANDRE LE GRAND

Au printemps de 334, Alexandre de Macédoine, à la tête de 35000 hommes, envahit l’Asie Mineure et lança une campagne éclair destinée à soumettre le puissant Empire perse. Il ne pouvait se permettre de perdre, car il avait besoin des ressources de cette région pour payer ses troupes, constituées de Macédoniens réguliers, d’alliés grecs et de partisans thraces et crétois. 


La force principale était constituée de 5000 cavaliers très entraînés, comprenant la garde personnelle d’Alexandre (les Compagnons), la cavalerie lourde macédonienne et une cavalerie légère composée de mercenaires. Si ces troupes montées représentaient le marteau de son armée, les phalanges de son infanterie lourde en étaient l’enclume - un mur de sarisses (piques) rendait ces troupes supérieures aux lanciers et à la cavalerie ennemis. L’élite de cette division d’infanterie était constituée de 3000 «porteurs de boucliers », les hypaspistes et de phalangistes de la maison royale. Quand il retourna en Macédoine, Alexandre laissa à Antipater, un vieux général proche de son père, la charge de maintenir l’ordre en Grèce. 


La première confrontation survint pendant l’été lorsque Alexandre se heurta à l’armée perse retranchée derrière le fleuve Granique. Elle était commandée par un trio de satrapes perses, conseillés par un mercenaire grec expérimenté, Memnon de Rhodes. Alexandre brisa l’armée de son adversaire grâce à une vigoureuse charge de cavalerie à travers le fleuve, soutenue par l’avance régulière de son infanterie. Malgré une contre-attaque destinée à capturer ou à tuer le jeune roi, les Perses cédèrent devant l’assaut. 


Portrait de Philippe II : pièce en ivoire haute de 320mm,
qui ornait le lit de bois dans la tombe de Philippe

L’ouest de l’Asie Mineure était ouvert, mais Alexandre marcha vers le sud et l’est, libérant les cités de la côte ionienne, dont Sardes, la capitale perse régionale. Il prit Milet d’assaut, ce qui priva la marine perse de sa principale base égéenne. Memnon, qui tenait l’importante ville d’Halicarnasse, dut se rendre après un court siège. Alexandre la livra à sa nouvelle alliée, sa «mère adoptive », Ada, épouse du dernier satrape carien (tué sans doute à Granique). 

Ayant sécurisé les côtes de Carie et d’Ionie, Alexandre se dirigea vers l’est et le nord pour conquérir le centre de l’Asie Mineure. L’hiver 334-333 fut consacré à soumettre les peuples des collines de Phrygie et de Lycie, notamment la cité phrygienne de Gordion. Selon la légende, le fondateur de la cité, le roi Gordios, avait attaché un char dans son temple avec un nœud si serré que personne jusqu’alors n’avait pu le dénouer. Celui qui y parviendrait deviendrait le roi de l’Asie. Après un premier échec, Alexandre saisit son épée et trancha (ou dénoua) le nœud «gardien». 

Les Grecs continuèrent leur route à travers les portes de Cilicie au sud-est de l’Asie Mineure et entrèrent en Syrie. Alors qu’il se remettait d’une fièvre, à Tarse, à l’automne 333, Alexandre apprit que le roi Darius III avait placé ses troupes sur ses arrières à Issos, de façon à couper ses lignes de communication. Il revint alors sur ses pas et, bien que ses troupes fussent beaucoup moins nombreuses, il lança son armée à l’attaque. Les Perses réussirent à contenir pendant un temps la charge macédonienne, mais Darius et son armée durent finalement s’enfuir. Alexandre captura l’épouse du roi, ses bagages, ses concubines, et un immense trésor. Devant tant de richesses, on raconte qu’il déclara: «Ainsi, voici ce que c’est que d’être un roi.» 

La plus grande préoccupation d’Alexandre était la présence de la flotte perse en Méditerranée. Néarque, commandant de sa marine, la neutralisa à l’aide des bateaux athéniens et, en raison de l’occupation de l’Asie Mineure et de la mainmise d’Alexandre sur toutes les villes côtières, les Perses n’eurent plus de base où se réfugier, et leur flotte fut finalement dispersée. 

