LE MONDE CELTE

Les Celtes ont souvent été décrits comme les « conquérants de l’Europe », ou, d’une manière moins flatteuse, les « barbares de l’Europe». Ils étaient certainement le premier peuple de l’Europe du Nord suffisamment organisé pour pouvoir se présenter comme une civilisation. À l’apogée de sa puissance, au IIe siècle avant J.C., le monde celte s’étendait de la Turquie à l’Irlande et de l’Espagne à l’Allemagne. D’autres colonies celtes s’étaient établies jusqu’en Ukraine. 

Les peuples celtes habitaient le long des grands fleuves européens, le Danube, le Rhin, le Rhône, le Pô, la Tamise, la Seine et la Loire. Ces positions stratégiques leur permirent d’établir des liens commerciaux avec leurs voisins méditerranéens. On a d’ailleurs retrouvé dans des tombes celtes de France et d’Allemagne des marchandises provenant du Moyen-Orient. Tout le continent, au nord des Alpes, était occupé par une vaste confédération de tribus qui partageaient une culture celte commune. 

Ce que nous connaissons des Celtes nous vient des sources écrites romaines et grecques ainsi que des traces archéologiques qu’ils nous ont laissées. D’après les témoignages des civilisations méditerranéennes classiques, les Celtes étaient craints, et leurs armées avaient envahi l’Italie et l’Espagne avant que les Romains ne les arrêtent. Les guerriers celtes étaient recrutés pour servir dans les armées des ennemis de Rome dont ils devinrent les plus implacables adversaires. 

Les Celtes formaient une aristocratie guerrière pour laquelle les prouesses militaires représentaient les plus grandes des vertus. Ils étaient des guerriers impétueux, et leur ardeur à se battre devint une faiblesse que les Romains exploitèrent au maximum. La civilisation celte qui régnait sur les principales régions de l’Europe s’effondra en une décennie lorsque Jules César envahit la Gaule vers 50 avant J-C, et il ne resta plus qu’un seul groupe de Celtes indépendants dans les îles Britanniques. Un siècle plus tard, les Romains se lancèrent à la conquête de cet ultime bastion. Ils furent suivis par les conquérants germains et, au Xe siècle, les Celtes n’étaient plus que l’ombre de leur gloire passée. Dès lors, le monde celtique fut réduit à une poignée de petites nations autonomes appauvries qui s’égrenèrent le long de la côte atlantique de l’Europe. 

Les Celtes ont la réputation d’avoir été l’un des peuples les plus artistes de l’Antiquité. Ils ont laissé un magnifique héritage d’objets en fer qui appartient aux plus belles œuvres jamais produites. Ils possédaient une créativité et une sensibilité qui furent sans pareilles tout au long des siècles suivants. Lorsque les Celtes se convertirent au christianisme, leur sens artistique s’exprima dans la production de merveilleux objets pieux, notamment des manuscrits enluminés qui stupéfient aujourd’hui encore par leurs couleurs et leur beauté. Mais on se souvient d’abord des Celtes pour leurs énigmatiques signatures, des motifs complexes d’entrelacs représentant le meilleur de l’art celte pendant plus de mille ans.

Les Celtes pré-chrétiens n’ont laissé aucun document ecrit, et tout ce que nous savons sur eux provient des écrits assez subjectifs des premiers historiens grecs, et datant du Ve siècle avant J-C. Heureusement, la richesse du matériel archéologique que l’on a retrouvé nous permet de mieux comprendre la société celte et ses origines.

Les Celtes ont dominé l’Europe pendant plus de cinq cents ans. On peut aujourd’hui retrouver leurs racines dans les premières sociétés européennes du Néolithique et de l’âge du bronze.  

Les peuples de la culture des Champs d’urnes étaient les ancêtres directs des Celtes : au cours de la période qui s’étend entre le Xe et le VIIe siècle avant J-C., les bases de la culture celte s’établirent en Europe centrale. 

Ces peuples de l’âge du bronze se regroupèrent probablement avec des populations locales du continent, et de mystérieux guerriers à cheval qui, venant de l’est, envahirent l’Europe au VIIIe siècle avant J-C. La recherche archéologique suggère une période d’instabilité en Europe: des camps fortifiés furent détruits, les offrandes religieuses et les sacrifices humains augmentèrent et des populations entières fuirent vers des régions éloignées. Cette perturbation provient certainement de l’émergence d’une nouvelle caste dirigeante, un groupe extérieur qui semble proche des populations de la culture des Champs d’urnes de l’âge du bronze. 

Ces peuples semblent s’être fondus, au début de l’âge du fer, aux VIIIe et VIIe siècles avant J-C., en une même culture qui s’étendait de l’Autriche à la Hongrie et de l’Allemagne à la République tchèque. Un site funéraire à Hallstatt, en Autriche, donna son nom à ces peuples. La culture de Hallstatt appartient à la première société celte authentique : pendant deux siècles, ces Celtes primitifs étendirent leur influence à travers la plus grande partie de l’Europe. 

