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Les Ostrogoths

Les Ostrogoths étaient une des deux fractions des Goths, peuple germanique venu des confins de la Baltique et établi au IVe siècle en Ukraine et en Russie méridionale, au nord de la Mer Noire - l’autre fraction étant celle des Wisigoths. Ils jouèrent un rôle considérable dans les événements de la fin de l’empire romain.

HYPOTHÈSES ÉTYMOLOGIQUES

La signification du nom Ostrogoth est sujette à controverses. Les Goths, en effet, formaient une tribu unie jusqu’au IIIe siècle, date à laquelle ils se seraient scindés en deux branches : les Ostrogoths et les Wisigoths.

Une explication d’ordre géographique fut proposée à cette terminologie de la division, au moins dès le VIe siècle par un historien d’origine gotique : Jordanès. Ce dernier, auteur d’une Histoire des Goths, est aujourd’hui une des seules sources disponibles sur la préhistoire de son peuple, dans la mesure où il résuma un texte plus long de Cassiodore. Le texte de Cassiodore a été perdu.

Selon Jordanès (XIV,2), la terminologie se réfère à la région d’habitat des Goths, les Wisigoths étant les Goths du « pays de l’ouest » et les Ostrogoths étant les « Goths de l’est ». Néanmoins, dans le cas de ces derniers, Jordanès ajoute une autre possibilité, d’ordre étymologique cette fois : le nom Ostrogoths pourrait également provenir du nom de leur premier roi : Ostrogotha.

Or, on sait par ailleurs que d’autre noms existaient auparavant pour désigner une division géographique des Goths : les tervingi, c’est-à-dire les « gens de la forêt », et les greutingi, c’est-à-dire les « gens de la grève ».

Aussi, l’explication géographique de l’origine des noms Ostrogoth et Wisigoth donnée par Jordanès fut mise en question et l’on chercha une explication d’ordre étymologique, plus à même d’expliquer une différence antérieure au IIIe siècle. Dans ce cas, Ostrogoths signifierait « Goths brillants » (racine germanique ostr–) et Wisigoths, « Goths sages » (racine wise–).

Le débat n’est pas tranché, faute de preuves suffisantes. Le choix des historiens se porte alors sur l’une ou sur l’autre de ces hypothèses selon la confiance qu’ils accordent au témoignage de Jordanès.

HISTOIRE

Les deux tribus, en tous cas, partageaient de nombreux traits culturels et ne formaient, toujours selon Jordanès, qu’une seule « nation ». Entre autres, les Goths reconnaissaient une divinité tutélaire commune que les Romains associaient à Mars. Leur séparation, ou plus exactement la migration des tribus de l’Ouest vers la province romaine de Dacie, fut le résultat de la surpopulation de la région autour de la mer Noire où les Ostrogoths établirent un vaste et puissant royaume. Les Gépides, un autre peuple germanique, devinrent leurs vassaux et leurs rivaux.

Les Huns soumirent les Ostrogoths vers 370, et leur arrivée incita probablement les Wisigoths à s’installer au-delà du Danube. Selon Jordanès, la défaite face aux Huns provoqua également le suicide du roi ostrogoth Ermaric en 378.

Au cours des décennies suivantes, les Ostrogoths demeurèrent dans les Balkans sous la domination des Huns, devenant un de leurs nombreux peuples vassaux. Les Ostrogoths combattirent en Europe sous les ordres des Huns, notamment lors de la bataille des Champs catalauniques en 451.

Les Ostrogoths se soulevèrent plusieurs fois contre les Huns. Ces soulèvements furent matés, mais l’apport de la « culture à dos de cheval » des Huns constitua par la suite un avantage majeur pour les Ostrogoths.

Leur histoire écrite commence avec leur indépendance de l’empire des Huns après la mort d’Attila. Alliés à leurs anciens vassaux et rivaux, les Gépides, les Ostrogoths menés par Théodimir écrasèrent les forces hunniques commandées par les fils d’Attila lors de la bataille de Nedao en 454.

Les Ostrogoths entrèrent en relation avec l’Empire et s’installèrent en Pannonie.

Pendant la majeure partie de la seconde moitié du Ve siècle, les Ostrogoths jouèrent en Europe du Sud-Est un rôle équivalent à celui que jouèrent les Wisigoths au siècle précédent. Ils furent présents dans toutes les relations d’amitié et d’hostilité imaginables avec la puissance romaine orientale, et cela jusqu’à ce que, comme les Wisigoths l’avaient fait avant eux, ils ne passent d’Orient en Occident.