Alexandre conduisit alors son armée vers le sud, le long de la riche côte méditerranéenne de Phénicie où se trouvait la cité marchande de Tyr. Contrairement aux cités de la plaine côtière qui avaient des populations grecques et qui l’avaient bien accueilli, les citoyens phéniciens de cette ville très fortifiée lui fermèrent leurs portes. La cité principale se trouvait sur une île et les ingénieurs macédoniens durent, sous de féroces attaques, construire une digue pour atteindre ses murs. Après la destruction de la première digue, Alexandre ordonna d’en construire une seconde, plus grande encore. Les habitants du port tinrent pendant des mois, mais ils finirent par payer pour leur témérité: Tyr fut rasée en 332. 

Un autre combat sanglant à Gaza (332) ouvrit les portes de l’Égypte - nation qui avait déjà subi les incursions des aventuriers grecs. Alexandre traversa le Sinaï pour atteindre les rives du Nil à Memphis. Les Égyptiens acceptèrent la domination macédonienne après qu’Alexandre eut fait un pèlerinage à travers le désert jusqu’à l’oasis de Siouah, où se trouvait un oracle sacré dédié à Dionysos et aux dieux égyptiens. Il y fut accueilli par les prêtres comme étant le «fils d’Amon» (dieu), salutation traditionnelle réservée aux pharaons. Intrigué, Alexandre consulta lui-même l’oracle qui lui affirma qu’il était le fils de Zeus-Amon. Alexandre, qui n’avait pas tardé à conquérir les titres de général et de roi, était devenu un dieu. 

Les Égyptiens avaient accueilli Alexandre comme un libérateur et comme un dieu. Il réforma l’administration politique du pays et fonda sa propre ville, Alexandrie, pour établir des liens commerciaux et politiques entre la Grèce et l’Égypte. N’ayant plus rien à craindre de la flotte perse et pour répondre aux besoins logistiques et financiers de son armée, en 331, il se mit en route vers le nord à la recherche du roi de Perse. Il nomma un gouverneur pour la Syrie et atteignit Thapsaque, au bord de l’Euphrate, au début de l’été. 

À quelque 500 km plus à l’est, Darius était en train de réunir la plus grande armée de l’Antiquité. Les historiens modernes pensent qu’elle était constituée de 250 000 hommes, 40 000 cavaliers et 200 chars scythes. En comptant les renforts venus de Grèce et de Macédoine, Alexandre n’en n’alignait pas plus de 35 000. La victoire perse semblait donc inéluctable. 

Les deux armées se rencontrèrent en octobre 331 sur un champ de bataille choisi par les conseillers de Darius, à Gaugamèles, village situé entre Arbèle et Babylone. La bataille débuta par une charge massive des chars, mais les hommes d’Alexandre ouvrirent leurs rangs pour les laisser passer et les attaquèrent par-derrière. Alexandre commandait l’aile droite et, après une furieuse mêlée de cavalerie, ses compagnons dispersèrent leurs adversaires perses. Les phalangistes macédoniens avancèrent alors sur le centre de l’armée perse qu’ils brisèrent et mirent en fuite. Comme à Issos, Darius III dut quitter le champ de bataille et ses forces s’effondrèrent. Plus rien ne s’opposait à la progression d’Alexandre.  


Darius s’enfuit vers Media, tandis que l’armée victorieuse d’Alexandre s’emparait de Babylone, de Suse et de Persépolis, la capitale de l’Empire perse. On apprit que Bessus, qui commandait l’aile gauche des Perses à Gaugamèles, avait capturé Darius III. Alexandre se lança à sa poursuite, mais trouva le roi mourant, abandonné par ses ravisseurs. On a écrit qu’Alexandre, furieux de cette perfidie, ordonna des funérailles d’État qui se déroulèrent en 330 - en reconnaissance d’un grand roi.

Après sa capture, Bessus fut remis au frère de Darius qui l’exécuta. Avec la disparition du foyer de résistance perse, Alexandre put sans discussion réclamer le titre de Grand Roi, ou de Seigneur de l’Asie, comme l’appelèrent ses contemporains.

Il accomplit alors le seul acte totalement barbare de sa carrière: il fit brûler et disperser les pierres du palais royal des Achéménides à Persépolis. Cet acte de vandalisme fut commis par ses compagnons déchaînés qui espéraient ainsi plaire à leur chef, mais personne ne sait qui en donna l’ordre. On rapporta qu’Alexandre en fut consterné.

