Le nom Pictes, peut-être formé à partir d’une épithète latine, signifierait littéralement « hommes peints » (entre autres, selon Bède le Vénérable). Il fut attribué par les Britto-romains, puis par les Anglo-Saxons aux habitants des basses terres de l’Écosse actuelle pour une période allant du IIIe siècle jusqu’au milieu du IXe siècle environ. Les Pictes correspondaient ainsi vraisemblablement aux Caledonii mentionnés par le conquérant romain Agricola en 80.
Le nom « Pictes » évoque les relations belliqueuses qu’eurent les tribus établies au-delà du mur d’Hadrien avec Rome, puisque les peintures auxquelles ce qualificatif fait allusion étaient vraisemblablement des peintures de guerre.
Il évoque aussi le concept — probablement étranger à ceux qu’il désigne — d’une appartenance des nombreux peuples et tribus de Calédonie à un groupe ethnoculturel commun. En l’absence de sources historiques fiables et précises, les contours d’un tel groupe demeurent néanmoins hypothétiques, ce qui a donné naissance à une littérature plus ou moins fantaisiste sur la question de l’origine des Pictes.
En plus de cette question (trop) souvent débattue, les interrogations sur la définition des Pictes portent également sur les points suivants :
la nature de leur langue — et en particulier le « degré » de celticité de celle-ci,
les circonstances de leur disparition. Les Pictes, en effet, disparurent lors de la formation de l’Écosse médiévale, vers le milieu du IXe siècle, probablement absorbés par les Scots.
On ignore à peu près tout de l’origine des Pictes : leurs ancêtres seraient venus du continent à la fin de la préhistoire, peut-être au cours du Ier millénaire avant J.-C. Leur première mention est due à l’orateur breton Eumenius, en 297 : ce dernier les cite aux côtés des Hibernii (les Irlandais) comme ennemis des Bretons. En 310, une mention des « bois et des marécages des Calédoniens et d’autres Pictes » est connue : sa traduction exacte pose problème et autorise ou non à compter les Calédoniens parmi les Pictes. Peu après, Ammien Marcellin mentionne que les Pictes sont divisés en deux groupes : les Dicalydones et les Verturiones.
Par ailleurs, des noms celtiques de tribus qui peuplaient le nord de l’île de Bretagne durant la période romaine sont connus à travers la géographie de Claude Ptolémée (au milieu du IIe siècle) : les Cæreni, (gens du mouton) les Lugi, (du corbeau), les Smertæ (les enduits, ou les peints) et les Decantae (nobles). À proximité des Caledonii (forts ?) se trouvaient les Vacomagi et les Venicones. Il faut leur ajouter, enfin, les Epidii sur la côte ouest et les Damnonii, les Novantæ et les Selgovæ, établis plus au sud. Les Pictes sont probablement issus de regroupements et de divisions qui agitèrent ces tribus à la fin du troisième siècle de notre ère, bien que certains historiens aient proposé la date des campagnes flaviennes pour les distinguer (au plus tard l’année 97).
Selon une tradition tardive (du IXe siècle ?), connue grâce à une copie sur parchemin du XIVe siècle (ms. Colbertin ou ms. Latin 4126 de la Bibliothèque nationale française), la fondation du peuple picte remonte à un mythique Cruithne, fils de Cinge qui régna un siècle et eut sept fils : Fib, Fidach, Fotlaig, Fortrenn, Cait, Ce et Circinn. Ces derniers divisèrent alors l’île blanche (Alban, la Calédonie) en sept clans reprenant leur nom : Fortriu, Cat, Circind, etc. Ces informations apparaissent dans la Liste des rois pictes et dans un texte nommé De Situ Albanie, attaché à cette liste : les deux font partie de la Chronique picte.
Le nom de ce fondateur a été rapproché des Pritenii ou Pretenii, nom des habitants de l’île de Bretagne prétendument rapporté par Pythéas, en 325 av. J.-C., et cité par Diodore de Sicile, au Ier siècle av. J.-C. ; Le nom latin britanni, le nom irlandais criuthni et le nom gallois Prydyn, postérieur, pourraient avoir la même origine.
En 600, c’est sous la plume d’Isidore de Séville qu’apparut la première référence au fait que les Pictes tiraient leur nom des tatouages qui ornaient leur corps. Cette idée a été rapprochée par les historiens modernes d’une information que rapporte Jules César à propos des Bretons :
« Omnes vero se Britanni vitro inficiunt, quod cæruleum efficit colorem, atque hoc horridiores sunt in pugna aspectu », c’est-à-dire « en vérité, tous les Bretons se teignent artificiellement avec ce qui produit une couleur bleue, de sorte qu’ils sont plus terribles d’aspect au combat ».
LES « ROYAUMES » PICTES
En ce qui concerne l’organisation des Pictes, il semble que les « rois pictes » ne régnèrent jamais que sur une confédération de chefferies : il y eut plusieurs « royaumes » pictes contemporains les uns des autres et leur nombre put varier de deux à sept, si l’on en croit les sources postérieures ou les brêves mentions faites par les sources étrangères. L’organisation de ces royaumes demeure largement hypothétique, mais il est possible qu’un « sur-roi » existât. En tous cas, la « royauté » des Pictes devait être clanique et l’on ignore si elle s’exerçait sur un territoire bien délimité.
Au VIe siècle, le royaume de Fortriu dominait les terres situées autour de Scone et de Dunkeld : son nom est à rapprocher de celui de la tribu des Verturiones, cités au IIe siècle par Claude Ptolémée ; Bède cite encore le royaume de Fib (Fife) à cette époque. La Chronique picte livre quant à elle une liste de sept royaumes (le caractère symbolique du chiffre peut en avoir dicté le nombre) :
À l’époque de Bède, et si l’on en croit encore ce dernier, au début du VIIIe siècle, un « royaume des Pictes du nord » et un « royaume des Pictes du sud » étaient établis de part et d’autre du Firth of Forth.
Toujours est-il que, malgré leurs divisions, les Pictes résistèrent toujours à l’Empire romain, puis aux envahisseurs germaniques pendant plusieurs siècles. Finalement, la disparition des royaumes des Pictes fut le résultat d’un processus de fusion qui aboutit, au milieu du IXe siècle, à la création de l’Écosse médiévale. À cet égard, la règle de dévolution du trône en vigueur chez les Pictes joua certainement un rôle important.