Lors de la période celte de La Tène qui s’ensuivit, ces peuples formèrent une société de guerriers où l’esprit de conquête et les prouesses militaires étaient exaltés. Bien qu’incapables de résister aux incursions germaniques venant de l’est, ces guerriers celtes réussirent à imposer une civilisation européenne unifiée qui domina le continent jusqu’à l’apogée des Romains au 1er siècle avant J-C. Loin d’être cette «culture barbare” que décrivent les Grecs et les Romains, la culture celte peut être considérée comme une des grandes civilisations de l’Antiquité. 

LES PROTO-CELTES

La culture des Champs d’urnes apparaît comme la société dominante du centre de l’Europe durant le 1er millénaire avant J.-C. Considéré comme le prédécesseur des Celtes, ce peuple est nommé proto-celte, La seule différence entre ce peuple et les Celtes de la région de Hallstatt est que les seconds savaient travailler le fer. Cet exploit technique donna naissance à un nouvel âge ainsi qu’à celui du monde celte. 

La culture des Champs d’urnes apparue vers 850 avant J.-C. a des similarités frappantes avec la culture «celtique» qui émergea deux cents ans plus tard. Les noms de lieux suggèrent l’existence d’un lien linguistique entre les deux cultures, et il semblerait que les deux sociétés fonctionnaient avec des structures sociales, militaires et politiques identiques. 

Le peuple de la civilisation des Champs d’urnes fabriqua une arme particulièrement redoutable: une longue et lourde épée à lame droite, conçue pour couper et tailler. Les armures, les casques et d’autres pièces de l’équipement militaire qui nous sont parvenus laissent supposer que ce peuple devait être très fort dans l’art de la guerre. Les villages se fortifièrent davantage. Les premiers pitons fortifiés avec fossés, palissades, murs en pierre et en bois qui apparurent sont des repères de cette époque. 

Cette intensification de l’activité militaire était le résultat d’une augmentation de la production de bronze en Europe centrale, d’une amélioration des techniques de la mine et du travail des métaux. Les archéologues sont maintenant capables de déterminer l’origine de ces objets et d’identifier les différents centres de production. 

Il existe des preuves de spécialisations, certains centres étant connus pour la production d’armes, d’autres pour celle de feuilles de cuivre ou d’objets domestiques, d’autres encore pour celle d’objets décoratifs. Du matériel agricole comme des faux et des charrues laissent supposer un développement de l’agriculture. En évoluant, les techniques agricoles permirent l’introduction de nouvelles méthodes comme la rotation des récoltes ou l’élevage, ce qui entraîna de meilleures conditions de vie et une croissance des populations.  


Bouclier de Battersea (II-Ie siècle) retrouvé dans la Tamise


Le développement de la métallurgie du fer, daté de 700 avant J-C. environ, marqua la transition entre la culture des Champs d’urnes et la culture dite de Hallstatt. La première a été identifiée comme proto-celte, la seconde comme véritablement celte. Avec la culture de La Tène qui leur succéda, ces périodes définissent l’âge celte qui coïncide exactement avec l’ère connue sous le nom d’âge du fer.

Il y a un risque à trop séparer les peuples de l’âge du bronze récent et ceux du premier âge du fer. Ils occupaient la même zone géographique d’Europe centrale, présentaient les mêmes schémas sociaux, culturels et politiques. Seule différence notoire, les Celtes de la culture de Hallstatt utilisaient des outils, des armes et des objets domestiques en fer.

Autrefois, les historiens ignoraient l’évidente transition d’une culture à une autre. : L’arrivée des technologies du travail du fer fut un événement marquant. Cela permit la production de meilleurs outils et armes pour tous et révolutionna aussi l’agriculture et l’art de la guerre.

Le fer étant beaucoup plus résistant que le bronze, épées et charrues devinrent plus efficaces. Les implications économiques et militaires furent importantes: les peuples qui contrôlaient les productions du métal et fabriquaient les objets de la meilleure qualité avaient l’avantage technologique et militaire sur leurs rivaux. 

 

LA CULTURE DE HALLSTATT

Hallstatt est un petit village situé dans la haute vallée du Salzberg, au cœur de l’Autriche. Cette région isolée possédait des mines de sel. Elle devint relativement active à partir du VIIe siècle avant J-C. Les Alpes autrichiennes de Salzkammergut renfermaient du sel facilement exploitable. Les noms locaux de Hallstatt et de Hallein dérivaient de hall, terme d’origine celte lié au mot germanique salz (sel). Le sel servait à conserver la nourriture durant l’hiver et constituait une denrée commerciale de premier choix pour les habitants de la région. 

