Période protobyzantine : L’héritage romain
Une continuité romaine
L’Empire byzantin, officiellement appelé Empire romain d’Orient, hérite des structures administratives, législatives et militaires de l’Empire romain. Constantinople, fondée par Constantin Ier en 330, devient le cœur politique et religieux de l’Empire. La ville est protégée par des murailles imposantes et stratégiquement située entre l’Europe et l’Asie.
- Administration : Les institutions romaines comme le Sénat et les préfets du prétoire restent en place, bien que le pouvoir impérial devienne plus centralisé.
- Droit romain : Les lois romaines continuent d’être appliquées, renforçant l’idée d’une continuité avec l’Empire romain d’Occident, tombé en 476.
- Militaire : L’armée, bien que réduite, conserve son organisation romaine avec des légions et des auxiliaires.
L’influence croissante de la culture grecque
Au fil des siècles, la culture grecque prend une importance grandissante, particulièrement dans les domaines de la langue, de la philosophie et de la religion.
- Langue : Le grec supplante progressivement le latin comme langue administrative et culturelle. Cette transition sera officialisée sous Héraclius au VIIe siècle.
- Religion : Le christianisme, déjà bien implanté dans l’Empire romain, devient une force unificatrice, avec Constantinople jouant un rôle de premier plan dans l’organisation ecclésiastique.
Une population diversifiée
L’Empire byzantin est un creuset de cultures et de peuples, répartis dans les vastes territoires de la Méditerranée orientale.
Les défis internes et externes
La période protobyzantine est marquée par des crises qui mettent à l’épreuve la résilience de l’Empire.
Crises internes :
- Les révoltes sociales dues à des inégalités économiques et fiscales.
- Les querelles théologiques, comme le monophysisme, qui divisent la population.
Invasions :
- Les Huns, Goths, et autres peuples barbares menacent les frontières nord et ouest.
- L’Empire sassanide constitue une menace constante à l’est, avec des conflits récurrents pour le contrôle de la Mésopotamie.
Constantinople, centre de l’Empire
Capitale fondée sur l’ancienne Byzance, Constantinople symbolise la puissance de l’Empire.
- Murailles de Théodose : Ces fortifications, construites au Ve siècle, protègent la ville contre les invasions.
- Commerce : Sa position stratégique en fait un carrefour commercial entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient.
- Rayonnement religieux : Avec le patriarcat de Constantinople, la ville devient un centre du christianisme.
Basilique Sainte Sophie à Istanbul
L’Âge d’or de Justinien (527-565)
Expansion territoriale : La restauration de la grandeur romaine
Sous le règne de Justinien, l’Empire byzantin connaît une expansion territoriale ambitieuse, visant à restaurer l’Empire romain dans ses anciennes frontières.
Réformes législatives et culturelles : Une œuvre pérenne
Justinien marque profondément l’histoire de l’Empire par ses réformes administratives, législatives et culturelles.
Menaces et crises : Les défis d’un règne ambitieux
Malgré ses réussites, le règne de Justinien est marqué par des crises internes et des menaces aux frontières.
Révolte de Nika (532) :
- Une émeute populaire éclate à Constantinople, initialement motivée par des rivalités entre factions de courses de chars (les Bleus et les Verts).
- Justinien réprime brutalement la révolte avec l’aide de Bélisaire, causant la mort de près de 30 000 personnes. Cette révolte met en lumière les tensions sociales et politiques au sein de l’Empire.
Invasions barbares :
- Les Slaves et les Huns multiplient les incursions dans les Balkans, mettant à mal les défenses byzantines.
- À l’est, les Perses sassanides, menés par Khosrau Ier, lancent des offensives répétées contre les provinces orientales. Bien que des traités de paix soient signés, ils coûtent cher à l’Empire.
Problèmes économiques :
- Les campagnes militaires et les reconstructions urbaines pèsent lourdement sur les finances impériales. Justinien impose une fiscalité accrue, provoquant des mécontentements.
Héritage de Justinien
Le règne de Justinien laisse un impact durable sur l’Empire byzantin et le monde méditerranéen.
- Unification juridique et administrative : Le Corpus Juris Civilis devient une référence pour des siècles.
- Héritage culturel et architectural : La Sainte-Sophie et d’autres édifices témoignent de la grandeur byzantine.
- Fragilité stratégique : Les vastes conquêtes sont difficiles à défendre et épuisent l’Empire, laissant ses frontières vulnérables après la mort de Justinien.
L’Âge d’or de Justinien représente un moment de gloire pour l’Empire byzantin, mêlant ambitions territoriales et innovations culturelles. Cependant, les défis économiques et militaires limitent la pérennité de ses conquêtes, laissant à ses successeurs un Empire fragilisé.
Confrontation avec les Perses et les Arabes
Les guerres byzantino-sassanides : Une lutte d’usure
Après la mort de Justinien, l’Empire byzantin engage une série de guerres coûteuses contre les Sassanides (empire perse), affaiblissant les deux puissances et laissant la porte ouverte à de nouvelles menaces.
Début des conflits sous Justin II (565-578) :
- Justin II, successeur de Justinien, refuse de payer le tribut annuel exigé par les Sassanides.
- Une guerre prolongée s’ensuit, focalisée sur l’Arménie et la Mésopotamie. Cette guerre affaiblit les finances et l’armée byzantines.
Traité favorable sous Maurice Ier (582-602) :
- En 591, Maurice soutient Khosrau II dans une guerre civile pour reconquérir le trône perse.
