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Les Francs et l'Empire romain.

L'origine de la confédération des Francs 

Les Francs comme les Alamans sont des confédérations de tribus assez tardivement formées pour se défendre de tribus belliqueuses. Le nom de Francs apparaît pour la première fois dans les textes romains au IIIème siècle de notre ère. Il désigne un ensemble de tribus unies par des liens forts lâches et qui ont pour nom : les Ampsivariens, les Bructères, les Canninefates, les Chamaves, les Chattes, les Chattuaires, les Chauques, les Mattiaques, les Saliens, les Sicambres et peut être aussi d'autres tribus tels les Chasuari, les Hasi, les Tubanti et les Usipètes. Ces groupes, tout en maintenant leur identité, se regroupent parfois pour une opération offensive ou défensive. A cette occasion, ils se nomment Francs qui signifie "les braves", "les hardis" du vieux norois frekkr. Du même groupe, mais déjà transférés sur la rive gauche du Rhin par l'armée romaine nous trouvons les Tongres et les Ubiens.

A la différence des Goths, des Burgondes, des Lombards et autres barbares orientaux, les Francs, les Alamans et les Bavarois, n'ont pas gardé leur noms anciens, ni de mythe d'origine clairement définis, ni de traditions les reliant à des peuples vivant autrefois en Scandinavie méridionale. Mais comme les Goths, les Vandales, les Lombards et d'autres barbares orientaux, ils sont nombreux à servir comme mercenaires dans les unités auxiliaires romaines pour garder les frontières de l'Empire de l'embouchure du Rhin aux rives du Tigre. Et jusqu'au IIème siècle ils porteront dans cet emploi des noms romains. Mais tous ces groupes nationaux ne sont pas restés sous cette dénomination collective de Francs jusqu'au Vème siècle, ainsi les Bructères er les Chauques qui se retrouvent chez les Saxons.

Les contacts avec l'Empire romain

On cite, dès le règne d'Auguste, les Sicambres qui éliminent vingt centurions romains venus lever le tribut en - 16 et un peu plus tard, les Usipètes alliés aux Sicambres et aux Tunctères traversent le Rhin. Le légat Marcus Lollius Paulinus tente de leur barrer le chemin et envoie ses escadrons de cavalerie dans ce but. Mais les coalisés tendent une embuscade qui voit périr ces cavaliers. La Legio V Alaudae est sévèrement battue et perd son aigle et le légat vaincu meurt au combat. Les barbares saccagent tout sur leur passage et retournent sur la rive gauche en triomphateurs. Auguste fait construire le fort de Vetera Castra face à l'embouchure de la Lippe. Tacite écrit que c'est à ce moment là que le Fossa Drusiana est creusé, ce canal qui relie le Rhin au lac Flovo, pour utiliser la marine, alors qu'on prévoit de conquérir la Germanie. Ainsi, Drusus, en - 12, peut riposter à une nouvelle traversée du fleuve par les Sicambres en les repoussant loin sur la rive gauche et, utilisant le nouveau canal, atteindre les îles de l'archipel des Frisons et battre les seuls Germains qui s'opposent aux légions, nous dit Strabon, les Bructères.

Après quatre campagnes en Germanie jusqu'à l'Elbe, toutes les tribus germaniques reconnaissent la souveraineté romaine et en dernier les Sicambres, entre - 9 et - 7. Pendant ce conflit les Chattes et les Sicambres sont en guerre, ce dont profitent les Romains. C'est à la suite de ces campagnes que quarante mille Sicambres sont transplantés sur la rive gauche du Rhin, dans la Gueldre (dans l'actuelle Belgique) et appelés depuis Gugernes selon Tacite. Les campagnes romaines en Germanie s'arrêtent en - 6.

Mais la venue de marchands italiens irrite les Germains et en l'an 2, les Chauques et les Chérusques se révoltent et Ahenobarbus doit utiliser les légions pour les arrêter. Tibère recommence les campagnes en Germanie jusqu'à l'Elbe et pour la première fois hiverne sur la rive droite. Les Bructères, les Canninefates, les Chauques et d'autres tribus germaines se soumettent. Un plan est mis au point pour pousser cette domination romaine jusqu'à la Bohème dans l'année 6 est mis au point, mais à peine est-il commencé qu'une grosse révolte atteint la Dalmatie et la Pannonie, depuis peu sous l'autorité romaine. Cette opération mobilise jusqu'à 15 légions des années 6 à 9.

Dès la fin du règne d'Auguste, après le massacre des trois légions de Varus, où des Bructères, des Chattes, des Chauques et des Sicambres ont participé, mais les Ampsivariens refusent d'y participer, toutes les garnisons romaines sur la rive droite du Rhin disparaissent et Rome se retire sur la rive gauche. Mais dans les deux provinces appelées Germanie, se trouvent pas moins de huit légions soit le tiers de l'armée romaine pour surveiller la frontière du Rhin. Les Germains ne craignent plus les légions romaines. A cette époque, les tribus germaniques de l'ouest doivent se nommer les Istévons, comme les tribus germaniques plus au nord, se nomment les Ingévons et enfin les Germains installés plus à l'intérieur du continent prennent le nom d'Herminons. Il est probable que ces Istévons se rencontrent près des sanctuaires, écoutent les mêmes oracles.

En 15, après les révoltes de légionnaires qui marquent le changement d'empereur, c'est Germanicus qui pénètre en territoire germain pour punir Aminius le vainqueur de Varus. Il est vainqueur des Chattes puis des Bructères et combat aussi les Tubantes et les Usipètes. Mais cette campagne se solde par la perte des chevaux et du matériel considérable. Germanicus remporte la victoire d'Idistaviso contre Arminius en 16, et c'est la fin des opérations sur la rive droite du Rhin pour la conquête de la Germanie libre.

Ensuite, malgré la révolte gauloise de Florus et Sacrovir en 21, qui dégarnit momentanément le front du Rhin, il n'y a pas de tentatives d'infiltration germaine sur la rive droite du Rhin. En 25, une cohorte de Sicambres intervient à propos dans la répression d'une révolte des Thraces contre l'autorité romaine. En 28, une révolte a lieu chez les Frisons, justifiée par la cupidité du primipile Olennius, chargé du commandement de la Frise. Alors que Drusus, constatant leur pauvreté leur a imposé des cuirs de boeufs pour les légions, le nouveau responsable exige que ce soient des peaux d'auroch qu'on ne trouve pas dans cette région. Et les Frisons doivent livrer leurs boeufs, puis leurs champs et pour finir, leurs femmes et enfants comme esclaves ! Les collecteurs d'impôts sont éliminés et le fort où Olennius s'est réfugié est assiégé. Les Romains envoient des troupes par "petits paquets" et ils doivent faire monter les légions pour remporter la bataille du bois de Baduhenne. 1300 Romains sont morts et les Frisons vivront tranquille jusqu'au IIIème siècle.