Alexandre plaça des gouverneurs dans chacune des provinces conquises, mais l’armée se trouvait maintenant au sud de la mer Caspienne, laissant derrière elle la civilisation grecque, et même la civilisation perse. Elle faisait face, vers l’est, à des déserts et des montagnes, patrie de barbares alliés aux Perses, les Bactriens. Les Perses et les Grecs devaient donc s’unir, et Alexandre prôna la fusion culturelle par l’intermédiaire de mariages interraciaux. Il fit même exécuter des officiers supérieurs qui refusaient de se plier à sa volonté, ce qui souleva de nombreuses protestations, surtout au coeur du contingent macédonien. Mais la majorité de l’armée le soutenait encore, même lorsqu’il pénétra plus à l’est, en Bactriane.

Lors des deux années suivantes, l’armée marcha vers le sud, l’est, puis le nord, atteignant Bactria, la capitale, à la fin de 329. Plusieurs nouvelles Alexandrie furent fondées lors d’une campagne qui s’avéra difficile. Après s’être emparé de Maracanda (aujourd’hui Samarcande), Alexandre affronta Spitaménès, un habile guérillero bactrien, qui lui causa plus de pertes humaines que les batailles contre les Perses. Le calme ne put s’établir qu’après le meurtre de Spitaménès, commis par ses alliés scythes. Le mariage d’Alexandre et d’une princesse locale, Roxane, en 327, pacifia la région. 

Copie d’un buste grec d’Alexandre, British Museum 

Après avoir entendu parler des splendeurs de l’Inde, Alexandre partit l’année suivante avec son armée à travers l’Hindou-Kouch (dans l’Afghanistan actuel). Il mit en déroute une armée indienne sur les bords de l’Hydaspe et se dirigea vers la vallée du Gange.

Alexandre était sur le point de conquérir tout le sous-continent indien. Mais il dut s’arrêter, non pas sous la pression de l’ennemi, mais sous celle de ses propres hommes: épuisés après huit ans de campagnes, perdus à 5 000 km de chez eux, ils refusèrent de le suivre.

Forcé de battre en retraite, il descendit le cours de l’Indus jusqu’à la mer, sans cesser de combattre. Au cours de l’hiver 325, une armée réduite retourna vers Persépolis et Babylone à travers le désert le plus inhospitalier du monde.

Alexandre dut alors se contenter de consolider son empire. Il s’occupa l’année suivante de problèmes administratifs, d’expéditions punitives et de questions posées par l’intégration des Asiatiques aux Grecs. Subitement, au cours de l’été 323, il tomba malade et mourut, sans doute de la malaria, bien que des rumeurs d’empoisonnement aient été avancées,

Le rêve d’Alexandre était terminé. Il restait à ses compagnons et à ses généraux de sauver ce qu’il restait de l’empire qu’ils avaient contribué à bâtir.

Dans sa forme simple, l’hellénisme représente la fusion de la culture grecque à celles des autres pays. Malgré les troubles politiques qui marquèrent la fin de l’âge classique, les Grecs se retrouvèrent unis pour la première fois de leur histoire. Même si beaucoup voient cette époque comme un déclin, l’influence politique et culturelle de la Grèce s’étendait indéniablement à travers tout le monde connu. Les mots «hellénique» et «hellénistique» qui dérivent des mots «Hellas », la Grèce, et «Hellene », les Grecs, signifient « l’âge grec ».

La souveraineté macédonienne conduisit à la disparition des cités-États comme entités politiques. Les bénéfices apportés par la création de l’empire hellénistique compensaient la perte de la liberté politique. En Grèce, en Macédoine, en Asie Mineure, en Syrie, en Palestine, en Égypte, en Perse, en Iran, en Bactriane, et plus loin encore, Alexandre le Grand avait créé une culture particulière qui se mêlait aux civilisations qu’il rencontrait. C’est ainsi qu’il changea la nature de la civilisation grecque dont il déplaça le foyer de la Grèce centrale vers le Moyen-Orient.   