Un peuple des steppes connu sous le nom de Cimmériens migra vers l’ouest sous la pression des Scythes. On pense que ce peuple fut absorbé par des peuples de l’âge du bronze de l’Europe centrale. Des harnachements de chevaux ont été trouvés dans plusieurs tombes de guerriers du VIIe siècle, dont certains dans les sites de Hallstatt. 

Il semble qu’après 600 avant J-C, d’autres sources d’approvisionnement en sel furent trouvées, et Hallstatt fut remplacée par des communautés plus dynamiques. Le travail du fer et l’assimilation des guerriers équestres venus de l’est servirent de catalyseurs à des changements sociaux et politiques. On considère généralement que la civilisation hallstattienne a duré de 700 à 500 avant J-C environ. Elle fut suivie par celle de La Tène. 

Depuis la découverte des tombes de Hallstatt en 1824, de nombreuses nécropoles, datant du VIIe siècle avant J-C et au-delà, ont été identifiées. Elles étaient disséminées à travers l’Europe centrale, en Autriche, au sud de l’Allemagne et à l’ouest de la République tchèque. En conséquence, ces régions ont été reconnues comme étant les pays d’origine des Celtes. 

Durant le VIC siècle avant J-C, le noyau du pouvoir celte semble s’être déplacé vers l’ouest dans le bassin rhénan pour se centrer en Suisse, dans le sud-ouest de l’Allemagne et dans l’est de la France. C’est alors que la culture hallstattienne est éclipsée par la culture de La Tène. Dès lors, les Celtes constituaient l’une des plus grandes civilisations d’Europe.  

LA CULTURE DE LA TÈNE

Durant le Ve siècle avant J.-C., les Celtes connurent des changements sociaux, culturels et politiques, dont on considère qu’ils marquent le début de la période de La Tène, ainsi nommée d’après un lieu situé en Suisse qui offrit aux archéologues leur premier aperçu de la richesse du monde celte à son apogée, une ère d’expansion et de grande qualité artistique durant laquelle la civilisation celte se répandit dans la plus grande partie de l’Europe. La culture de La Tène (Jaténienne) marque l’apogée de la civilisation celte et dura jusqu’à sa destruction par les Romains. 

Comme Hallstatt en Autriche, le petit village de suisse de La Tène a donné son nom à une période culturelle de l’histoire celte, parce qu’on y découvrit des objets au XIXe siècle. Ce village se trouve sur les rives du lac de Neuchâtel. Tandis que Hallstatt est connu pour ses sépultures, La Tène l’est pour les milliers d’offrandes votives qui s’y trouvent. Il s’agit surtout d’objets décoratifs en métal jetés dans le lac en offrande aux dieux. 

Ajoutés aux découvertes de Hallstatt, les objets de La Tène permirent d’élaborer le cadre chronologique du développement de la société celte de l’âge du fer. La période de La Tène fut divisée en trois phases: la plus ancienne - La Tène l _ va du début du Ve siècle avant J- C. jusqu’à la moitié du IIIe siècle avant J-C. La Tène II lui succéda, et dura jusqu’au début du IIe siècle avant J.C. La subdivision de La Tène III dura jusqu’à la conquête romaine, au milieu du 1er siècle avant J-C. en Gaule, et au milieu du 1er siècle après J-C. dans le sud de la Bretagne. L’Irlande et l’Écosse n’ayant jamais été conquises par les Romains, La Tène III se prolongea dans ces régions jusqu’au Ve siècle après J-C. 

La période entière caractérise l’apogée du monde celte. Des objets qui s’y rattachent ont été découverts dans des lieux aussi éloignés les uns des autres que l’Ecosse et la Turquie. 

A cette même période, les Celtes sont entrés en contact avec les Grecs, les Carthaginois et les Romains. 

La période connut également une expansion significative du territoire celte qui, à l’origine, comprenait des régions de la République tchèque, de la Hongrie, de l’Autriche, de la Suisse et du sud de l’Allemagne. 

Au temps de la conquête romaine, les Celtes s’étaient répandus dans l’ouest de l’Espagne, dans la plus grande partie de la France, en Hollande, dans la vallée du Danube et dans toutes les îles Britanniques, y compris l’Irlande. Cependant, ce serait une erreur de penser que le monde celte constituait un État unifié. 

La société était soumise au régime tribal, et ce manque de contrôle central fut pour beaucoup dans l’effondrement de cette civilisation. 