Sous le règne de Claude, en 41, les légions commandées par Sulpicius Galba sont victorieuses des Chattes, et de la même façon, Publius Gabinius Secundus défait les Chauques. Cet empereur renforce les défenses sur le Rhin et, vers 49, le fort de Hofheim est construit face aux Chattes. Mais la campagne décisive du règne de Claude est la conquête de la Britannia qui mobilise au moins trois légions prélevée sur les huit qui montent la garde sur le Rhin, ce qui montre qu'en 43, les Romains ont moins peur des Germains. Des cavaliers auxiliaires Bataves se distinguent contre les chariots de guerre bretons.

En 47, la Germanie s'agite à nouveau. Les Chauques sous la conduitre de Gannascus, font des raids de pirates avec des bateaux légers contre les côtes gauloises riches et peu défendues. Corbulon utilise les galères sur le Rhin, et de plus petits navires sur les canaux et les lacs et chasse Gannascus. Il réussit à l'éliminer grâce aux Chauques. Puis Claude retire les légions de la rive droite du Rhin. En 51, les Chattes font irruption sur la rive gauche, mais Pomponius les refoule. Une nouvelle ponction est effectuée sous Néron pendant la révolte de Boudicca en 61, deux mille légionnaires, huit cohortes alliées, et mille chevaux sont venus de Germanie, sans doute pour peu de temps.

Dans ces années 69 et 70, après la fin du règne de Néron, c'est l'année des quatre empereurs. En mai 68, des auxiliaires Bataves participent à la bataille de Vesontio dans l'armée de Lucius Verginius Rufus, le légat de Haute Germanie qui écrase Vindex et refuse d'être proclamé imperator. Néron s'étant supprimé, Galba, le gouverneur d'Hispanie est reconnu par le Sénat. Il remplace Rufus, fidèle à Néron par Hordeonius Flaccus et surtout il refuse de payer aux Prétoriens la belle prime qui leur a été promise. Les caisses sont vides après le règne de Néron. En janvier 69, les légions de Germanie qui attendent une récompense depuis la victoire de Vesontio refusent Galba pour empereur et choisissent Vitellius à la place. A Rome les prétoriens élisent Marcus Salvius Othon et Galba est éliminé. Les légionnaires de Germanie veulent se battre et du butin. Ils forment trois armées et ne laissent sur le front du Rhin que les vieux soldats et les auxiliaires ! L'une de ces armées, commandée par Fabius Valens, se heurte à huit cohortes de Bataves en une mêlée sanglante, à Langres.

D'autres auxiliaires Bataves participent à la 1ère bataille de Bedriacum en avril 69 qui voit les partisans de Vitellius battre ceux qui soutiennent Othon. Les auxiliaires Bataves retournent défendre le Rhin. Othon disparaît. Vespasien, alors en Judée est reconnu empereur par l'Orient. C'est à ce moment précis qu'éclate la longue révolte de Claudius Civilis, ce Batave qui sait profiter de l'opposition entre Vitellius et Vespasien et de la guerre civile. Il a mis en mouvement aussi bien des Gaulois, que des légionnaires romains et des Germains et parmi ces derniers on trouve : des Bataves d'ordinaire fidèles à l'Empire, des Bructères, des Canninefates, des Chattes, des Chauques, des Cugernes, des Frisons, des Mattiaques, des Tongres, des Ubiens, des Usipètes et le camp de Castra Vetera qui résiste longtemps. Lors de la bataille de Trèves en décembre 70, les Canninefates attaquent la flotte de la Britannia qui menace les côtes des Bataves et la capture ou la coule en grande partie. Des contacts entre Cérialis qui commande les légions et Civilis aboutissent à la paix et les Bataves vivront tranquilles, dispensés de tout tribut, jusqu'au IIIème siècle. Vespasien est vainqueur et devient empereur.

En 73 et 74, Vespasien envoie les légions sur la rive droite du Rhin, mais c'est pour relier Mongotiacum et Augusta Vindelicorum (Augsbourg) à travers la forêt Noire. C'est aussi pour sortir les légions de Germanie de leur rôle défensif. Et il fait reconstruire en pierre les camps sur le Rhin et le Danube. En 83, l'empereur Domitien méne en personne une campagne contre les Chattes, à l'improviste dit Frontin, mais tout de même avec 5 légions ! Le terrain des Chattes est couvert de forêts. L'empereur fait démonter les cavaliers et remporte la guerre. Le territoire des Chattes est annexé et la fortification des Champs Décumates possible.

En 83, Agricola est gouverneur de la Britannia, il mène une campagne contre les Calédoniens. Dans la bataille du Mons Graupius, il met les troupes auxiliaires en première ligne et ce sont quatre cohortes de Bataves et deux de Tongres qui enfoncent les adversaires pourtant placés au dessus. En 84, Domitien rappelle Agricola de Britannia pour renforcer la défense de Germanie. Une nouvelle légion est cantonnée à Bonna (actuellement Bonn), pouvant prêter main forte aux légions danubiennes. En 89, pendant que l'empereur Domitien fait la guerre aux Daces, le légat de Germanie inférieure, Lucius Antonius Saturninus est proclamé empereur avec le soutien de deux légions et ... des Chattes. L'empereur doit quitter la guerre qu'il gagne contre les Daces pour rétablir l'ordre sur le Rhin. Le fleuve dégèle et coupe la liaison entre Saturninus et ses alliés Germains. Le légat de Germanie supérieure est vainqueur des troupes révoltées, les Chattes sont vaincus. La répression est terrible dans l'armée du Rhin.

Entre 98 et 100, le nouvel empereur, Trajan, ancien légat de Germanie supérieure, reste sur le Rhin et repousse les Hermandures en traversant le fleuve. Il fortifie le limes Raeticus couvrant les Champs Décumates, commencé sous Domitien. Pendant cette période, des conflits sanglants entre les Angrivarii et les Chamaves opposés aux Bructères forcent ces derniers à quitter pays.

Après Trajan, l'époque est à la défense avec Hadrien. Et cet empereur renforce les défenses des Champs écumates et visite le territoire des Bataves en 122, il a du sûrement renforcer les défenses sur le Rhin. En 162, au début du règne de Marc Aurèle, une invasion des Chattes en Germanie supérieure et en Rétie provoque la réaction du prêteur Gaius Aufidius Victorinus avec ses deux légions. Mais en 163, trois légions aguerries du front du Rhin viennent renforcer les troupes pour une campagne contre les Parthes.

En 174, Didius Julianus, gouverneur de la Belgique, doit faire face à un raid le long des côtes de la mer du Nord, mené par les Chauques, dans la Belgique qu'il gouverne et qui ne dispose pas de troupes permanentes. Il doit improviser une défense dont le camp de Maldegem, près de Bruges, récemment fouillé est lié à cette opération. Ce sénateur est toujours en poste quand quatre ans plus tard, les Chauques attaquent de façon traditionnelle, sur la terre ferme !

