Au IIIè millénaire, la culture cananéenne renaquit, sous la forme d’une civilisation brillante que l’on appelle traditionnellement la “Phénicie”. Ce nom de Phéniciens leur a été donné par les Grecs qui faisaient allusion ainsi à leur faculté à produire de la pourpre, qui se dit phoinix en grec. Au sein du monde oriental, le peuple phénicien se distingue par une profonde originalité. C’est un peuple de commerçants et de marins, et ce caractère fondamental, il le conservera toujours. Malheureusement pour notre connaissance de ce peuple, les sites archéologiques phéniciens intacts sont très rares.
La Phénicie couvrait une région qui correspond au Liban moderne auquel il faudrait ajouter certaines portions de la Syrie et de l’Israël actuels. La côte méditerranéenne, qui constituera la Phénicie classique, est une région longue et étroite - 200 kilomètres sur 20 à 30 de largeur - adossée à la chaîne du Liban dont les chaînons rocheux se prolongent vers la mer en une série de promontoires encadrant de petites baies bien abritées, et d’îles, condition géographique essentiellement favorable à l’installation de ports et au développement d’un peuple de marins. L’arrière-pays présente la possibilité d’effectuer des cultures agricoles variées (céréales, oliviers, vignes, figuiers, cultures maraîchères, palmiers) - et d’exploiter des ressources forestières (pins, cyprès et cèdres). Le Phénicien saura tirer parti de ces ressources. Les cèdres du Liban lui fourniront le bois nécessaire pour la construction de ses navires.
Les Phéniciens semblent s’être établis vers 3000 av. J.-C. Ils vivaient sur la côte entre le golfe d’Issos au nord et le mont Carmel au sud. Les intéressés se disaient eux-mêmes Cananéens mais surtout habitants de Sidon, Tyr, Byblos et Arvad. Cette formulation reflétait le sentiment d’appartenance à une cité plutôt qu’à un Etat. C’était, en effet, une très lâche confédération de cités et de petits royaumes indépendants et prospères, plus ou moins rivaux, peuplés de marins et de marchands, ayant chacun ses institutions, son culte, ses us et coutumes. Chacune de ces cités étaient dirigées par un roi, assisté d’un conseil. Chaque cité avait sa divinité tutélaire : Eshmoun à Sidon, Melquart à Tyr, Tanit à Serepta, Baal-Shamin à Byblos. Les plus importantes cités exercèrent parfois une hégémonie, et étaient sujettes à des alliances occasionnelles.
D’autres peuples n’allaient pas tarder à leur disputer leur suprématie maritime. La menace viendra autant de la mer où les Grecs, les Athéniens surtout, se lancèrent à l’assaut des mers, que du continent, où les Assyriens exigèrent le paiement d’un tribut. Nabuchodonosor assiégea Tyr treize années durant, puis Darius imposa la domination perse et intégra la Phénicie dans la cinquième satrapie. La flotte perse était commandée par des amiraux phéniciens, mais les commerçants cherchaient à se libérer de cette pesante tutelle, les révoltes se succédaient et la répression menée par Artaxerxès III amena la destruction de Tyr. Enfin la conquête par Alexandre le Grand en 332 marqua la disparition de l’entité phénicienne. En raison de la pression de ses voisins et ses propres dissensions internes, le pouvoir phénicien déclina peu à peu, non sans laisser une brillante héritière, Carthage.
C’est ainsi qu’en dehors de leurs grandes villes de Syrie, ils fondèrent aussi de nombreuses colonies marchandes. Cette expansion maritime était purement commerciale. Ils se tournent d’abord vers Chypre où Kition et Paphos étaient leurs deux principaux comptoirs : Chypre est d’ailleurs la région du monde qui a livré le plus grand nombre d’inscriptions phéniciennes. Puis, poussés par l’esprit d’aventure ou bannis pour raison politique, certains allèrent vers le couchant et fondèrent leurs premières colonies à partir du Xè - IXè siècle avant J.-C. : sur les côtes africaines (Utique, Carthage, et en Libye), en Afrique du nord (Carthage, Rachgoun, Mogador), en Sicile (Motyé), Sardaigne, Espagne (Cadix, Tartessos), à Malte, construisant ainsi un véritable “triangle phénicien”. La recherche des minerais nécessaires pour l’élaboration du bronze conduisit même les Phéniciens jusqu’en Cornouailles.
Les sites d’installation sont choisis avec soin : petits îlots à quelque distance de la côte, promontoires reliés au continent par un isthme étroit, embouchure d’un fleuve ou fond de golfe. Les critères recherchés sont double : qualité du mouillage, le moins tributaire possible des vents, et facilité de défense. Ces comptoirs servirent de relais pour l’exportation des produits de Phénicie (cèdre et pourpre), naturellement, mais aussi de tous ceux que l’arrière-pays pouvaient produire (bois de genévrier, résine, ivoires sculptés, verrerie ou dinanderie).
Selon Hérodote, les Phéniciens, lorsqu’ils arrivaient en un point quelconque du littoral, débarquaient leurs marchandises, les étalaient sur la plage, puis retournaient à leurs bateaux d’où ils faisaient s’élever des colonnes de fumée. A cette vue, les indigènes s’approchaient, apportant 1eur or, et le troc pouvait commencer.
Diffusion de l’alphabet La renommée de la Phénicie vient surtout de l’alphabet, attesté pour la première fois à Byblos au XIIe siècle av. J.-C. La langue phénicienne est une langue sémitique, chaque signe correspond à une consonne. On ne sait s’ils ont ou non recueilli l’héritage de l’alphabet ugaritique pour l’élaborer. C’est certainement à Byblos que fut adoptée la graphie cursive en 22 lettres, à l’origine des alphabets grec et latin. Le sarcophage du roi Ahiram de Byblos, supposé du Xe siècle av. J.-C., porte la plus ancienne inscription cursive linéaire, parfaitement claire, connue en phénicien classique. Cet alphabet phénicien sera promis à un brillant avenir, puisqu’il nous est parvenu par l’intermédiaire du grec et que nous l’utilisons encore. De même l’Afrique néolithique apprit à écrire (écriture lybique) en adoptant la langue et l’alphabet phénicien. Ce même alphabet se diffusera aussi vers l’orient et remplacera progressivement l’écriture cunéiforme.
A 30 km au nord de Beyrouth, au bord de la Méditerranée, le site a été habité dès 6000 av. J.-C. par des pêcheurs ayant fondé un petit village. Les Cananéens croyaient que la ville avait été fondée par le dieu El lui-même. La ville est mentionnée pour la première fois sous le nom de Gubal, ses habitants sont appelés Giblites, dans les textes sumériens et égyptiens dès le IIIe millénaire. Ce sont les Grecs, qui en désignant la principale richesse de la ville, le commerce du papyrus (en grec bublos, qui donnera le mot biblion, le livre, mais aussi le mot Bible, Le Livre), lui donneront le nom sous lequel la ville sera par la suite connue dans l’Antiquité.
C’est vers 814 av. J.-C. que selon les traditions grecque et romaine, les Phéniciens fondent Qart Hadasht, la “ville neuve”, au fond du golfe de Tunis. Selon la légende, les fondateurs sont menés par une femme Didon, soeur du roi de Tyr. La date de cette fondation est difficile à prouver car les fouilles n’ont livré aucun vestige antérieur à 725 av. J.-C.