LES PRINCIPAUX PEUPLES CELTES

LES GAULOIS

Vers la fin de la période de Hallstatt, des Celtes migrant vers l’ouest traversèrent le Rhin. L’expansion celte était à son apogée au Ve siècle avant J-C: des bandes de Celtes se répandirent en Italie, en France et en Espagne. Cette expansion était partiellement due à de nouvelles vagues d’immigrants venant de l’est et du nord. Les Cimbres (peuple proto-celte) et les Teutons, venant du nord, envahirent les terres celtes, tandis que plus à l’est des tribus germaniques gagnaient l’Europe centrale. On pense que beaucoup de ces tribus germaniques avaient déjà eu quelques contacts culturels avec les Celtes de Hallstatt avant d’atteindre ce qui est maintenant l’Allemagne. 

Quand, au Ve siècle, les Celtes de la période de Hallstatt commencèrent à se déplacer vers l’ouest, en Gaule, ils arrivèrent plus en colons qu’en envahisseurs. Initialement, les Celtes s’étaient installés au nord et au centre de la Gaule, et occupaient peu les régions côtières de l’ouest et du sud. Jusqu’au 1er siècle avant J-C, la côte méditerranéenne (Provence) était une région essentiellement non gauloise. À partir du VIe siècle avant J.-C, les Phéniciens avaient établi une colonie commerciale à Massilia (Marseille), et les Gaulois locaux développèrent des liens plus étroits avec leurs voisins méditerranéens qu’avec leurs voisins gaulois de l’intérieur des terres. Autrement dit, les Celtes dominaient presque toute la Gaule, à l’exception de l’Armorique (Bretagne), qui conserva la culture préceltique jusqu’aux invasions romaines du milieu du 1er siècle avant J-C. 

Le lieu de vie typique des tribus gauloises était la vallée d’un fleuve, avec ses herbages bas et ses pâturages pentus et boisés utilisés pour faire paître le bétail et exploiter le bois de construction. De petits groupes tribaux tissaient des alliances entre eux, créant ainsi de plus larges groupes politiques et sociaux. La paix ne régnait pas toujours. L’avancée territoriale des tribus au IIIe siècle avant J-C. se fit souvent graduellement, par des conquêtes ou des mariages, des annexions ou des traités. Bien que d’abord basés le long du réseau fluvial, les Gaulois étendirent leurs territoires à de grands secteurs de la campagne. 

Les rivières étaient des voies de communication entre les grandes tribus ou confédérations tribales, mais également le cœur du territoire tribal. Les Éduens occupaient les vallées de la Saône et de la Loire, les Séquanes celle du Doubs et une partie de la Saône, les Parisii celle de la Seine, les Lémovices les terres longeant la Garonne. Il existait de plus petites divisions de tribus, sans doute subdivisées en unités tribales régionales. La Gaule était une juxtaposition d’unités politiques et, bien que la société gauloise ait été relativement stable, son manque d’unité politique permit aux Romains de «diviser pour régner ». Le temps pour les Gaulois de s’unir pour affronter un danger commun, et il était déjà trop tard pour sauver leur civilisation. 

Durant la période de La Tène, la Gaule était approximativement divisée en seize régions tribales. Certaines d’entre elles, pas vraiment celtes, comme les Ligures et les Salyens du nord de l’Italie, ou les Vénètes et les Aquitains de la côte atlantique, conservèrent beaucoup d’aspects de leurs racines préceltiques jusqu’à la fin de l’âge du fer. 

Vers le début du IVe siècle avant J-Cc., les Ligures firent alliance avec les tribus gauloises voisines, formant ainsi la ligue celto-ligure. Ressentant cette alliance comme une menace, les Romains entreprirent rapidement une action militaire pour préserver les frontières du nord de l’Italie romaine. L’influence romaine s’étendit aussi en Provence pour réagir contre les menaces des Celto-ligures et sauvegarder Massilia. Vers 125 avant J-c., les Romains annexèrent la côte méditerranéenne de la Gaule et fondèrent la province de Provence qui devait servir de tremplin à César pour conquérir le reste de la Gaule.  

Le talent des artisans gaulois : exemples de bijoux 

Plus au nord, une nouvelle vague de réfugiés -les Belges - arrivèrent en Gaule au IVe et au IIIe siècle avant J-C. Ils cherchaient refuge en fuyant des tribus germaniques et, après avoir traversé le Rhin, ils fondèrent une nouvelle société au nord de la Gaule. César raconte qu’ils se considéraient eux-mêmes plus teutons que gaulois, et ils comptèrent parmi les ennemis les plus tenaces que Rome ait rencontrés en Gaule. Les Belges s’établirent aussi dans le sud-est de l’Angleterre. Il existe de solides preuves d’échanges commerciaux et culturels importants de part et d’autre de la Manche avant la conquête de la Gaule et de l’Angleterre par Rome.