LE RÈGNE DE THÉODORIC LE GRAND

Le plus grand de tous les souverains ostrogothiques, Théodoric le Grand, naquit vers 455, peu après la bataille de Nedao. Il passa son enfance en tant qu’otage à Constantinople, où il reçut une instruction soignée.

Il participa à divers conflits, intrigues et guerres dans l’empire byzantin et il eut comme rival Théodoric Strabo, un parent éloigné et fils de Triarius. Ce Théodoric, plus âgé mais de moindre qualité, semble avoir été le chef et non le roi de la branche des Ostrogoths qui s’était installée dans l’Empire un peu plus tôt.

Théodoric le Grand, fut tour à tour l’ami et l’ennemi de l’Empire. Dans le premier cas, il se para de divers titres romains, comme ceux de patrice et de consul ; mais dans tous les cas, il resta avant tout le roi de la nation ostrogothique.

C’est dans ces deux rôles à la fois qu’en 488 il conquit l’Italie à la demande de l’empereur byzantin Zénon Ier, trop heureux de se débarrasser d’un chef de guerre entreprenant dont les troupes venaient de ravager les faubourgs de Constantinople quelque temps auparavant. La péninsule était alors aux mains d’un chef hérule nommé Odoacre, passé dans la postérité pour avoir déposé le dernier empereur romain d’Occident, Romulus Augustule en 476.

En 493, Ravenne fut prise et Odoacre fut tué des mains même de Théodoric. La puissance des Ostrogoths était alors pleinement établie en Italie, Sicile, Dalmatie et dans les terres situées au nord de l’Italie. Lors de cette reconquête, Ostrogoths et Wisigoths commencèrent également à se réunir, du moins si l’on en croit le témoignage d’un auteur qui écrit que Théodoric était aidé par des auxiliaires wisigoths. Les deux branches de la nation furent bientôt rassemblées beaucoup plus étroitement.

Alors que la puissance de Théodoric s’étendait en pratique sur une grande partie de la Gaule, elle s’installa sur presque la totalité de l’Espagne : en effet, les événements contraignirent Théodoric à devenir le régent du royaume wisigoth de Toulouse.

Un moment de confusion avait suivi la mort du roi des Wisigoths Alaric II, le beau-fils de Théodoric, lors de la bataille de Vouillé contre les Francs de Clovis. Le roi Ostrogoth assuma à cette occasion son rôle de tuteur à l’égard de son petit-fils Amalaric et se réserva la totalité du domaine hispanique ainsi qu’un fragment de la Gaule.

Toulouse passa aux Francs mais les Goths gardèrent la cité de Narbonne et la Septimanie : cette dernière région était la dernière partie de la Gaule qui fut tenue par les Goths et elle garda le nom de Gothie pendant encore longtemps.

Tant que Théodoric vécut, le royaume Wisigoth demeura pratiquement indissociable de ses propres possessions. Il semble également avoir établi, dès cette époque, une sorte de protectorat à l’égard des puissances germaniques d’Occident : il profita plusieurs fois de son autorité à l’égard de celles-ci, excepté dans le cas des Francs.

CARACTÉRISTIQUES DU ROYAUME DE THÉODORIC

Le domaine des Ostrogoths était alors aussi grand et bien plus munificent qu’il ne le fut jamais au temps d’Hermanaric ; mais il était surtout d’un caractère complètement différent.

Les deux nations, différentes par leurs coutumes, leur langue et leur religion, vivaient côte à côte sur le sol de l’Italie. Chacune était dirigée par un souverain unique mais sous le régime de la personnalité des lois.

C’est cette image du règne de Théodoric, surtout, qui apparaît à travers les ordonnances élaborées en son nom et en celui de ses successeurs : dans l’ensemble, les Goths restèrent concentrés dans le nord de l’Italie. Dans le sud, ils ne formèrent guère plus que des garnisons.

Selon la conception de Théodoric, les Goths étaient les protecteurs armés des paisibles Romains ; le roi Goth avait la difficile charge de gouverner alors que le consul romain en recevait les honneurs. De même, toutes les formes de l’administration romaine subsistèrent sous le règne de Théodoric. La politique et la culture romaine eurent même une grande influence sur les Goths. C’est là que la double culture du roi barbare joua à plein.