"En 178, les Chauques s'avançant par la Chaussée de Cologne à Bavay, traversèrent la deuxième Germanie jusqu'au delà de Tongres, aux environs de Waremmes, pillant et brûlant tout sur leur passage. Ils allaient gagner la deuxième Belgique, et déjà les habitants de cette province enterraient fiévreusement leurs trésors, lorsque Didius Julianus qui la gouvernait à cette époque, rassemblant en toute hâte une armée, se jeta au-devant des barbares et parvint à les refouler."

Sous les Antonins, le nombre de légions prévues pour la défense du Rhin est de quatre. Bien sûr, les défenses fixes sont renforcées surtout depuis l'empereur Hadrien, mais cela montre que les Romains considèrent que les risques sont plus grands sur le Danube. 

Vers 212, l'empereur Caracalla monte une expédition contre les Chattes, mais il est surtout mobilisé par la défense des Champs Déculmates. Mais Caracalla est mobilisé pat l'Orient et le conflit avec la Perse. Il y meurt assassiné et apès les intermèdes Macrin et Heliogabale, il faut attendre l'empereur Sévère Alexandre pour voir les Germains s'agiter et il s'agit des Alamans, mais l'empereur et l'armée romaine se trouvant sur la frontière perse, les Germains franchissent le Rhin. L'empereur revient en Occident mais là, il se met à négocier avec les Germains alors qu'il est à Mongotiacum. Les légionnaires outrès, l'éliminent et proclame Maximin empereur en 235.

Carte des peuples Francs au IIIème siècle (origine wikipedia) 

A partir d'un moment difficile à préciser, ces peuples ne s'appellent plus sous le nom d'Istévons, mais sous celui de Francs, c'est probablement vers la fin du IIème siècle. Les Romains le connaissent avec retard et la première mention des Francs par les Romains date de la première année du règne de Gordien III soit 238. Et ils vont revenir souvent. En 241 Lucius Domitius Aurelianus, tribun de la VIIème légion Gallicana est à Mongotiacum (Mayence). Les Francs se sont répandus dans toute la Gaule en raison de la crise au sommet de l'état, les Gordiens, l'empereur a 16 ans. Aurelien, avec sa légion croise un groupe de Francs et les vainc, faisant trois cents prisonniers et sept cents tués chez les Francs. Ce sont des Chattes, les plus proches voisins de Mongotiacum. Aurelien doit avoir vaincu d'autres groupes de Francs puisqu'il reçoit le titre de Pacificateur de la Gaule par l'empereur Valerien.

Ces percées réussies des Francs profitent des luttes entre empereurs et usurpateurs mais surtout des menaces qui pèsent sur d'autres frontières de l'Empire. Les Alamans ont ouvert le bal en 214 et sont arrêtés par l'empereur Caracalla sur les bords du Rhin. Les Alamans récidivent sous l'empereur Alexandre Sévère en 234, ce qui le force à revenir de sa campagne contre les Perses. Cet empereur est éliminé probablement par des hommes du Goth Maximus qui devient empereur et lutte contre les Alamans et remporte quelques succès. Mais il est rapidement éliminé. L'Empire se cherche un empereur quand les Francs apparaissent à Mongotiacum en 241.

Et cela continue d'aller mal, pour l'Empire, les usurpations se succèdent qui gênent les empereurs quand les incursions se multiplient, ainsi sous le règne de Philippe l'Arabe, l'Alsace est pillée par les Alains vers 246 ou 247 et les Chauques, bons marins écument les côtes de la Gaule. On appelle cette période l'anarchie militaire. En 251, l'empereur Decius meurt dans une bataille contre les Goths en Illyrie, son successeur Valérien est prisonnier des Perses. Alors les Francs et les Alamans traversent le Rhin et profitant d'une faible couverture par les légions, pillent la Gaule et traversent les Pyrénées du côté de la Méditerranée. Et selon Aurelius Victor, ils réussissent à passer en Maurétanie en utilisant des bateaux "empruntés" dans les ports ibériques et retournent avec leur butin d'où ils viennent. L'empereur Gallien doit combattre les Francs et les Alamans en 254, 255 et 256. Les Saxons commencent leurs attaques des côtes de la Gaule du Nord.


Les premiers Francs installés dans l'Empire romain

Cette impuissance de Rome à protéger la Gaule explique que les populations gauloises veulent se protéger par eux même et donc la formation d'un Empire gaulois par Postumus le duc du limes d'outre Rhin qui s'installe à Colonia Claudia Ara Agrippinensium (Cologne). Postumus purge la Gaules des bandes franques et alamanes, repousse les incursions saxones sur les côtes de la Gaule et reprend les postes sur la frontière dont les Barbares se sont saisis, relève les ouvrages de défenses sur la rive droite du Rhin et enrôle de nombreux Francs dans ses armées. Il tient tête à Gallien qui le menace mais il est assassiné en 267. Les premiers francs installés comme lètes au sud du Rhin le sont en 270.

Les Francs repartent à l'attaque, brûlent à nouveau les ouvrages de défenses romains. L'Empire gaulois a des titulaires peu efficaces. En moins de deux ans, ils sont trois à se succéder. Enfin Tetricus est choisi et c'est le dernier empereur gaulois, parce que Rome se redresse sous l'empereur Glaive-au-Poing, surnom que lui donne ses soldats, c'est Aurelien qui a rétabli l'autorité de Rome en Orient et sur tous les points où elle est menacée. En 273, cet empereur entre en Gaule et Tetricus se rend après un combat symbolique aux Champs Catalauniques.

Mais les Francs ne se contentent pas de franchir le Rhin pour attaquer l'Empire, ils viennent aussi, en pirates, piller les côtes gauloises. Déjà les Chauques de Scandinavie méridionale sont venus en 172, faire des incursions sur les côtes de la Gaule.

Aurélien termine la pacification de la Gaule et refoule les Francs qui l'ont envahie, selon Aurelius Victor. Il célèbre ensuite à Rome un triomphe dans lequel les Francs participent au milieu des prisonniers de vingt nations. Et pendant son règne, Les Barbares sont tenus en respect. Mais en janvier 275, alors qu'il part en campagne contre les Perses; il est éliminé par les siens. Et les Barbares en profitent d'autant plus que son successeur Tacite choisit de repousser les Goths menaçants en Orient et laisse la Gaule envahie :

Il faut attendre 277, que le nouvel empereur, Probus, après avoir vaincu les Goths sur le Danube, vienne tenir tête aux Francs et aux Alamans. Il les vainc ainsi que les Longions et comme ce sont des peuples en marche, il leur prend en même temps leurs troupeaux et leur butin. Il a selon l'Histoire Auguste, éliminé quatre cent mille Barbares sur le sol de la Gaule, enrôlé seize mille dans son armée et soumis neuf fois. Il refoule les rescapés, au delà du Rhin et du Neckar, reprend les villes dévastées et va battre les Francs jusqu'au fond de leurs marécages. Il rétablit la ligne du Rhin et relève les avant-postes romains sur la rive droite du fleuve. Cette guerre a quelque chose d'atroce, c'est une véritable chasse à l'homme. L'empereur paie un sou d'or la tête de chaque ennemi !