Alexander et Darius à la bataille d’Issus, 333 B.C. - Mosaïque (The National Museum - Naples) 

La mort d’Alexandre entraîna un bouleversement: les généraux macédoniens s’affrontèrent violemment pour le contrôle de ce qu’on appelait les États successeurs. Le monde grec oriental fut dominé par deux grandes puissances: l’Empire séleucide en Asie et le royaume d’Égypte de Ptolémée et de ses héritiers.

À côté de ces deux empires s’épanouissaient des États plus petits, dont ceux de la ligue maritime centrée sur Rhodes, le royaume indépendant de Pergame à l’ouest de l’Asie Mineure, ainsi que d’autres États non grecs tels le Pont ou la Cappadoce.

Lunité politique créée par Alexandre le Grand semblait trop grande pour un seul souverain. Finalement, seuls subsistèrent les liens culturels et commerciaux qu’il avait mis en place pour unifier le monde hellénistique. Les Grecs eux-mêmes étaient bien conscients que ces liens ne pouvaient se substituer à une réelle unité politique. Sur ce plan, les États successeurs échouèrent, comme l’avaient fait les cités-États avant eux. Leurs querelles amoindrirent leurs capacités à résister aux pressions extérieures venant des Romains à l’ouest et des Parthes à l’est.

L’un après l’autre, ils disparurent, entraînant avec eux la perte de l’identité politique grecque. Seule survécut la culture. Les Romains l’adoptèrent, et par le biais de la République romaine, ils reprirent les institutions démocratiques de la Grèce. Ces apports hellénistiques influencèrent les civilisations et les religions suivantes, dont celles des Romains, des juifs, des chrétiens et des musulmans, et établirent un nouveau monde sur les splendeurs et la civilisation d’un peuple vaincu.

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4 - La Grèce antique

4 - La Grèce antique

L'Hellade

LE MONDE HELLÉNISTIQUE

Dans sa forme simple, l'hellénisme représente la fusion de la culture grecque à celles des autres pays. Malgré les troubles politiques qui marquèrent la fin de l'âge classique, les Grecs se retrouvèrent unis pour la première fois de leur histoire. Même si beaucoup voient cette époque comme un déclin, l'influence politique et culturelle de la Grèce s'étendait indéniablement à travers tout le monde connu. Les mots "hellénique" et "hellénistique" qui dérivent des mots "Hellas", la Grèce, et " Hellène", les Grecs, signifient "l'âge grec". La souveraineté macédonienne conduisit à la disparition des cités-Etats comme entités politiques. Les bénéfices apportés par la création de l'empire hellénistique compensaient la perte de la liberté politique. En Grèce, en Macédoine, en Asie Mineure, en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Perse, en Iran, en Bactriane, et plus loin encore, Alexandre le Grand avait créé une culture particulière qui se mêlait aux civilisations qu'il rencontrait. C'est ainsi qu'il changea la nature de la civilisation grecque dont il déplaça le foyer de la Grèce centrale vers le Moyen-Orient. 

La mort d'Alexandre entraîna un bouleversement : les généraux macédoniens s'affrontèrent violemment pour le contrôle de ce qu'on appelait les États successeurs. Le monde grec oriental fut dominé par deux grandes puissances: l'Empire séleucide en Asie et le royaume d'Egypte de Ptolémée et de ses héritiers. À côté de ces deux empires s'épanouissaient des États plus petits, dont ceux de la ligue maritime centrée sur Rhodes, le royaume indépendant de Pergame à l'ouest de l'Asie Mineure, ainsi que d'autres Etats non grecs tels le Pont ou la Cappadoce. 

L'unité politique créée par Alexandre le Grand semblait trop grande pour un seul souverain. Finalement, seuls subsistèrent les liens culturels et commerciaux qu'il avait mis en place pour unifier le monde hellénistique. Les Grecs eux-mêmes étaient bien conscients que ces liens ne pouvaient se substituer à une réelle unité politique. Sur ce plan, les États successeurs échouèrent, comme l'avaient fait les cités-Etats avant eux. Leurs querelles amoindrirent leurs capacités à résister aux pressions extérieures venant des Romains à l'ouest et des Parthes à l'est. L'un après l'autre, ils disparurent, entraînant avec eux la perte de l'identité politique grecque. Seule survécut la culture. Les Romains l'adoptèrent, et par le biais de la République romaine, ils reprirent les institutions démocratiques de la Grèce. Ces apports hellénistiques influencèrent les civilisations et les religions suivantes, dont celles des Romains, des juifs, des chrétiens et des musulmans, et établirent un nouveau monde sur les splendeurs et la civilisation d'un peuple vaincu.  