Notamment, la souveraineté sur des nations distinctes mais établies sur le même sol était nécessairement une conception romaine du pouvoir, qui avait ses contraintes pesant lourdement sur la liberté des troupes germaniques. Mais un tel système avait besoin d’un pouvoir fort, tenu par une personnalité comme celle de Théodoric ; à sa mort l’édifice s’effondra.

En 526, Ostrogoths et Wisigoths furent de nouveau séparés. Les quelques exemples à travers lesquels ils agissent encore de concert portent sur des affaires espacées et sans importance réelle. Amalaric hérita du royaume wisigoth en Espagne et en Septimanie. La Provence fut ajoutée au domaine du nouveau roi ostrogoth, Athalaric, petit-fils de Théodoric par sa mère, Amalasunthe.

Aucun des deux souverains ne put régler les conflits qui survinrent au sein des élites gothiques. Théodat, cousin d’Amalasunthe et neveu de Théodoric par la sœur de ce dernier, leur succéda après les avoir massacrés. Cependant, cette usurpation déclencha encore plus de carnages. Trois rois Goths se succédèrent sur le trône en l’espace de cinq ans.

LA RECONQUÊTE DE L’ITALIE PAR LES BYZANTINS

La faiblesse de la position des Ostrogoths en Italie devint alors évidente. L’empereur byzantin Justinien s’était toujours efforcé de restaurer autant que possible le pouvoir impérial sur la totalité du pourtour de la Méditerranée : il ne rata pas cette occasion d’intervenir.

En 535, il chargea son meilleur général et ami, Bélisaire, d’attaquer les Ostrogoths. Bélisaire envahit rapidement la Sicile et débarqua en Italie où il prit Naples, puis Rome en 536. Puis il marcha vers le nord et prit Mediolanum (Milan) et Ravenne, la capitale des Ostrogoths, en 540.

C’est alors que Justinien offrit aux Goths un arrangement généreux – de loin trop généreux aux yeux de Bélisaire : le droit de maintenir un royaume indépendant dans le Nord-Ouest de l’Italie, mais à la condition qu’ils s’acquittent d’un tribut de la moitié de leur trésor à l’Empire.

Bélisaire transmit le message aux Goths, bien que lui-même ne l’approuvait pas. Les Goths, qui ne faisaient pas confiance à Justinien, craignaient un piège, mais parce que Bélisaire s’était si bien comporté à leur égard lors de sa reconquête de l’Italie, ils acceptèrent de reconnaître cet arrangement si Bélisaire donnait son approbation. Cette situation conduisit à une impasse.

Une faction de la noblesse gothique trancha : décrétant que leur propre roi qui venait d’être vaincu, Vitigès, était un lâche et qu’ils avaient besoin d’un nouveau souverain, ils se tournèrent vers Bélisaire. Éraric, leur chef, offrit la couronne à ce dernier. Bélisaire était un soldat fidèle à Justinien et non un homme d’État. Il fit comme s’il acceptait l’offre, se rendit à Ravenne pour s’y faire couronner, mais il fit promptement arrêter les chefs goths. Ensuite, il réclama l’intégralité de leur royaume pour Byzance.

Justinien était furieux : les Perses avaient attaqué l’Empire d’Orient à l’Est et il désirait qu’un État neutre et stable serve de tampon entre la frontière de ses possessions occidentales et le royaume des Francs. Ces derniers, en effet, étaient étranges et paraissaient hostiles à l’égard de la cour orientale. Bélisaire fut alors rappelé et envoyé en Orient contre les Perses. Il laissa un nommé Jean, officier byzantin, gouverner temporairement l’Italie.

En 545, quand il put enfin retourner en Italie il trouva une situation considérablement changée : Éraric avait été assassiné et la faction pro-romaine de l’élite goth avait été renversée.

En 541, les Ostrogoths avaient élu un nouveau chef Totila ; ce « nationaliste » goth, brillant général, avait repris toute l’Italie du Nord et avait chassé les Byzantins hors de Rome.