Mais les Barbares cèdent et neuf de leurs rois viennent demander la paix. Probus exige des otages, puis du blé et du bétail pour nourrir son armée. Il désarme les ennemis et pour les captifs, il en enrôle une partie et le reste est installé pour être colons dans les provinces dépeuplées écrit Vobiscus. Ainsi des Francs sont établis à l'intérieur de l'Empire. Parmi ces Francs que Probus "distribue" dans les diverses provinces, un groupe s'est vu assigner des terres voisines du Pont-Euxin (actuellement la mer Noire). Ces déracinés regrettent leur terre natale et la liberté. Ils réussissent à voler des vaisseaux, pillent les côtes de la Grèce et de l'Asie romaine et longent les côtes de Lybie qu'ils ravagent, vont affoler Carthage, passent les Colonnes d'Hercule et par l'Océan, font un retour triomphal dans les bouches du Rhin ! nous dit Zozime.

En 280, le commandant de la flotte du Rhin, un Franc nommé Bonosus, la laisse brûler par les Germains et pense échapper à la punition en se proclamant empereur à Colonia Claudia Ara Agrippinensium mais Probus le bat rapidement et l'élimine. Les usurpations reprennent après la mort de Probus et les Perses mobilisent les légions. Et voici le temps des Tétrarchies avec un empereur et un Cesar uniquement pour l'Occident. C'est Maximien qui hérite de cette moitié d'empire et malgré les Bagaudes en Gaule qui le mobilisent depuis 293, il doit s'occuper des Francs qui sont alliés avec Carausius, le gouverneur de Bretagne qui s'est fait proclamer Empereur de la Mer.

Les Francs sous la direction du roi des Francs sur les rives de l'Océan, Genobaud, traversent le Rhin et occupent l'île de Batavie et le pays de l'Escaut, terres d'Empire presque vides de Romains, en 288. Maximien attaque l'embouchure du Rhin, dévaste le pays et soumet les Francs en deux campagnes. Le roi Genobaud fait allégeance à l'empereur et obtient un foedus (traité) selon lequel les Francs peuvent rester dans les régions qu'ils occupent sous domination romaine et doivent fournir des contingents militaires pour Rome. Genobaud est probablement un Chamave ou un Chauque et c'est le premier roi franc mentionné par l'histoire, établi légalement sur la rive gauche du Rhin. Maximien est aussi vainqueur des Alamans et des Burgondes qui se sont installés dans les Vosges. Les Francs libèrent leurs prisonniers romains. Carausius est vaincu par Constance Chlore, le Cesar de Maximien en 293. Les Francs chassent les Bataves de la rive droite du Rhin vers vers 300.

Pendant la campagne de Constance Chlore contre les Pictes, deux rois francs, Ascaris et Ragais, profitent de la faible couverture du limes pour envahir la Gaule. Après la mort de Constance Chlore en Britannia en fin d'année 306, c'est son fils Constantin qui est acclamé par ses soldats. Il vient s'installer à Trèves pour défendre le "front du Rhin". Et Constantin recherche ces deux rois francs en Batavie, les capture en compagnie de nombreux Francs, les ramène enchaînés à Trèves et les livrent aux bêtes féroces dans l'amphithéâtre nous dit Eutrope. Cette nouvelle connue dans le pays franc, rallume la révolte chez les Bructères, les Chamaves, les Chérusques et les Tubantes. Tandis que les Alamans entrent en guerre plus en amont sur le Rhin. Mais Constantin fonce sur la rive droite du Rhin et avant que les Francs ne soient en guerre, ils sont dispersées par les légions qui brûlent leurs villages et massacrent aussi bien les hommes que les bêtes. Quand Constantin retraverse le fleuve, il ramène une multitude de captifs destinés à devenir colons, ou esclaves ou à finir avec les bêtes féroces. Mais Constantin enrôle beaucoup de Germains dans son armée selon Zosime. Il sécurise le Rhin avant de combattre Maxence à Rome et comme son armée comprend beaucoup de soldats gaulois ! Les défenses sont relevées jusqu'à l'embouchure du fleuve, un pont permanent est jeté sur le Rhin à Colonia Claudia Ara Agrippinensium et un fort (Castellum Divitia) est construit sur la rive droite pour le garder. Rome semble vouloir reprendre possession de cette rive !

Mais quand Constantin est débarrassé de son rival Maxence à la bataille du Pont Milvius, il revient vite sur le Rhin et trouve les Francs en pleine agitation, pressés de venger les récentes défaites. Les troupes des Francs sont massées sur la rive droite, Constantin imagine une ruse. Il se déguise en simple légionnaire et avec deux autres compagnons, se glisse près de leur armée et leur fait croire que l'empereur vient d'être appelé pour combattre les Alamans. Les Francs passent alors le Rhin et sont taillés en pièce dans une embuscade dressée par Constantin. Les flatteurs pensent que c'est fini pour les Francs mais Constantin devant quitter l'Occident, laisse son fils Crispus surveiller le Rhin, en 317. Une campagne victorieuse est citée par Eutrope pour Crispus contre les Francs, en 320 et deux autres en 318 et 323 concernent peut être les Alamans. Mais Crispus est appelé par son père pour commander la flotte dans la lutte contre Licinius en 324. Cette guerre dégarnit beaucoup les frontières et donc celle du Rhin. Pourtant aucun franchissement du fleuve n'est mentionné dans les chroniques jusqu'en 340.

Et cette époque voit les fils de Constantin se faire la guerre. Crispus a disparu en 326, remplacé par Constantin II qui est responsable de l'empire d'Occident. Mais le plus jeune Constant est responsable de l'Italie et Constant dirige les provinces d'Italie et d'Afrique ainsi que la Pannonie. Les deux frères ne s'entendent pas et Constantin II profite que son jeune frère est occupé sur le Danube pour envahir l'Italie. La province reste fidèle à Constant et celui ci revient en Italie et bat Constantin II, qui meurt au combat à Aquilée. Les Francs sont de nouveau en guerre entre 341 et 345. L'empereur Constant s'installe à Mediolanum (Milan) et en 341 et 342, il combat les Francs sur le bas Rhin. Les compte-rendus et Saint Jérôme laissent penser que les Francs ont remportés quelques succès. Et les Francs continuent de monter dans la hiérarchie militaire romaine. Ainsi, Bonitus, engagé comme tribun, à la tête d'une unité d'auxiliaires Francs, rend de vrais services à Constantin contre Licinius en 324, Ammien Marcellin.


