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Le monde hellénistique

Le monde hellénistique : fragmentation, luttes de pouvoir et héritage culturel

L’hellénisme : une fusion culturelle durable

L’hellénisme, né des conquêtes d’Alexandre le Grand, incarne la fusion des cultures grecque et orientales. Ce mouvement s’étendit à travers l’empire d’Alexandre, reliant la Grèce, l’Égypte, l’Asie Mineure, la Perse et jusqu’à la Bactriane et l’Inde. Bien que l’unité politique ait rapidement échoué, cette époque marque une expansion sans précédent de l’influence grecque, notamment dans :

  • La langue grecque, devenue une lingua franca dans tout le monde méditerranéen et asiatique ;
  • Les arts et les sciences, avec des centres comme Alexandrie en Égypte, célèbre pour sa bibliothèque et ses écoles philosophiques ;
  • Les structures politiques et sociales, qui influencèrent les civilisations romaine, chrétienne, juive et musulmane.

Cependant, l’empire d’Alexandre était trop vaste pour être gouverné efficacement, et sa mort en 323 av. J.-C. entraîna des luttes acharnées entre ses généraux.


Les États successeurs : la division de l’empire d’Alexandre

La désintégration politique

À la mort d’Alexandre, son empire fut laissé sans véritable successeur. Son fils, Alexandre IV, et son demi-frère, Arrhidaios, furent désignés comme souverains, mais le pouvoir réel échut à ses généraux, les diadoques. Ces derniers divisèrent l’empire en zones d’influence :

  • Antipater contrôla la Grèce et la Macédoine.
  • Ptolémée s’établit en Égypte, où il fonda une dynastie durable.
  • Séleucos s’empara de l’Est (Babylone, Perse et Asie centrale).
  • Antigone le Borgne domina la Phrygie et tenta de réunifier l’empire.
  • Lysimaque prit le contrôle de la Thrace.

Les guerres des Diadoques

Ces généraux s’engagèrent dans une série de guerres pour élargir leurs territoires et asseoir leur domination. Les événements clés incluent :

  1. L’assassinat de Perdiccas en 321 av. J.-C. : Il fut tué par ses soldats après avoir échoué à envahir l’Égypte de Ptolémée.
  2. La division de l’empire en 311 av. J.-C. : Les diadoques se partagèrent les territoires, mais la paix fut brève.
  3. La bataille d’Ipsos (301 av. J.-C.) : Antigone le Borgne fut tué, et son royaume fut partagé entre ses adversaires.
  4. La bataille de Couropédion (281 av. J.-C.) : Lysimaque fut vaincu par Séleucos, consolidant la domination séleucide en Asie Mineure




Les principaux États successeurs

  1. L’Empire séleucide

    • Fondé par Séleucos Iᵉʳ, il englobait une vaste région de l’Asie.
    • Cet empire tenta de maintenir l’unité à travers des mariages interculturels et des cités grecques, mais fut fragilisé par les révoltes et la montée des Parthes.
  2. Le royaume ptolémaïque

    • Dirigé par Ptolémée Iᵉʳ, ce royaume centré en Égypte devint un bastion de la culture hellénistique, avec Alexandrie comme capitale.
    • Les Ptolémées renforcèrent leur pouvoir en intégrant les traditions égyptiennes à leur administration grecque.
  3. Les royaumes mineurs

    • Rhodes : Un centre maritime et commercial prospère, connu pour son rôle dans la lutte contre la piraterie.
    • Pergame : Ce royaume en Asie Mineure devint un centre artistique et intellectuel, rivalisant avec Alexandrie.

L’Empire séleucide : Une grandeur éphémère

  1. Les débuts et l’héritage de Séleucos Iᵉʳ

    • Séleucos Iᵉʳ, l’un des plus puissants diadoques, fonda l’Empire séleucide après la division de l’empire d’Alexandre. Cet empire s’étendait de l’Asie Mineure à l’Indus, mais sa vastitude et ses frontières instables en faisaient une entité difficile à gouverner.
    • Après son assassinat en 280 av. J.-C., son fils Antiochos Iᵉʳ tenta de préserver l’unité de l’empire, mais les révoltes et les guerres de succession affaiblirent rapidement le royaume.
  2. L’apogée sous Antiochos III (223-187 av. J.-C.)