LES ETATS SUCCESSEURS

Dès la mort d'Alexandre le Grand, ses compagnons et ses généraux s'affrontèrent dans une lutte pour le pouvoir. De la Grèce et de l'Egypte à la Bactriane, des royaumes, connus sous le nom d'États successeurs, naquirent sur les cendres du rêve macédonien. Le pouvoir créé par Alexandre n'avait d'empire que le nom. La stabilité politique était assurée par la présence de son armée, mais l'immensité de ses conquêtes rendait leur contrôle impossible à administrer. De la Grèce à l'Inde, l'empire d'Alexandre n'était lié que par la langue et la culture. 

Lorsqu'Alexandre mourut subitement en 323, son épouse d'origine asiatique, Roxane, était enceinte de son fils Alexandre IV qui n'eut pas grande importance dans l'enjeu, pas plus qu'Arrhidaios, son beau-frère arriéré. Les généraux d'Alexandre, opportunistes et opiniâtres, acceptèrent que l'empire soit gouverné conjointement par le jeune prince et par son oncle. En fait, le pouvoir réel échoua entre les mains d'Antipater - dernier général survivant de Philippe à qui Alexandre avait demandé de gouverner la Grèce - et Perdiccas, qui était le plus brillant des généraux d'Alexandre, qui était en Asie, où il soutenait le fils d'Alexandre. Les autres généraux étaient des gouverneurs locaux nommés par Alexandre, Séleucos en Babylonie, Antigone " le Borgne " en Phrygie, une province d'Asie Mineure, Ptolémée en Egypte et Lysimaque en Thrace. Les généraux macédoniens jurèrent fidélité aux successeurs d'Alexandre et guettèrent l'occasion d'obtenir un pouvoir plus important, qui ne se fit pas attendre. 

Perdiccas fut le premier à disparaître, assassiné par ses propres soldats alors qu'il tentait d'envahir l'Egypte de Ptolémée en 321. Antipater mourut en 319, laissant la régence à son fils Cassandre. Antipater et Antigone formèrent cependant un nouveau bloc et s'emparèrent de la Syrie au nom de la régence, renvoyant le fils d'Alexandre en Macédoine. Puis Cassandre affirma son pouvoir en emprisonnant la mère d'Alexandre, Olympias, son beau-frère, Arridhaios et le prince. En 315, Cassandre forma une alliance avec Lysimaque et Ptolémée, réunissant l'Hellade, la Thrace et l'Egypte contre Antigone en Asie Mineure. 

Antigone et son fils Démétrios offrirent la liberté aux cités-États grecques (promesse non tenue) contre leur aide et restèrent en Grèce entre 307 et 303. La lutte pour le pouvoir s'étendit à toute la cosmopolis, sans qu'aucun des adversaires ne prenne un avantage significatif

En 311, las de la guerre, les généraux s'entendirent et divisèrent l'empire entre eux : Lysimaque prenant la Thrace, Ptolémée l'Egypte (avec Chypre), Antigone la Phrygie et la Perse, Séleucos se réservant l'est. Cassandre s'adjugea l'Hellade au nom du jeune prince. La paix, toutefois, fut de courte durée. 

En 308, Casssandre assassina Olympias, Arrhidaios et Alexandre IV alors âgé de 13 ans. Ces meurtres entraînèrent une nouvelle série de campagnes. En 301, Antigone fut tué lors d'une bataille contre ses adversaires qui divisèrent son royaume, malgré la résistance de son fils Démétrios. 

Cassandre mourut en 297, laissant Séleucos et Lysimaque en lutte pour le contrôle de l'Hellade. Lysimaque fut tué à la bataille de Couropédion en 281. 

LES DERNIERS SURVIVANTS

Le vieux Séleucos apparaissait désormais comme le maître de l'empire d'Alexandre, mais il fut assassiné par sa propre armée en 280, laissant la Macédoine, la Thrace, l'Asie Mineure et la Grèce dans un chaos politique. Son fils Antiochos 1er (281-261 ) lui succéda et se battit pour maintenir l'unité du royaume de son père. Ses frontières, fluctuantes, ne devinrent définitives que sous le règne de l'énergique Antiochos III (223-187). 