Des Francs autonomes à l'intérieur de l'Empire

On peut dater du règne de Constant les premières installations de Francs en Gaule sous le régime de foederati. Pendant cinquante ans, ces Francs, installés dans l'Empire ne vont pas beaucoup faire parler d'eux. Mais déjà on sent dans les affrontements entre ces Francs de l'intérieur, romanisés et ceux qui, restés sur la rive gauche du Rhin, veulent rentrer dans le monde romain que c'est cette lutte entre ces deux parties du peuple Franc qui déterminera les futurs maîtres de la Gaule.

Avec l'usurpation de Magnence beaucoup de troupes sont prélevées sur le "front du Rhin" dès 350 et l'empereur Constant qui s'est enfui dans le Roussillon est contraint au suicide par l'officier franc (de l'armée romaine) Gaïso en début d'année 351. Le territoire à l'intérieur de l'Empire qui leur est attribué par l'Empire en 358 est la Toxandrie écrit Ammien Marcellin, en nous précisant qu'ils y sont déjà depuis quelque temps. En effet des Francs ont été installés là depuis l'usurpation de Carausius. La Toxandrie correspond à la région au Nord du Brabant et de la Hesbaye, dans l'actuelle Belgique septentrionale. Cette terre composée de landes stériles vers l'est et de forêts marécageuses vers l'ouest n'a pas été exploitée par les Romains.

Mais les villes de Tongres et de Tournai restent administrées par l'Empire, de même les chaussées stratégiques qui permettent de communiquer avec la Gaule ou Cologne. Tous ces Francs, installés en Belgique du nord sont venus de l'île des Bataves. Selon Zosime, c'est pour échapper à la pression des Saxons que les Francs se sont établis en Batavie. Il y a donc deux colonies franques, la première date de 287, cantonnée d'abord dans le bas Escaut puis répandue dans les deux Flandres, et l'autre de 341, installée dans le Brabant septentrional puis dans la Campine actuelle, établies sur la rive gauche du Rhin et ensuite autorisées par l'Empire à y rester. Ces deux colonies se sont fondues ensemble, probablement en 341.

Magnence dispose de troupes dont l'essentiel est composé de Francs et de Saxons. Mais Constance obtient à prix d'or l'alliance des Francs du Rhin et c'est avec leur soutien qu'il vient à bout de l'usurpateur. C'est le Franc Sylvanus qui, avec son escadron de cavalerie, change de camp, rejoint l'armée de Constance et décide du sort de la bataille de Mursa en 351.


L'usurpation du Franc Sylvanus

Sylvanus est le fils de Bonitus et l'empereur l'envoie en Gaule pour y tenir les Francs en respect. Il remplit très honorablement cette mission à Cologne, mais il est victime d'une machination visant à le présenter comme un futur usurpateur. Seuls les officiers francs, assez nombreux à la cour, ont le courage de protester contre l'imposture. L'un d'eux, Malaric se pose en garant de la loyauté de sylvanus, et propose d'aller le chercher et de le ramener à la Cour en laissant sa famille en otage et fournir comme répondant, Mellobaud, le tribun des armatures.

Mais ces officiers francs se débattent en vain au milieu de ces intrigues et on envoie Apodemius, un agent provocateur à Sylvanus. tandis que les calomniateurs de la Cour tentent de perdre Malaric qui réagit en rassemblant les Francs, leur dévoile les intrigues qui les menacent et leur montre que la cause de Sylvanus est leur cause commune. Tant et si bien que l'empereur, inquiet, se décide à ouvrir une enquête, mais les coupables ne sont pas punis.

Inquiet et indigné, Sylvanus se sent perdu. Tenté de se joindre aux Francs d'outre-Rhin, un ami le dissuade en lui rappelant qu'il leur a fait trop de mal pour compter sur eux. Alors, faute de mieux, il se fait proclamer empereur. Constance envoie un vieux général nommé Ursicinus avec une escorte. Quand il arrive à Cologne, Ursicinus voit une abondance de soldats se préparant à résister à l'assaut des troupes impériales. Il gagne la confiance de Sylvanus et discrètement il détourne ses officiers et un dimanche matin, une bande de rebelles attaque et élimine sa garde du corps. Sylvanus qui est un des premiers Francs chrétiens, se rend à la messe, il se réfugie dans la chapelle où il est abattu. C'est ce que nous rapporte Ammien Marcellin qui participe à l'escorte d'Ursicinus.

Les Francs d'outre-Rhin se précipitent dès que Sylvanus disparaît. Cologne résiste derière ses murailles mais sans doute avec la complicité de fidèles de Sylvanus voulant le venger, la citadelle tombe et les assaillants brûlent et massacrent tout. Le pont édifié sous Constantin devient la voie par où les Francs passent en masses compactes, tandis que les Alamans forcent le fleuve en amont. La Gaule est envahie sur une large portion de la frontière, quarante cinq cités et un nombre important de citadelles et de fortins sont détruits. Les Lètes, cantonnés dans la Gaule se réveillent et participent aux pillages.

Alors l'empereur fait appel à Julien. et en 356 participe comme Cesar à l'opération de nettoyage de l'Alsace prévue et commandée par Constance. Il se montre à la hauteur et devient responsable des opérations militaires dans son secteur. Et en 357, après sa victoire d'Argentoratum contre les Alamans, il traverse le Rhin pour délivrer les prisonniers romains. Mais les Francs profitent du fait que Julien est occupé par les Alamans pour ravager la Gaule Belgique.

Le Cesar est informé par Sévère, le maître de cavalerie et au lieu d'emmener ses troupes hiverner, il se met en chasse des pillards qui se réfugient dans deux forts des bords de la Meuse à demi ruinés. Et en décembre 357 et janvier 358, ils résistent au siège que leur font les Romains. Julien fait patrouiller les bâteaux sur le Rhin gelé pour casser la glace et éviter qu'ils ne s'échappent. Enfin, épuisés de faim et de fatigue, ces Francs se rendent à Julien qui les envoie à l'empereur. Julien tient à ce que le Rhin redevienne la voie de communication qui achemine le blé depuis la Britannia vers les localités qui sont sur les rives du Rhin et de ses affluents et ainsi ravitailler les garnisons de Belgique et de Germanie.

En 358, Julien fait reconstruire sept forts sur le Rhin et selon Zosime, ravitaille la Rhénanie avec la petite flotte qu'il fait construire pour transporter du blé depuis la Britannia. Les Francs installés en Toxandrie bloquent la circulation sur le Rhin et forcent Julien à venir. Il les surprend, les oblige à la paix et prend le Franc Charietto à son service. Les Chamaves viennent s'établir à côté des Francs ce que Julien ne peut accepter. Mais, prévenus par la "démonstration" de Julien, les Chamaves sont sur leur garde et opposent une vigoureuse résistance. Julien utilise ce colosse de Charietto qui menant des Francs Saliens dans des attaques nocturnes contre les Chamaves, en rapporte beaucoup de têtes d'ennemis. Après avoir pris ou éliminé beaucoup de ces Chamaves, Julien voit leurs députés lui demander la paix à genoux. Julien les traite bien, rend à leur roi Nebigast, son fils qu'il croyait mort. Mais il reste ferme sur l'évacuation du sol de la Gaule et leur fait repasser le Rhin.