    • Antiochos III, surnommé « le Grand », réorganisa l’administration et renforça les frontières. Il tenta de restaurer la domination séleucide sur l’Asie Mineure et les territoires orientaux, mais ses ambitions furent freinées par la montée de la République romaine.
    • La bataille de Magnésie (190 av. J.-C.) contre Rome mit fin aux aspirations expansionnistes séleucides et les força à céder l’Asie Mineure.
  3. La décadence

    • Sous Antiochos IV Épiphane (175-164 av. J.-C.), le royaume connut une dernière période de prospérité, mais des révoltes éclatèrent, notamment en Judée, où la résistance des Maccabées mena à l’indépendance de la région.
    • Les attaques des Parthes réduisirent le territoire séleucide à la Syrie, où il fut finalement absorbé par Rome en 64 av. J.-C., devenant la province romaine de Syrie


L’Égypte ptolémaïque : Le dernier bastion de l’hellénisme

  1. Une puissance prospère et stable

    • Le royaume ptolémaïque, fondé par Ptolémée Iᵉʳ, bénéficia d’un territoire naturellement protégé par le désert et la mer. Avec Alexandrie comme capitale, il devint un centre économique, scientifique et culturel de premier plan.
    • L’Égypte ptolémaïque était connue pour ses richesses agricoles, grâce à la fertilité du Nil, et son contrôle des routes commerciales maritimes.
  2. Une administration égypto-hellénistique

    • Initialement dominée par les Grecs, l’administration évolua sous Ptolémée II Philadelphe (283-246 av. J.-C.) pour inclure des Égyptiens dans des postes de responsabilité, créant un État égypto-hellénistique intégré.
    • Ce modèle permit au royaume de prospérer même face à la montée en puissance de Rome.
  3. Le déclin et la chute

    • La dynastie ptolémaïque déclina à cause des querelles internes et de son implication dans les conflits romains. L’Égypte devint un acteur clé dans la guerre civile entre César et Pompée, puis entre Octave (Auguste) et Marc Antoine.
    • Après la défaite de Marc Antoine et Cléopâtre VII à la bataille d’Actium (31 av. J.-C.), l’Égypte fut annexée par Rome en 30 av. J.-C., devenant la dernière pièce de l’ancien monde hellénistique à tomber sous domination romaine.


La perte d’indépendance des cités-États

La période hellénistique marque le déclin de l’autonomie politique des cités-États grecques, qui avaient jadis dominé le monde égéen. Après la mort d’Alexandre le Grand en 323 av. J.-C., l’Hellade devint un théâtre de conflits pour le pouvoir entre les diadoques, les successeurs macédoniens d’Alexandre.

  1. La révolte des cités grecques (323-322 av. J.-C.)

    • Apprenant la mort d’Alexandre, les cités-États, menées par Athènes et inspirées par l’orateur Démosthène, se rebellèrent contre la domination macédonienne lors de la guerre lamiaque.
    • Bien que les Grecs aient initialement assiégé Antipater à Lamia, leur défaite à Crannon en 322 av. J.-C. mit fin à leur résistance. La Macédoine imposa des gouvernements oligarchiques dans les cités et limita leurs institutions démocratiques.
  2. L’instabilité sous les diadoques

    • Polyperchon, successeur d’Antipater, tenta d’apaiser les Grecs en promettant plus d’indépendance, mais cela déclencha une révolte à Athènes en 319 av. J.-C., aggravant les tensions internes.
    • Cassandre, fils d’Antipater, prit le contrôle de la Grèce et instaura un régime autoritaire. Après sa mort en 297 av. J.-C., des luttes pour le pouvoir impliquant Démétrios, Séleucos, et Lysimaque plongèrent la région dans le chaos.
  3. La fondation de la dynastie antigone

    • En 280 av. J.-C., après les assassinats de Séleucos et Lysimaque, Antigone Gonatas, fils de Démétrios, établit une dynastie régnante en Macédoine avec le soutien d’Antiochos Iᵉʳ, fils de Séleucos.

Les invasions celtes : Une menace extérieure

Au début du IIIᵉ siècle av. J.-C., l’Hellade et la Macédoine durent également faire face à des incursions de tribus celtes :

  1. L’invasion de 279 av. J.-C.

    • Sous le commandement de Brennus, les Celtes envahirent la Macédoine et la Grèce. Ils furent finalement repoussés par Antigone Gonatas et Antiochos Iᵉʳ, mais non sans dégâts significatifs pour la région.
  2. La colonisation de la Galatie

    • Lors d’une incursion en Asie Mineure, les Celtes traversèrent l’Hellespont et envahirent Pergame. Grâce à une habile diplomatie, le roi de Pergame les incita à s’établir dans le centre de l’Asie Mineure, une région qui devint connue sous le nom de Galatie.