La dynastie séleucide, avec son administration perse ancienne mais efficace, fut gouvernée par des satrapes macédoniens régionaux. Pour s'occuper de l'immense royaume, deux centres administratifs furent institués, un à l'est, à Séleucie, sur l'Euphrate, et l'autre à l'ouest, à Sardes, mais le siège réel du pouvoir était installé à Antioche, en Méditerranée orientale. 

Malgré la tolérance qu'ils montraient pour les coutumes locales, les Macédoniens ne purent éviter une violente révolte en Judée, qui devint une province indépendante après deux décennies. De même, les provinces orientales de la Parthie et la Sogdiane se révoltèrent, suivies par la Bactriane en 240, qui s'établirent comme des États successeurs grecs à part entière. 

Les guerres de succession érodèrent aussi le contrôle des Séleucides sur l'Asie Mineure, ce qui permit à des cités grecques comme Pergame de rompre avec le royaume, suivies par des États non grecs de la Galatie, de la Cappadoce et du Pont. Assaillis par les Parthes sur leur frontière orientale et par des rebelles en Asie Mineure et en Palestine, les Séleucides furent à peine capables de contrôler leur territoire. 

Sous Antiochos III et Antiochos IV (175-164), le royaume connut deux brèves périodes de renouveau. Mais à l'arrivée des Romains au Moyen-Orient, au début du l" siècle, l'État séleucide était confiné au nord de la Syrie et à l'est de l'Asie Mineure. Battu par les Romains, il s'effondra en 64, et fut intégré à la province romaine de Syrie. 

En Egypte, Ptolémée et ses descendants régnèrent pendant deux siècles. Les ressources naturelles du pays en firent le plus riche des États successeurs. Contrairement à ses rivaux, Ptolémée bénéficia d'un territoire géographique défini et du contrôle des mers qui l'entouraient. Un siècle après sa fondation, Alexandrie était le port le plus actif de tout le monde connu. Dans un premier temps, l'administration fut exclusivement confiée aux Grecs, mais sous le règne de Ptolémée II (283-246), l'intégration fonctionna et les Egyptiens furent autorisés à occuper des postes importants. Le mouvement continua pendant le règne des souverains ptolémaïques ultérieurs, jusqu'à ce que l'Egypte devînt un État égypto-hellénistique intégré. 

L'Égypte ptolémaïque conserva son indépendance pendant trois décennies après l'effondrement des Séleucides, et un siècle après la défaite de la Macédoine par les Romains. En fin de compte, la participation des Egyptiens à la guerre civile qui suivit l'assassinat de Jules César conduisit à la conquête du pays, le dernier des royaumes de l'Hellade à survivre. L'Égypte tomba en 30, ce qui achevait la conquête du monde grec par Rome.  

L'HELLADE

La période hellénistique est souvent associée au déclin et à la perte d'indépendance des États grecs. Les orgueilleuses cités d'autrefois n'étaient plus que des pions sur l'échiquier politique, et l'Hellade un champ de bataille pour les successeurs des souverains macédoniens. 

Lorsque la nouvelle de la mort d'Alexandre atteignit la Grèce, les cités-États se soulevèrent contre le joug macédonien, appuyées par l'orateur démocrate athénien, Démosthène. L'encerclement d'Antipater à Lamia (323) fut un premier succès pour les Grecs. Mais le Macédonien brisa le siège et battit les assiégeants conduits par les Athéniens à Crannon, au centre de la Thessalie, en 322. À la suite de la guerre lamiaque, les cités-États furent dépouillées de la plupart de leurs pouvoirs politiques et de ce qui leur restait de démocratie. 

Polyperchon, le successeur d'Antipater après sa mort en 319, fit l'erreur de promettre aux Grecs une plus grande indépendance, ce qui précipita une révolte civile à Athènes où l'on exécuta les partisans de la Macédoine. En 311, Cassandre, le fils d'Antipater, accéda à la régence - sous son règne autoritaire, les Grecs ne purent plus se soulever. Sa mort, en 297, déclencha un autre bouleversement : Démétrios, Séleucos et Lysimaque avaient décidé de contrôler la Grèce. Démétrios, le premier des prétendants, fut capturé par Lysimaque et Séleucos et mourut en prison (283), puis Lysimaque mourut en 281. La mort de Séleucos, en 280, sous les coups de troupes fidèles à Lysimaque, fut sans doute le résultat d'un complot ourdi par un fils de Ptolémée, Ptolémée Kéraunos. 