Mais Constance qui doit répondre aux attaques des Perses et qui souhaite enlever à Julien ses meilleures troupes en cas d'usurpation, donne l'ordre de transfert vers l'Orient et aussitôt c'est la révolte que ce soit chez les Gaulois ou les Germains, il n'est pas question de laisser leurs familles sans défense pour aller rôtir en Orient et Julien est bientôt, un usurpateur malgré lui. Puis, pendant l'été 360, Julien franchit le Rhin à Tricensima (aujourd'hui Xanten en Allemagne), ravage le pays des Francs Atthuarios et en tue beaucoup selon Ammien. Mais la situation politique oblige Julien à prendre des précautions, ainsi il hiverne à Colonia Julia Vienna (actuellement Vienne) pour surveiller la route d'où pourrait venir les troupes impériales.

Constance joue Vadomar, un chef Alaman pour "retenir" Julien. Le César réussit à s'en débarrasser, à signer la paix avec les Alamans et à faire de nombreux prisonniers dont une partie grossira ses troupes. Pour le moment, à la moitié de l'année 361, cette usurpation maintient un dispositif conséquent pour défendre le "front du Rhin". En quatre ans, Julien a réussi à pacifier la Gaule, à tenir en respect la Germanie et à rattacher la Britannia à l'Empire. La sécurisation de la frontière est complète.

Mais en juillet 361, Julien part vers l'Orient avec environ vingt-cinq mille soldats. Et le "front du Rhin" n'est pas dégarni. Et il n'y a plus guère de traces d'incursions franques dans le récit d'Ammien Marcellin qui suit l'empereur Julien en Orient et dont il ne reviendra pas. Valentinien, le nouvel empereur, arrive à Trèves en été 365, il se hâte de fortifier les villes du Rhin écrit Ammien Marcellin. Mais c'est du côté des Alamans que les attaques viennent d'abord. Ils profitent du Rhin gelé dans l'hiver 365-366 et traversent le fleuve, l'Alsace est envahie et Charietto, qui est devenu comte des deux Germanies, meurt au combat. Après les Alamans, ce sont les Francs qui reviennent à l'attaque ainsi que les Saxons.

L'empereur Gratien poursuit la même politique vis à vis des officiers barbares ainsi, à la bataille d'Argentaria remportée en 378, par Les Romains contre les Alamans, il y a dans l'armée romaine victorieuse, un roi Franc, Mellobaud ou Mallobaude, avec le titre de comte des domestiques. Mellobaud combat contre Macrianus le roi des Bucinobantes, une tribu alémanique qui attaque les terres franques et Macrianus meurt en 374, dans une embuscade tendue par Mellobaud écrit Ammien Marcellin.

L'usurpateur Maxime venant de Britannia, doit battre une troupes de Francs fédérés commandés par Himbaldus, lorsque, proclamé Auguste par ses troupes, il débarque en Gaule pour combattre Gratien en 383. Ensuite il semble très tranquille vis à vis des Francs quand il entame sa campagne réussie contre l'empereur Gratien, dans cette aventure. Cette assurance se confirme quand il attaque Valentinien II en 387, il n'y a d'ailleurs aucune action sur le front du Rhin. Mais quand Maxime doit faire face à la riposte de Théodose, il engage ses meilleures troupes et dégarnit cette frontière en 388. 

Voyant le limes du Rhin faiblement défendu, trois rois Francs : Gennobaud, Marcomir et Sunno, selon Sulpice Alexandre, venant du Nord de Cologne, franchissent le fleuve et envahissent la deuxième Germanie, probablement encouragés par Théodose. Marcomir est peut être le roi des Ampsivariens et les deux autres, ceux d'une tribu voisine. Ces trois chefs avancent alliés, formant une confédération provisoire dont les Francs ont l'habitude, évitent de s'attarder sur Cologne et vont dévaster la Belgique.

Maxime a confié la défense de la frontière aux généraux Quintinus et Nanennus. Ceux ci rassemblent une armée à Trèves et viennent à Cologne pour bloquer les pillards. Mais les Francs ont déjà passé le fleuve et les Romains se lancent à leur poursuite. Ils en rencontrent un certain nombre laissés pour le pillage, au début de la forêt Charbonnière et en éliminent beaucoup selon Sulpice Alexandre. Puis les deux généraux débattent de la nécessité de poursuivre ces Francs chez eux, le second jugeant les chemins trop difficiles et les ennemis sur leur garde, refuse de continuer, mais Quintinus et les autres chefs, traversent le Rhin à proximité du château de Ness.

Après une journée de marche sur la rive gauche du Rhin, ils arrivent dans de grandes bourgades abandonnées qu'ils brûlent et passent la nuit sous les armes. Les Francs, parfaitement renseignés sur la position des Romains, montent une embuscade à une demi-journée de marche en sentiers boisés. Le lendemain matin, Quintinus conduit sa troupe vers le lieu de retraite des Francs et vers midi bute sur des obstacles formés d'arbres abattus derrière lesquels les ennemis sont postés.

Les légionnaires sont accueillis par une pluie de flèches empoisonnées et reculent en désordre sur le sol marécageux. Les Francs se précipitent sur eux de tous côtés et cernent les Romains, cavaliers et fantassins mêlés, s'écrasant les uns les autres tout en étant arrosés de flèches ! Rapidement les légionnaires se débandent et seul un petit nombre parvient à se sauver, le reste des combattants et la plupart des officiers restent anéantis.

Pendant ce temps là, Théodose est vainqueur de Maxime et dans ses bagages, il a emmené le maître de la milice, Arbogast, d'origine franque, un autre général franc Richomer et le jeune empereur Valentinien II qui a fui à Constantinople. Le comte Arbogast est chargé de maintenir l'ordre sur le Rhin. Vis à vis des autres Francs, Arbogast ressent des haines familiales en particulier contre Marcomir et Sunno. Et Arbogast a les moyens de se venger, il franchit le Rhin en 389 et mène une campagne sans retenue contre les rois francs qui ont ravagé la Belgique Seconde en 388. Il ne consent à faire la paix avec les Francs qu'à deux conditions :

Ils doivent restituer le butin et doivent livrer les fauteurs de guerre!

Les Francs livrent des otages et les négociations se terminent par un banquet écrit Paulin de Milan. Après sa victoire, Arbogast passe l'hiver à Trèves, histoire de surveiller les Francs. Mais probablement, il est sans inquiétude car il élimine le jeune empereur en 392 et le remplace par son ami, le rétheur Eugène. Alors les Francs se sentent dégagés des obligations du traité signé au nom de l'empereur défunt. Si bien qu'au moment où il doit se préparer à repousser l'armée de Théodose, les Francs de la rive gauche du Rhin prennent les armes et en hiver 393, Arbogast, par Cologne, traverse le Rhin. En cette période, les arbres sont dénudés et les embuscades improbables. Il ravage en premier le territoire des Bructères, puis celui des Chamaves, et ne rencontre pas de résistance. Arbogast rentre après avoir vengé l'échec de Quintinus en ayant montré son empereur Eugène sur les bords du Rhin. Une partie de ces Francs sont recrutés par Arbogast.