 

La fin des querelles fratricides et l’émergence des ligues

Les guerres fratricides qui suivirent la mort d’Alexandre le Grand laissèrent la Grèce et la Macédoine épuisées économiquement et politiquement. Les querelles internes entre les diadoques et les cités-États aboutirent à une perte d’autonomie politique pour les cités grecques, mais elles continuèrent d’exister en tant qu’entités culturelles et économiques. Sous la domination macédonienne, un semblant de stabilité fut instauré grâce à l’arbitrage des rois de Macédoine, comme Antigone II Gonatas, mais les tensions persistèrent.

  1. Le rôle des cités-États

    • Certaines cités comme Athènes, Syracuse, et Éphèse réussirent à prospérer économiquement et culturellement malgré la perte de leur autonomie politique.
    • À Athènes, la culture et l’éducation demeurèrent florissantes, tandis que Syracuse et Éphèse s’affirmèrent comme des centres commerciaux.
  2. Les ligues achéenne et étolienne

    • Les cités grecques, privées de leur indépendance politique, cherchèrent à se protéger en formant des alliances régionales.
      • La ligue achéenne, dirigée par Aratos de Sycione, rassembla des cités du nord du Péloponnèse comme Corinthe, Athènes, et Égine, avec pour objectif d’expulser les tyrans macédoniens et de limiter l’influence macédonienne.
      • La ligue étolienne, constituée de tribus rurales et de petites cités comme la Béotie, la Phocide, et la Locride, se forma parallèlement dans le nord de la Grèce pour contrer les ambitions de la Macédoine.
  3. L’isolationnisme de Sparte

    • Sparte, bien que jadis puissance dominante en Grèce, avait adopté une politique isolationniste sous la domination macédonienne. Cependant, l’accession au pouvoir de Cléomène III en 240 av. J.-C. entraîna une tentative de restaurer la grandeur spartiate.
    • Cette politique expansionniste mit Sparte en conflit avec la ligue achéenne, mais après plusieurs défaites, Sparte fut annexée par les Achéens en 221 av. J.-C., marquant la fin de son indépendance politique.

Les querelles internes et l’émergence de nouvelles menaces

Les alliances grecques, bien qu’issues d’un besoin de protection mutuelle, se retrouvèrent rapidement engluées dans des querelles intestines :

  1. Les rivalités entre les ligues

    • Les ligues achéenne et étolienne, qui s’étaient initialement constituées pour résister à l’influence macédonienne, commencèrent à s’opposer entre elles. Ces conflits affaiblirent les Grecs et détournèrent leur attention des menaces extérieures croissantes.
  2. La montée de Rome

    • Pendant que les Grecs se querellaient, une nouvelle puissance, Rome, commençait à s’intéresser aux affaires grecques. Les Macédoniens, affaiblis par les divisions internes et la pression des tribus du nord, étaient mal préparés à faire face à cette menace.

La Macédoine face à ses défis

  1. Le rôle d’Antigone II Gonatas

    • Antigone II Gonatas (277-239 av. J.-C.) apporta une relative stabilité à la Macédoine et à l’Hellade en soutenant la culture et les arts, notamment à Pella, où il établit une cour royale influente. Cependant, ses successeurs n’eurent pas la même efficacité.
  2. Antigone III Dôsôn

    • Petit-fils d’Antigone II, Antigone III Dôsôn tenta de renforcer l’autorité macédonienne sur les cités-États grecques, mais ses ambitions provoquèrent des résistances, notamment de la part des ligues achéenne et étolienne.
  3. Les invasions celtes

    • Au début du IIIᵉ siècle av. J.-C., les Macédoniens durent également faire face à des incursions de tribus celtes, qui ravagèrent la Macédoine et la Grèce avant d’être repoussées par les rois macédoniens et établies en Galatie.

L’Hellade sous l’influence de Rome : le déclin de l’indépendance grecque

Les prémices de l’intervention romaine

L’ingérence romaine dans les affaires de l’Hellade fut le résultat de conflits internes grecs et de la montée en puissance de Rome. L’implication de Rome commença avec Pyrrhus d’Épire :

  1. Les campagnes de Pyrrhus (280-275 av. J.-C.)

    • Pyrrhus, roi d’Épire, tenta de rétablir sa domination en Italie et en Macédoine, mais malgré ses victoires coûteuses contre Rome (donnant naissance à l’expression « victoire à la Pyrrhus »), il échoua à protéger les colonies grecques du sud de l’Italie.
    • Son retrait laissa ces cités vulnérables face aux expansions romaines et carthaginoises, contribuant indirectement à l’émergence de Rome comme puissance dominante en Méditerranée occidentale.
  2. La première guerre macédonienne (214-205 av. J.-C.)