Bélisaire reprit alors l’offensive : il dupa Totila pour reprendre Rome, mais perdit à nouveau la cité après que Justinien, jaloux et craintif de sa puissance, lui supprima approvisionnements et renforts. Le général, vieilli, fut alors contraint d’assurer la défense par ses propres moyens.En 548 Justinien le remplaça par le général eunuque Narsès en qui il avait plus confiance. Narsès ne déçut pas Justinien.

Totila fut massacré lors de la bataille de Taginae (Gualdo Tadino) en juillet 552 et ses partisans Teia, Aligern, Scipuar et Gibal furent tous tués ou se rendirent lors de la bataille de Mons Lactarius en octobre 552 ou 553.

Widhin, le dernier chef attesté de l’armée gotique se révolta à la fin des années 550 avec une aide militaire minimale des Francs et des Alamans. Le soulèvement fut sans conséquences : les Ostrogoths se soulevèrent à Vérone et à Brescia mais la révolte prit fin avec la capture de son chef, en 561. Widhin fut finalement conduit à Constantinople pour y être exécuté en 561 ou en 562. Une minorité, soumise aux byzantins et convertie au catholicisme, survécut à Ravenne.

CHRONOLOGIE

242 : Coupé du monde romain, le Bosphore Cimmérien (actuelle Crimée) tombe sous la domination des Ostrogoths installés en Ukraine.
257 : Les Goths se séparent en Ostrogoths et Wisigoths.
271 : Premier retrait important depuis le début de l’Empire, les Romains abandonnent la Dacie aux Ostrogoths.
371 : L’empire des Ostrogoths est aux mains des Huns.
375 : Forte poussée des Huns qui détruisent le royaume Ostrogoth en Russie du Sud.
425 : Les Vandales, les Ostrogoths et les Wisigoths s’installent dans les anciennes provinces romaines.
456 : Les Ostrogoths se fixent sur le Danube inférieur.
493 : Théodoric le Grand, le chef des Ostrogoths est maintenant roi d’Italie.
508 : Début d’une campagne des Ostrogoths sous Théodoric le Grand en direction de la Gaule méridionale (fin en 511).
526 : Athalaric succède à Théodoric le Grand comme roi des Ostrogoths.
526 : Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths et d’Italie meurt de la dysenterie.
534 : le 2 octobre, décès de Athalaric, roi des Ostrogoths
535 : Théodat, le nouveau roi des Ostrogoths étrangle sa femme la reine Amalasonthe, la fille de Théodoric le Grand.
536 : Les Ostrogoths déposent leur roi inerte, Théodat, et élisent Vitigès, un général pour le remplacer.
536 : Les Ostrogoths cèdent la Provence aux Francs.
537 : Ayant assuré ses arrières en concédant la Provence, aux mains des Ostrogoths depuis 508, aux Francs, Vitigès se déplace vers Rome et en fait le siège.
539 : Milan, la ville la plus importante de l’Italie après Rome, est reprise par les Ostrogoths et détruite. Les hommes sont massacrés et les femmes vendues comme esclaves.
540 : Vitigès, le roi des Ostrogoths est pris par Bélisaire qui s’empare de Ravenne.
543 : Les Ostrogoths réalisent une réforme agraire favorable aux paysans italiens.
543 : Totila, le nouveau roi des Ostrogoths, avance en Italie où il prend Naples après un siège, Bélisaire retourne en Italie.
546 : Totila, roi des Ostrogoths prend Rome après un siège d’une année.
552 : Narsès défait et tue Totila le roi des Ostrogoths à la bataille de Busta Gallorum.
553 : Le général byzantin Narsès défait Teias, le successeur de Totila comme roi des Ostrogoths, au mont Lactarius.
554 : L’empereur byzantin Justinien lance un programme de réorganisation de l’administration de l’Italie après le chaos de 20 ans de guerre contre les Ostrogoths.

LISTE DES ROIS OSTROGOTHS

???–469 : Valamir (Walamir), Vidimir (Widomir), et Théodemir (Thiudomir)
469–474 : Théodemir
474–526 : Théodoric dit le «Grand» (Thiudoric)
526–534 : Athalaric (Atthalaric)
534–536 : Théodat (Thiudahad)
536–540 : Vitigès (Wittigeis)
540–541 : Ildebald (Hildibald)
541–541 : Éraric, dit le «Ruge» (Heraric, Ariaric)
541–552 : Totila ou Baduila, dit l’«Immortel»
552–553 : Teias (Theias) 

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