Après la mort de Théodose, la défense de l'Occident repose sur les épaules de Stilichon qui en 396, longe le Rhin à cheval et sans escorte et voit selon Claudien, tous les chefs barbares baisser la tête devant le général romain. En réalité, c'est sa diplomatie et l'or romain qui obtiennent le remplacement de chefs germains hostiles à Rome par d'autres favorables à l'alliance avec l'Empire. Néanmoins, il faut une grande habileté pour obtenir la livraison par les Francs de leur roi Marcomir qui termine sa carrière en Etrurie. Pour Sunno, il est éliminé par les siens quand il veut venger Marcomir sur les "traîtres" qui l'ont livré. 


La traversée du Rhin en 406

Mais la situation sur le front du Rhin va une fois de plus dépendre d'un autre front de l'Empire. Les attaques répétées des Ostrogoths conduits par Alaric sur l'Italie du Nord ont amené Stilichon à dégarnir la Britannia et les Germanies et à enrôler des esclaves ! Aussi, quand le 31 décembre 406, une coalition de Barbares se presse pour franchir le Rhin gelé, il n'y a pas beaucoup de troupes pour les arrêter. C'est tellement évident que le duc de Mayence réquisitionne tout ce qu'il peut trouver, des colons militaires francs de la région de Trèves (environ trois mille) et une bande d'Alains sous le commandement de leur chef Goar.

Une armée vandale conduite par leur roi Godegisèle "tombe" sur les trois mille Francs qui se battent avec énergie et ont le temps d'éliminer vingt mille de leurs guerriers et leur roi avant qu'ils ne soient submergés par la cavalerie lourde des Alains, envoyée par leur roi Respendial. Une première colonne se répand alors dans la première Germanie selon Orose. Une autre colonne traverse le fleuve en amont, vers Cologne et se dirige vers l'Ouest à travers la seconde Germanie et la seconde Belgique. Sur son passage, il ne reste pas une cité debout jusqu'à Gesoriacum (Boulogne), ainsi Reims, Amiens, Arras, Thérouanne et Tournai sont détruites écrit Saint Jérôme. Il y a aussi parmi les envahisseurs des Burgondes, des Gépides, des Hérules, des Quades, des Suèves et ... des Francs. Ce ne sont pas moins de quatre cent mille personnes dont cent mille guerriers qui franchissent le Rhin cette nuit là, le contrecoup de la poussée des Huns.

Rapidement, Constantin III, un usurpateur venu de la Britannia, combat les envahisseurs, les repousse vers le sud de la Gaule et vient s'installer à Augusta Treverorum (Trèves). Il rallie les garnisons romaines et les auxiliaires barbares, renouvelle les traités avec les Francs et choisit parmi eux deux grands chefs de son armée, Nebiogast et Edobinc selon Zosime. Stilichon ne peut intervenir efficacement en Gaule, il est éliminé par l'empereur Honorius. Constantin III est battu par le Patrice Constance et éliminé en 411. Mais la situation sur le front du Rhin est telle qu'elle suscite une nouvelle usurpation, celle d'un Gaulois nommé Jovin qui est proclamé à Mayence, fait aussi appel aux Francs, mais disparaît en 413.

Alors les Francs jugeant qu'il n'y a plus d'autorité romaine dans le Nord de la Gaule, investissent Trèves en 413, ce sont les Francs ripuaires mais pour l'instant il s'agit de la même communauté et probablement la même famille royale. Le comte Castinus en charge des dernières troupes romaines dans cette partie de la Gaule décide de le leur reprendre et sans doute il réussit car Trèves est prise quatre fois dans ces années là. En outre dans le texte de Frédégaire on peut lire que Théodemir, un roi Salien, père de Chlodion, est fait prisonnier par le comte Castinus dans une expédition contre les Francs au début du Vème siècle. Mais les Francs maintenant ne sont plus séparés par le front du Rhin. Les deux groupes de Francs Saliens se rejoignent sur la rive gauche du fleuve. Et maintenant ils peuvent faire appel aux puissantes réserves outre Rhin.

En Gaule, un nouveau général essaie de faire respecter l'autorité romaine défaillante, il s'agit d'Aetius. En 428, il fait campagne contre les Francs Ripuaires et leur reprend des terres proches du Rhin. Mais c'est au tour de Clodion de prévoir une campagne vers ces terres riches de la Gaule et on peut imaginer l'allégresse de ses guerriers, les boucliers entrechoqués à l'assemblée où selon la coutume, le roi vient proposer une expédition en terre romaine. Mais ce n'est pas le butin que cherche Clodion, mais s'installer sur des terres plus fertiles. La cible visée est la cité de Tournai. Et de là, la cible suivante est Cambrai, des espions ont exploré le site et Clodion est bien renseigné.

Mais cette arrivée des Francs n'est pas une surprise et des Romains tentent de résister avant Cambrai. Les Francs éliminent cet obstacle et rentrent dans la cité. Dans Tournai et Cambrai, la population ne semble pas avoir trop souffert sinon du pillage. Et les Francs continuent leur avance vers l'Ouest. Ils traversent l'Artois sans rencontrer de résistance, Arras doit leur ouvrir ses portes. Ils pénètrent dans la vallée de la Canche et s'approchent de la mer quand ils rencontrent le magister militum pour les Gaules, Aetius. Les Francs confiants, se sont éparpillés et un de leurs groupes installé près du vicus Helenae (Vieil-Hesdin, Pas de Calais, France) célèbre dans une bruyante gaité le mariage d'un chef. Au milieu des chariots groupés en cercle, les plats circulent de main en main, des flots de cervoise sont également consommés. 

Les légionnaires d'Aetius tombent à l'improviste sur ces agapes et remportent une facile victoire, les Francs ne résistent pas longtemps et fuient. Chlodion n'est pas dans ce groupe selon le panégyriste romain qui a décrit cette échauffourée. Mais Aetius a d'autres préoccupations notamment en Gaule centrale et il préfère traiter avec les Francs qui restent maîtres d'une grande part de leurs récentes conquêtes à condition de rester fidèles alliés de Rome et continuer de lui fournir des soldats. Ce pacte est à partir de ce moment que l'on situe en 431, tout à fait respecté par les Francs Saliens et quand Rome aura le plus besoin des Francs, le fils de Chlodion, Mérovée viendra avec ses guerriers rejoindre Aetius pour faire lâcher prise Attila devant Orléans et le vaincre à la bataille des Champs Catalauniques.