    • L’alliance entre Hannibal et Philippe V de Macédoine, scellée pendant la seconde guerre punique, poussa Rome à intervenir dans les affaires grecques. En soutenant la ligue étolienne, ennemie de Philippe, Rome établit un précédent d’intervention militaire en Hellade.

L’Hellade dans les guerres macédoniennes

Les interventions romaines augmentèrent au cours des guerres macédoniennes, conduisant à l’annexion progressive de la Macédoine et de la Grèce continentale :

  1. La seconde guerre macédonienne (200-196 av. J.-C.)

    • Rome, alliée à la ligue achéenne, engagea ses troupes contre Philippe V pour empêcher son expansion vers l’Illyrie et la Grèce centrale.
    • La bataille de Cynoscéphales (197 av. J.-C.) fut une victoire décisive pour Rome, démontrant la supériorité tactique des légions romaines sur les phalanges macédoniennes. Philippe V fut contraint de renoncer à ses ambitions expansionnistes et de devenir un allié subordonné de Rome.
  2. La troisième guerre macédonienne (171-168 av. J.-C.)

    • Le fils de Philippe V, Persée, tenta de restaurer l’indépendance macédonienne. Cependant, la bataille de Pydna (168 av. J.-C.) marqua la fin de cette tentative. La Macédoine fut divisée en quatre républiques clientes sous domination romaine.

La guerre achéenne et la destruction de Corinthe (146 av. J.-C.)

La résistance grecque à l’expansion romaine culmina avec la guerre achéenne :

  1. La ligue achéenne contre Rome

    • Bien que la ligue achéenne ait été initialement une alliée de Rome, les tensions internes et les pressions expansionnistes romaines conduisirent à un conflit direct.
    • En 146 av. J.-C., lors de la guerre achéenne, les légions romaines mirent en déroute l’armée de la ligue et détruisirent Corinthe, symbole de la résistance grecque.
  2. Conséquences

    • La population corinthienne fut massacrée ou réduite en esclavage, et la cité fut rasée. Cet acte brutal marqua la fin de l’indépendance grecque.
    • L’Hellade devint une province romaine, avec un contrôle direct de Rome sur le centre et le sud de la Grèce.

La transformation de l’Hellade sous la domination romaine

  1. La fin des cités-États autonomes

    • L’annexion de l’Hellade par Rome mit fin à des siècles d’indépendance politique des cités-États grecques, un processus amorcé dès la conquête de la Grèce par Philippe II de Macédoine.
    • Les anciennes cités, comme Athènes ou Sparte, perdirent leur rôle politique mais conservèrent une certaine importance culturelle et religieuse.
  2. L’influence romaine

    • Sous la domination romaine, l’Hellade devint une province culturelle clé pour Rome. Les Romains adoptèrent largement la culture grecque, notamment en matière de philosophie, d’art et d’éducation.
    • Alexandrie, Athènes et Pergame restèrent des centres intellectuels majeurs.
  3. La survie des royaumes grecs orientaux

    • Tandis que la Grèce continentale devenait une province romaine, des royaumes grecs orientaux comme ceux de Pergame, de la Cappadoce ou encore l’Égypte ptolémaïque subsistaient.
    • Ces royaumes furent peu à peu intégrés à l’Empire romain, l’Égypte devenant une province après la défaite de Cléopâtre VII et Marc Antoine en 30 av. J.-C.

Conclusion : Une domination politique, un héritage culturel

L’intégration de l’Hellade dans l’Empire romain marqua la fin de l’indépendance politique des cités-États grecs. Cependant, la culture grecque trouva une nouvelle vie sous l’égide romaine :

  • Les idéaux politiques et philosophiques grecs influencèrent profondément les institutions et la culture romaines.
  • La fusion gréco-romaine devint la base de la civilisation occidentale.

Ainsi, bien que les Grecs aient perdu leur autonomie politique, leur héritage culturel continua à façonner le monde méditerranéen et au-delà.




Références et sources

  1. Green, Peter. Alexander to Actium: The Historical Evolution of the Hellenistic Age, University of California Press, 1993.
  2. Cartledge, Paul. Ancient Greece: A History in Eleven Cities, Oxford University Press, 2009.
  3. Polybe, Histoires : Un témoignage de première main sur l’intervention romaine en Grèce.
  4. Walbank, F.W. The Hellenistic World, Harvard University Press, 1992.
  5. Bosworth, A.B. The Legacy of Alexander: Politics, Warfare, and Propaganda under the Successors, Oxford University Press, 2002.
  6. Plutarque, Vie des hommes illustres.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Octobre 2009

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