Les tribus gauloises ont été décrites par de nombreux historiens romains qui leur donnèrent le nom de nationes (nations ou peuples), ou de civitates (cités), ce qui était nettement moins approprié. Elles étaient divisées en pagi (pagus, subdivision de la cité), reflets des petites unités tribales qui s’étaient réunies de façon plus importante au cours du IVe et du IIIe siècle avant J-C. Par exemple, les Éduens, puissant peuple du centre de la Gaule, étaient subdivisés en six pagi, le plus important étant celui de Bibracte. Ces subdivisions étaient menées par de petits gouverneurs tribaux qui prêtaient allégeance au chef.

Il semble que ces sous-unités possédaient leurs propres unités militaires, les plus petits groupes étant réunis en armées tribales plus vastes. Les plus grandes unités (nationes) possédaient en général leur capitale dans le pagus de la région. Certains pagi devinrent de grandes villes qui existent encore aujourd’hui: Paris, la capitale des Parisii ; Titelberg, la capitale des Trévires; Chartres, la capitale des Carnutes. Ces villes devinrent de grands centres de commerce et offrirent des marchés aux artisans et aux forgerons celtes. Les capitales tribales accueillaient les cours des rois et des chefs comme Ambigatos, roi légendaire des Bituriges que César mentionne dans ses Commentaires de la guerre des Gaules.

Parfois ces rois et ces chefs tribaux contractaient une alliance entre eux. Durant le IIIe siècle avant J .-C, les Bituriges du centre de la Gaule dominèrent les tribus gauloises voisines, et les unirent en une grande confédération. Un siècle plus tard, les Arvernes, dont la suprématie était incontestée, s’allièrent aux Allobroges et aux Éduens et formèrent une autre grande confédération. Au moment de l’invasion romaine en 59 avant J.-C, les Éduens, les Séquanes et les Arvernes avaient rompu leur alliance et se battaient entre eux pour obtenir la suprématie.  

Gobelet gaulois 

César exploita la situation avec une efficacité impitoyable. Dans un ultime effort pour repousser l’envahisseur, les Gaulois s’unirent sous le commandement de Vercingétorix, un chef arverne, mais celui-ci fut vaincu et battu par César. Après la défaite gauloise d’Alésia en 52 avant J.-C, la Gaule devint une province romaine, qui resta sous la domination de Rome durant cinq siècles. Bien que les Gaulois se soient adaptés et aient prospéré durant toute cette période, la culture celte s’éteignit. Le monde celte se réduisit donc aux îles Britanniques. 

LES CELTIBÈRES

Vers 2500 avant J.C., un nouveau groupe culturel apparut: les archéologues lui donnèrent le nom de «culture des vases campaniformes », en raison de la forme particulière en cloche des coupes trouvées dans leurs sépultures collectives. On les considère comme les précurseurs de la civilisation protocelte, la culture des Champs d’urnes. Au début de l’âge du bronze, les descendants de ces hommes gagnèrent la péninsule Ibérique, bien que les Ibères de l’est de la péninsule aient chassé les Celtes de la côte méditerranéenne. 

Vers 550 avant J.C.., les Ibères occupèrent la moitié de la péninsule, y compris la plus grande partie des Pyrénées, ce qui coupa les Celtes d’Ibérie de leurs voisins Celtes de Gaule. Les vestiges de villages fortifiés et des objets variés du Ve siècle ont été retrouvés dans le nord de l’Espagne. Ils ont une ressemblance frappante avec ceux des sites de La Tène, en Gaule, ce qui indique des connexions culturelles avec les Celtes du sud de la Gaule. 


CORDOBA - Fibule de style de la Tène 
(Espagne - III/I s. av. JC).


Au IIIe siècle avant J-C, les Carthaginois avaient établi des colonies le long de la côte méditerranéenne de l’Ibérie et, durant les guerres puniques (264-218 avant J-C), ils louèrent les services de mercenaires celtibères pour les aider à combattre Rome. Cependant, un peu avant, les Carthaginois avaient lancé des campagnes contre les Celtibères, qu’ils avaient repoussés à l’intérieur des terres, loin de la côte méditerranéenne. C’est Hannibal qui modifia la politique de Carthage. Il se rapprocha des Celtes en leur envoyant des ambassadeurs et en leur proposant des compensations financières en échange de leur alliance. En insistant sur le fait que c’était Rome et non pas Carthage l’ennemi traditionnel des Celtes, Hannibal réussit à recruter un grand nombre de guerriers celtes pour son armée dans laquelle se retrouvaient des éléments d’origines très variées.  

CAVALIER CELTE GM
Fibule celte-ibère représentant
un cavalier et sa monture (Espagne). 