Et les Francs peuvent se répandre dans ce vaste domaine qu'ils viennent d'ajouter à leur royaume, selon Grégoire de Tours, il allait jusqu'à la Somme. Le règne de Clodion termine la période des migrations, chaque famille a son propre domaine, son lot de terre. Le peuple devient sédentaire. Les Francs sont les seuls occupants dans la partie septentrionale de ce nouveau royaume. Au sud, les Romains sont en majorité. Les Francs évitent de vivre à l'intérieur des enceintes des cités qu'ils considèrent comme des tombeaux et s'installent à la campagne, dans les domaines enlevés aux grands propriétaires et au fisc, les exploitent et y vivent en paysans laborieux qui ont peu de besoins.

Les Romains gardent leur liberté et, dans une certaine mesure, leurs terres, mais sont exclus de l'armée et des fonctions publiques. En revanche, les Barbares établis dans leurs terres sont associés à leur triomphe ainsi les Saxons que Carausius a établis le long de la mer du Nord pour garder la côte de Gesoriacum (Boulogne) restent en possession de leurs villages et de leurs biens.

Il n'y a pas d'autres informations sur le règne de Clodion et peu sur celui de son successeur Mérovée cité par Grégoire de Tours. On peut estimer que le règne de Clodion se termine à sa mort vers 447-448. Nous savons que ce roi suit les recommandations d'Aetius quand il cherche des renforts pour arrêter Attila. Les Francs ont l'excellente raison de vouloir défendre leur nouveau royaume. Aetius doit avoir plus de difficultés avec les Wisigoths qui dans un premier temps préférent attendre l'envahisseur chez eux. Pour des raisons opposées les Francs restés en Germanie, ne profitant pas des bienfaits de l'agriculture gallo-romaine, pensent davantage au butin en cette période. C'est pourquoi Mérovée et les Francs Saliens ainsi que les Francs Ripuaires sont du côté des Romains à la bataille des Champs Catalauniques, tandis que les Francs du Neckar seront intégrés dans la coalition menée par Attila.

Les Francs Saliens, conduits par leur roi Mérovée, sont les premiers à se battre durant cette bataille. La nuit précédant le choc terrible, ils se heurtent aux Gépides, menés par leur roi Ardaric, qui forment l'arrière-garde d'Attila. Dans les ténébres, une lutte furieuse éclate entre ces deux peuples. Cette rencontre coûte aux Francs quinze mille soldats écrit Jordannes. Et quand, après la bataille, Aetius suit l'armée d'Attila qui rebrousse chemin jusqu'aux confins de la Thuringe, les Francs et Mérovée sont encore avec le magister militum, écrit Frédégaire.

Mais en 454, Aetius est assassiné par l'empereur Valentinien III et c'est la fin de l'Empire au moins pour la Gaule. Les Barbares "semblables à des loups affamés qui flairent l'odeur des grasses étables" dit Sidoine Appolinaire, se ruent sur les provinces occidentales. Les Francs du Neckar (les Chattes) se précipitent sur la première Germanie et les Francs Saliens reprennent leur courses victorieuses dans la deuxième Belgique. Mérovée avant de mourir en 457 a progressé vers le Sud et vers la France actuelle puisque nous trouvons à la génération suivante, trois fils respectivement roi de Tournai, roi de Tongres et roi de Cambrai.

MÉROVÉE ROI DES Francs saliens

Childéric (457 -481)

Mérovée est mort jeune donc Childéric est très jeune au moment de lui succéder. Il n'y a pas de traces de lui dans les annales pour les premières années de son règne, en revanche, le général romain Aegidius est en Gaule pour repousser les Barbares et contrer les tendances séparatistes style Empire gaulois. Bloqué, dans le sud par la percée des Wisigoths, il se met à défendre la romanité au Nord de la Loire. Coupé de ses communications avec l'Italie, il se trouve encore menacé par les Wisigoths sur la Loire. Et selon Idacius, c'est Orléans qui est visé. La bataille d' Orléans est une grande victoire remportée par Aegidius en 463, avec le concours de Childéric et ses Francs. Les Wisigoths ne franchiront pas la Loire ! Childeric a environ 23 ans, il se comporte comme un fédéré.

Une nouvelle menace occupe Aegidius, les Saxons, dont un groupe est installé depuis longtemps près de Gesoriacum (Boulogne), un autre a pris possession des environs de Bayeux dans la future Normandie, un troisième s'est emparé des îles boisées sur la Loire près de son embouchure. Dans leurs navires recouverts de cuir, ils écument la mer et ravagent la terre, sur les rivages de l'Escaut à la Seine. Et ils viennent menacer Angers, avec leur chef Odoacre en 463. Mais Aegidius meurt d'une maladie contagieuse en octobre 464. Le comte Paul prend la relève et maintient l'alliance des Francs.

Childéric I

En 468, Childéric est allié au comte Paul et se presse vers Angers qu'Odoacre menacé, vient défendre. Le comte Paul rejoint les Francs peu après. Les combats s'engagent sous les murs et jusque dans les rues de la cité. Le combat est rude, le comte Paul y est tué mais Childéric est vainqueur et reste maître du terrain. Les Romains et les Francs poursuivent les Saxons et en éliminent un grand nombre dans leur fuite vers leurs îles. Ainsi Childeric a réussi à libérer la navigation sur la Loire. 

Childéric, un peu plus tard, réconcilié avec Odoacre et ses Saxons, va avec eux subjuguer les Alamans qui viennent de piller l'Italie écrit Grégoire de Tours. Après la mort du comte Paul, Childéric doit garder dans la Gaule encore romaine, une position prépondérante. Ainsi, le roi Euric traite avec ce roi des Francs Saliens, comme si c'était le vrai monarque de la Gaule septentrionale. Ce barbare sait faire accepter par les populations, l'autorité qu'il exerce sur elles. Tout en étant païen, il se montre plein de déférence pour l'Eglise catholique. Mais de 469 à 481 nous perdons sa trace et nous le voyons enterré à Tournai après avoir séjourné à Paris.  En 469, Childéric et le comte Paul  arrêtent à Tours et à Bourges, les Wisigoths menés par Euric, après la défaite de Déols (près de l'actuelle ville de Chateauroux) des douze mille Bretons commandés par leur roi Riothamus contre les mêmes Wisigoths.

Que s'est il passé ? Le plus probable, c'est qu'ayant exercé une autorité de fait sur la Gaule du Nord, Childéric a vu le fils d'Aegidius, Syagrius, trop jeune à la mort de son père, attendre la mort du comte Paul pour affirmer l'autorité d'un Romain face à un Barbare. En toute hypothèse, cela peut expliquer l'attitude "crispée" de Clovis face à ce même Syagrius à partir de 481. Childéric a eu pour épouse Basine de Thuringe qui lui donné un fils, Clovis et trois fille, Lanthilde, Alboflède et Aldoflède, Aldoflède sera reine des Ostrogoths. Childéric meurt jeune, à peine quarante ans, ses funérailles sont royales, il est enterré avec son fidèle cheval de bataille.


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