Ces deux meurtres créèrent un vide politique qui eut deux conséquences : l'établissement d'une dynastie régnante en Macédoine fondée par Antigone Gonatas, fils de Démétrios, avec le soutien d'Antiochos I", fils de Séleucos ; l'encouragement donné aux tribus celtes du nord de la Thrace, placées sous le commandement de Brennus d'envahir la Macédoine et la Grèce, ce qu'ils firent en 279. Ils furent battus par Démétrios et Antiochos qui restaurèrent une certaine stabilité dans la région. Cependant, lors d'incursions ultérieures, des Celtes gaulois traversèrent l'HelIespont et envahirent Pergame. Le roi, très diplomate, leur offrit de s'établir au centre de l'Asie Mineure, dans une région connue plus tard sous le nom de Galatie.  


 

D'INÉVITABLES CONFLITS INTERNES

Cinquante ans de guerres fratricides avaient épuisé les économies grecques et macédoniennes. Les survivants de l'ancienne dynastie de Philippe et d'Alexandre avaient été balayés par Cassandre, le fils d'Antipater. Malgré ce bouleversement politique, le fonctionnement des cités-États n'avait que peu changé, excepté qu'elles avaient perdu leur autonomie politique. Certaines d'entre elles, dont Athènes, Syracuse et Éphèse, prospérèrent au début de la période hellénistique. Rétablissement de la domination macédonienne avait remplacé des vieilles querelles guerrières par un système d'arbitrage et de discussion sous l'autorité du roi de Macédoine. 

En Macédoine même, Pella devint un centre culturel, et la cour royale constituée par Antigone se fit le mécène de quelques-uns des meilleurs artistes hellénistiques. Antigone II Gonatas (277-239) apporta la stabilité à l'Hellade, mais son petit-fils, Antigone III Dôsôn, tenta d'empiéter sur les pouvoirs limités des cités-États, ce qui les incita à se rapprocher pour former une alliance défensive contre lui - les ligues achéenne et étolienne. 

L'ancienne confédération, qui réunissait dix cités du nord du Péloponnèse, chassa de la région les tyrans imposés par les Macédoniens. Sous la direction d'Aratos de Sycione, Corinthe rejoignit l'alliance, ainsi qu'Athènes et Egine. Les Macédoniens, affaiblis par les guerres fratricides, ne purent éviter la création de la ligue achéenne. Au nord de Corinthe, les tribus rurales de l'Étolie formèrent leur propre ligue, rejointe par la Béotie, la Phocide et la Locride. 

En raison de sa politique isolationniste, Sparte maintint son indépendance pendant toute la période de la domination macédonienne. Cependant, après l'accession au trône de Cléomène en 240, les Spartiates interférèrent à nouveau dans les affaires du Péloponnèse, allant jusqu'à entrer en conflit avec la ligue achéenne. Sparte n'était plus que l'ombre d'elle-même, et la cité tomba aux mains des Achéens en 221, ce qui mit un terme à un fabuleux chapitre de l'histoire politique grecque. 

En toute logique, les Achéens et les Etoliens ne tardèrent pas à se quereller, et les Grecs reprirent ces anciennes traditions qui, durant des siècles, les avaient opposés en des guerres incessantes. A cette époque toutefois, les Macédoniens devaient résoudre des problèmes beaucoup plus importants et faire face a l'intérêt naissant des Romains pour les affaires grecques.  

L'HELLADE ET ROME

Le déclin des royaumes de Macédoine correspondait à la montée de Rome. La confrontation semblait inévitable, surtout en raison de la présence grecque en Italie. Lorsqu'elle se produisit, l'invasion romaine bouleversa le paysage politique et plaça les royaumes grecs hellénistiques sous la férule de Rome. 