Quand Hannibal franchit les Alpes au nord de l’Italie en 218 avant J-C, son armée était pour moitié constituée de Celtes. Les Celtibères et les Gaulois du Sud participèrent à de grandes campagnes jusqu’à la seconde guerre punique. Tandis qu’Hannibal était retenu en Italie, d’autres armées romaines faisaient campagne en Ibérie; elles chassèrent les Carthaginois de la région. À la suite de la défaite finale des Carthaginois à la bataille de Zama (203 avant J-C), Rome se trouva libre de traiter avec les Celtibères. Cependant, un reste d’opposition militaire força les Romains à adopter avec eux une politique apaisante plutôt que conflictuelle. 

En 179 avant J-C, les Romains proposèrent aux Celtes des traités de paix et des récompenses en échange de leur contrôle politique. De nombreuses tribus refusèrent, ce qui entraîna un long assujettissement. La résistance celtibère était groupée autour de la ville fortifiée de Numance. Une série de campagnes, entre 152 et 136 avant J-C, aboutit soit à une impasse, soit à la défaite romaine. En 134 avant J-C, le Sénat romain envova Publius Cornelius Scipion avec une nouvelle armée pour prendre la forteresse. Numance tomba en 133 avant J-C, après un siège sanglant. 

Durant les soixante années qui suivirent, Rome marqua son empreinte sur la société celtibère, détruisant les derniers vestiges d’un pays celte indépendant. Au temps de Jules César, les Celtes d’Ibérie ne représentaient plus rien sur le plan politique ou social, puisqu’ils avaient été assimilés à la province romaine d’Hispania. Malgré tout, certains caractères de l’identité celte survécurent. À la suite de la conquête de la Gaule par César durant le siècle avant J-C, une vague de réfugiés venant d’Aquitaine arriva dans l’ancienne région celtibère de Galice, au nord-ouest de l’Hispanie. Aujourd’hui, cet héritage celte est encore visible au Pays basque et en Galice où la population locale considère descendre en ligne directe des Celtibères. 

LES CELTES D’ITALIE

Vers 475 avant J-C., les Celtes battirent une armée étrusque dans la vallée du Pô, et à la fin du siècle la plus grande partie de la vallée et la péninsule italienne au nord des Apennins étaient entre leurs mains. En 396 avant J-C., Melpum, la dernière place forte étrusque au nord des Apennins, tomba sous les coups des envahisseurs celtes. Selon l’historien romain Pline, cette première conquête suivie d’une installation dans la vallée du Pô était conduite par une confédération de tribus: les Boïens, les Insubres et les Sénons. Les Celtes menaçaient alors le sud de la péninsule. 

La ville étrusque de Clusium, en Toscane moderne, fut envahie par les Sénons, conduits par leur chef Brennus. Les Étrusques, qui étaient les alliés des Romains, leur demandèrent de l’aide pour repousser les envahisseurs. Brennus comprit que les Romains représentaient un plus grand danger que les Étrusques et il marcha sur Rome. Il battit l’armée romaine à Allia (390 avant J-C.), puis mit Rome à sac. Seul le Capitole fut épargné, ses murs fortifiés étant trop difficiles à prendre d’assaut. 

Les Sénons occupèrent Rome en ruines durant plusieurs mois, jusqu’à ce que les sénateurs, assiégés dans le Capitole, paient pour qu’ils se retirent. Selon des historiens romains, Brennus, convaincu que les poids utilisés par les Romains pour peser la rançon de 100 livres d’or étaient truqués, y ajouta son épée en s’exclamant: « Vae victis », ce qui signifie: «Malheur aux vaincus », Les Romains payèrent donc la rançon de 1 00 livres, ainsi que le poids de l’épée. 

Dès lors, l’humiliation de Rome influença beaucoup les relations romano-celtes, et les Romains redoutèrent les Celtes jusqu’à la conquête de la Gaule, au milieu du 1er siècle avant J-C. Les incursions gauloises dans l’État latin durèrent jusqu’en 349 avant J-C., c’est-à-dire quand les Romains purent battre les Gaulois, ce qui obligea les Sénons à signer un traité de paix qui protégeait temporairement Rome de futures attaques.  

A cette époque, les Sénons s’étaient établis près de Picenum, sur la côte adriatique, tandis que leurs alliés gaulois restaient au nord des Apennins. Les Romains virent dans cette avancée du territoire des Celtes vers le sud une réelle menace pour Rome, surtout quand les Sénons s’allièrent à leurs ennemis italiens. En .298 avant J-c., une armée celte et samnite fut victorieuse à Camerium, mais elle tomba entre les mains des Romains deux ans plus tard. Une autre victoire des alliés ne suffit pas à empêcher l’armée romaine de prendre Picenum et de brûler le territoire des Sénons. Ce fut une victoire coûteuse qui conduisit les dernières tribus celtes de la vallée du Pô à s’allier aux Étrusques. 

Une victoire romaine sur les Étrusques en 283 avant J-C. entraîna une conquête complète des territoires étrusques, et les Celtes des régions avoisinantes furent contraints j’accepter un traité de paix. Les Romains eurent alors l’avantage. Ils contrôlaient toute la péninsule italienne du sud des Apennins, y -compris le territoire de Sénons. Durant les décennies suivantes, ils construisirent des forts pour protéger leurs frontières au nord et expulsèrent tous les Cèltes. 

En 225 avant J-C., comme les Romains étaient prêts à conquérir la vallée du Pô, les Celtes demandèrent l’appui de leurs cousins du Nord. Les forces celtes unies lancèrent alors un raid au-delà des Apennins et battirent les Romains à Clusium, mais elles furent elles-mêmes défaites à Telamon (224 avant J-C.). La vallée du Pô était à la merci des Romains. Assistés par leurs alliés gaulois, les Celtes résistèrent encore deux ans, mais en 222 avant J-C., les Romains dominaient toute l’Italie au sud des Alpes. 

La situation changea après le déclenchement de la seconde guerre punique entre Rome et Carthage. En 218 avant J.C., Hannibal franchit les Alpes à la tête d’une armée carthaginoise qui comprenait des milliers de mercenaires celtes. 

Ses victoires spectaculaires lui donnèrent le contrôle de l’Italie, mais il ne parvint pas à prendre la ville de Rome. Après l’effondrement des Carthaginois en 203 avant J-C., il fallut une décennie pour que Rome reprenne le contrôle des Gaulois de la vallée du Pô. En 191 avant J-C., les Boïens furent vaincus et la région prit le nom de Gaule Cisalpine, province romaine alors la plus au nord. 

LISTE DES PEUPLES CELTES

Le nom latin du peuple est donné entre parenthèses lorsque le nom francisé sert de titre à l’article détaillé. La liste est présentement incomplète.  

1 - Gaule cisalpine
au sud du Pô
• les Boïens (boii)
• les Lingons (lingones)
• les Sénons (senones)
au nord du Pô
• les Cénomans (cenomani)
• les Insubres
• les Anares
• les Comasques
• les Laevi
• les Libici
• les Lépontiens (lepontii)
• les Marici
• les Orobiens (orobii, orumbovii)
• les Salasses (salassi)
• les Salyens (salluvii)
• les Vertamocoriens (vertamocorii)

2 - Gaule transalpine
Belgique
Remarque : Tous les peuples belges n’étaient probablement pas des Celtes au sens propre du terme, mais leur aristocratie était celtisée.
• les Ambiens (ambiani)
• les Atrebates
• les Bellovaques (bellovaci)
• les Condruses ou Condruzes
• les Éburons
• les Leuques (leuci) ? (nom de la période romaine)
• les Lingons (lingones)
• les Médiomatriques (mediomatrices)
• les Ménapiens ou Ménapes (menapii)
• les Morins (morini)
• les Nerviens (nervii)
• les Rèmes (remi)
• les Silvanectes
• les Suessions
• les Trévires (treveri)
• les Tricasses
• Les Viromanduens (viromandui)

Gaule Chevelue (gallia comata)
• les Abrincates
• les Ambarri
• les Ambiliati
• les Ambivareti
• les Ambivariti
• les Andecaves (parfois Andes ?)
• les Arvernes (arverni)
• les Aulerques Éburovices
• les Aulerques Cénomans
• les Baïocasses
• les Bituriges
• les Blannovii
• les Brannovices
• les Cadurques (Cadurci)
• les Calètes (caletes)
• les Carnutes
• les Catuvellauni
• les Cénomans (cenomani)
• les Coriosolites
• les Diablintes
• les Éburons (eburones)
• les Éduens (aedui)
• les Gabales (gaballi)
• les Helviens (helvii)
• les Helvètes (helvetii)
• les Latobici
• les Lémovices (lemovices)
• les Lexoviens (lexovii)
• les Meldes (meldi)
• les Namnètes
• les Osismes (osismii)
• les Parisiens (parisii)
• les Pétrocoriens ou Petrocores (petrocorii)
• les Pictons ou Pictaves, parfois improprement nommés Pictes (pictavi ou pictones)
• les Riedones (redones)
• les Rutènes (ruteni)
• les Santons (santones)
• les Segusiaves (segusiavi)
• les Senones
• les Séquanes (sequani)
• les Tulingi
• les Turons (turones)
• les Unelles (unelli)
• les Vadicasses
• les Vellaves (vellavi)
• les Vénètes (veneti)
• les Véliocasses
• les Viduc

Aquitaine
Remarque : Les Aquitains n’étaient pas des Celtes. Ils sont probablement apparentés aux Basques.
• les Ausques (Auscii)
• les Bigerriones
• les Bituriges Vivisques (bituriges vivisci)
• les Cocosates
• les Consoranni
• les Conuènes (convenae)
• les Elusates
• les Lactorates
• les Nitiobroges
• les Sibusates
• les Sotiates
• les Tarbelles (tarbelli)
• les Tarusates