L'ingérence de Rome dans les affaires de la Grèce résultait en grande partie des querelles incessantes. Le plus ancien des conflits était celui des campagnes italiennes de Pyrrhus d'Epire de 280 à 275. Il avait déjà échoué dans une tentative de conquête de la Macédoine sur sa frontière est en 287, puis avait été détrôné, et avait retrouvé son trône en 281, à la mort de Lysimaque. Les Antigonides furent alors heureux de voir Pyrrhus se tourner vers l'autre rive de l'Adriatique. Malgré l'incapacité des Romains à le vaincre, sa puissante armée subit de telles pertes qu'on en tira l'expression célèbre de "victoire à la Pyrrhus". Son retrait laissa les colonies grecques du sud de l'Italie et de la Sicile vulnérables et privés du soutien des Grecs, contre les Romains et les Carthaginois. 

Rome n'assista pas sans plaisir au développement du long conflit entre Carthage et les colonies grecques du sud de l'Italie, qui entraînèrent les deux Guerres puniques. Ce fut pendant la seconde (218-207) qu'Hannibal envahit l'Italie. Pour protéger ses lignes d'approvisionnement avec l'afrique du Nord, Hannibal fit une alliance avec Philippe V de Macédoine, au nom de leur commune inimitié envers Rome, qui répondit en soutenant les ennemis grecs de Philippe pendant la première guerre de Macédoine (214-205). 

Ce conflit trouvait son origine dans d'anciennes querelles entre l'ancienne ligue étolienne et la ligue achéenne nouvellement formée. Cependant, toutes deux avaient en commun une grande antipathie à l'égard de la Macédoine. La ligue étolienne et la Macédoine voisine avaient souvent manifesté une hostilité réciproque, mais Philippe comprit vite que les Achéens représentaient une menace encore plus dangereuse, et il lança une campagne pour rétablir son contrôle sur le centre de la Grèce. Les Achéens firent alors appel à Rome qui saisit l'occasion pour prendre sa revanche sur l'alliance entre Hannibal et la Macédoine. L'aide de Rome resta limitée, mais le principe de la participation romaine était dès lors établi. 

La présence romaine augmenta au cours de la seconde guerre macédonienne (200-196), et des contingents romains entraînaient ouvertement les Achéens et leurs navires de guerre patrouillaient en mer Egée. Au même moment, Rome s'emparait de l'Illyrie, ce qui repoussait les frontières de la sphère romaine jusqu'à celles de la Macédoine. La confrontation était inévitable, et les deux camps se préparèrent à une guerre qui devait décider de l'avenir de l'Hellade. 

Quand la République romaine déclara la guerre en 171, elle envoya dans la région ses meilleurs officiers et ses meilleures troupes. Cette campagne opposa les anciennes traditions militaires macédoniennes aux méthodes romaines. A la bataille de Pydna (168), les Romains obtinrent une victoire décisive sur le fils de Philippe, Persée, et la Macédoine devenait ainsi un satellite de Rome. La ligue achéenne fut considérée comme alliée des Romains, mais la ligue étolienne fut dissoute. Plus tard, sous la pression de l'expansionnisme romain, la tension grandit entre les membres de la ligue achéenne. 

Les villes les plus importantes de la ligue maintenaient leur contrôle sur le Péloponnèse, et Corinthe devint de foyer de la résistance grecque contre Rome. La crise finale survint pendant la guerre achéenne (147-146), lorsque les légions romaines entrées dans le centre et le sud de la Grèce mirent l'armée achéenne en déroute et détruisirent Corinthe. La population de la cité fut massacrée ou réduite en esclave. L'emprise romaine s'affermit sur la totalité de la Grèce continentale, et, dès lors, l'histoire de la Grèce deviendrait celle d'une province romaine. 

L'indépendance de la Grèce avait progressivement été érodée par la succession des rois de Macédoine depuis la conquête de Philippe II. Les Romains ne firent que terminer le processus. 

Des siècles de développement politique disparurent, et les fières cités-États de jadis se fondirent dans le monde romain. Bientôt la domination de Rome s'étendit sur l'Asie Mineure, la Syrie et même l'Egypte. Seuls les royaumes grecs orientaux lointains survécurent à la fondation de l'Empire romain. Peu à peu ils changèrent de nature, pour devenir plus orientaux qu'occidentaux dans presque tous les domaines.  


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