Narbonnais
• les Albiques (albici)
• les Allobroges (allobrogae)
• les Atacini
• les Cavares
• les Helviens (helvii)
• les Meminii
• les Salyens ou Salluviens (salluvii)
• les Sardones
• les Segovellauni
• les Tricastins (tricastini)
• les Voconces (Vocontii)
• les Volques Arécomiques (volcae arecomici)
• les Volques Tectosages (volcae tectosages)

Alpes
• Les Ceatrones
• les Bodiontici
• les Caturiges
• les Deciates
• les Medulli
• les Nantuates
• les Nerusi
• les Oxybii
• les Sédunes
• les Suetri
• les Vediantii
• les Veragri

3 - Germanie 
Ces noms sont connus pour la période romaine
• les Rauraques (rauraci) ?
• les Triboques ?
• les Ubiens ?

4 - Alpes orientales 
(actuels Frioul, Autriche, Slovénie), Pannonie
• les Carni
• les Cotini (Celto-Daces, celtes selon Strabon)
• les Iapodes
• les Istri
• les Liburni

5 - Thrace
• les Tylènes (? royaume de Tylis)

6 - Bohème
• les Boïens

7 - Espagne
Voici une liste de noms associés à des peuples celtes et celtibères d’Espagne
•Alibiones : (Albio : « Blanc, monde d’en haut »)
•Arevaci : établis à Numance, aux limites de l’Aragon et de la vieille Castille
•Artabres :
•Astures :
•Autrigones :
•Berones :
•Bracari :
•Callaeci :
•Cantabres :
•Carpetani :
•Celtiberi :
•Celtici :
•Cunetes / Cynetes : (Cvno : « le chien »)
•Lvsones :
•Olcades :
•Oretani :
•Orgenomesci / Orgenomesvi : (« Ivres de massacres »)
•Vaccaei :

8 - Ile de Bretagne
La question d’un peuplement à « caractère celtique » de l’île de Bretagne doit être considéré séparément pour deux périodes distinctes et distantes de près de mille ans : d’une part durant la préhistoire et la protohistoire de l’île, avant la conquête romaine ; et d’autre part durant le haut Moyen âge.

Ainsi, on peut distinguer
•les Bretons (latin britanni), c’est-à-dire les habitants de la Grande-Bretagne protohistorique, parmi lesquels on peut inclure les peuples belges (latin belgae) qui s’établirent à l’embouchure de la Tamise en -75.
•les Scots, envahisseurs celtes de l’île de Bretagne au haut Moyen âge.
•les autres peuples dont le caractère celtique est soit incertain, soit controversé pour la période protohistorique, comme les Calédoniens.

Bretons :
• Atrebates (Belges)
• Belgae (Belges)
• Brigantes (Belges)
• Carvetii (?)
• Catuvellauni (Belges)
• Coritani
• Cornovii
• Demetae
• Dobunni
• Dumnonii (attesté en Armorique)
• Durotriges
• Dumnoni ?
• Icènes (iceni, Belges)
• Ordovices
• Parisii (attesté sur la Seine)
• Regnences ?
• Silures
• damnonii
• novantae
• selgovae

Pictes, Calédoniens :
Les populations du nord de l’île de Bretagne n’avaient vraisemblablement que peu de caractéristiques ethno-culturelles celtiques, du moins jusqu’à ce qu’elles soient soumises à l’influence des Scots venus d’Irlande au Moyen âge. Voici quelques noms de peuples associés aux « Pictes » :

9 - Suisse
Différents peuples celtiques ont vécu sur le territoire de la Suisse actuelle :
•Helvètes : sur le plateau suisse (de Genève non compris jusque dans la région de Zurich). Les Helvètes étaient composés par quatre tribus: les Verbigènes, les Tigurines, les Ambrones et les Tugènes
•Rauraques : Région de Bâle et partie de l’Alsace, du canton du Jura, Jura bernois et soleurois.
•Séquanes : nord du canton de Neuchâtel et du Jura (jusqu’aux crêtes du Jura - les Séquanes habitent la Franche-Comté, Besançon). Avant l’arrivée des Helvètes, les Séquanes débordaient sur le Plateau suisse.
•Nantuates : Chablais vaudois et valaisan (jusqu’à Saint-Maurice)
•Véragres : Valais (région de Martigny)
•Sédunes : Valais (région de Sion)
•Ubères : Valais (région de Brigue, Simplon)
•Lépontiens : tribus celtiques rattachées aux Insubres et aux Orumbovies, au sud du Tessin
•Allobroges : Genève (rive gauche du Rhône), Savoie
•Rhètes : vallées des Grisons et région de Saint-Gall; le caractère celtique de ce peuple est controversé.