- En remerciement, Khosrau II signe un traité cédant une partie de l’Arménie à Byzance. La paix permet à Maurice de stabiliser l’Empire temporairement.
Offensive sassanide sous Khosrau II :
- Après l’assassinat de Maurice en 602, Khosrau II envahit les territoires byzantins. Entre 602 et 628, les Sassanides conquièrent la Syrie, la Palestine, l’Égypte, et atteignent même l’Anatolie.
- La guerre atteint son paroxysme avec le siège de Constantinople en 626, repoussé grâce à la flotte byzantine et aux remparts de la ville.
Victoire décisive d’Héraclius (610-641) :
- Héraclius, monté sur le trône en 610, réorganise l’armée et mène une offensive audacieuse en Perse.
- En 627, il remporte une victoire éclatante à la bataille de Ninive, forçant les Sassanides à signer un traité de paix. Les territoires occupés par les Perses, dont Jérusalem, sont rendus à l’Empire.
L’arrivée de l’Islam : Une transformation géopolitique
À peine l’Empire byzantin sort-il victorieux des guerres contre les Sassanides qu’une nouvelle menace apparaît : l’expansion de l’Islam.
Adaptation et survie de l’Empire
Malgré ces pertes majeures, l’Empire byzantin réussit à se réorganiser et à préserver son cœur territorial.
Conséquences de ces confrontations
Les guerres contre les Perses et les Arabes modifient profondément la position de l’Empire byzantin.
Les confrontations avec les Perses et les Arabes mettent en lumière la résilience de l’Empire byzantin face à des crises existentielles. Bien qu’affaibli et amputé de ses provinces les plus prospères, l’Empire survit grâce à ses réformes et à sa capacité à s’adapter, tout en devenant une puissance plus centrée sur la Méditerranée orientale.
Réformes et résistance sous Héraclius (610-641)
Montée au pouvoir dans une période de crise
Héraclius accède au trône en 610 dans un contexte de crise majeure :
- Les Byzantins subissent des défaites face aux Sassanides, qui occupent des provinces clés comme la Syrie et l'Égypte.
- Les Balkans sont en proie à des invasions slaves et avars, menaçant directement Constantinople.
- Les finances de l’Empire sont exsangues, et l’autorité impériale vacille.
Pour restaurer la stabilité, Héraclius engage des réformes radicales.
Réformes administratives et militaires
Héraclius introduit une série de changements structurels qui modifient durablement l’organisation de l’Empire.
Résistance face aux invasions arabes
Après avoir repoussé les Sassanides, l’Empire byzantin fait face à une nouvelle menace : l’expansion fulgurante des armées islamiques.
Héritage des réformes d’Héraclius
Les réformes d’Héraclius permettent à l’Empire de survivre malgré des pertes territoriales importantes.
Sous le règne d’Héraclius, l’Empire byzantin se transforme profondément. Les réformes administratives et militaires, combinées à une centralisation culturelle autour de Constantinople, assurent la survie de l’État face à des défis sans précédent. L’héritage d’Héraclius, notamment le système des thèmes, restera au cœur de la stratégie byzantine pendant des siècles, permettant à l’Empire de résister à de nombreuses menaces externes.
Mosaïque montrant l'empereur Justinien entouré d'officiers et d'une unité de tagmata. |
Période iconoclaste (726-843)
Origines du conflit des icônes
L’iconoclasme naît dans un contexte de crises militaires, politiques et religieuses :
- Les défaites face aux Arabes et aux Bulgares sont perçues comme un signe de la colère divine.
- Les excès dans le culte des icônes (vénération excessive, utilisation magique) sont critiqués par certains cercles impériaux et religieux.
- En 726, l’empereur Léon III l’Isaurien publie un édit interdisant l’usage des icônes dans les églises, lançant le premier iconoclasme.
Le premier iconoclasme (726-787)
Sous les règnes de Léon III et de son fils Constantin V, l’iconoclasme devient une politique officielle :
- Suppression des icônes :
- Les icônes sont détruites ou retirées des églises. Les fresques et mosaïques représentant des figures saintes sont remplacées par des motifs non figuratifs.
- Opposition religieuse et politique :
- Les moines, grands défenseurs des icônes, deviennent des cibles de persécutions. Beaucoup sont emprisonnés ou exilés.
- Le pape à Rome condamne fermement l’iconoclasme, ce qui creuse un fossé entre l’Église byzantine et l’Église romaine.
- Victoire de l’iconoclasme :
- Sous Constantin V, l’iconoclasme se radicalise. Le concile de Hiéreia (754) déclare l’usage des icônes comme hérétique.
- Les moines sont persécutés, leurs monastères fermés ou transformés à d’autres usages.
Réhabilitation des icônes (787)
- L’impératrice Irène, veuve de Léon IV, joue un rôle clé dans la réhabilitation des icônes.
- En 787, le deuxième concile de Nicée rétablit la vénération des icônes, affirmant qu’elles peuvent être respectées, mais non adorées comme des divinités.
- Cette victoire des iconodoules (défenseurs des icônes) est toutefois temporaire.
Le second iconoclasme (813-843)
- Sous l’empereur Léon V, l’iconoclasme est rétabli en 813, réactivant les persécutions contre les moines et les iconodoules.
- Les empereurs Michel II et Théophile poursuivent cette politique, bien que de manière moins violente que sous Constantin V.
Fin de l’iconoclasme (843)
- En 843, l’impératrice Théodora, régente pour son fils Michel III, met un terme définitif à l’iconoclasme.
- Le Triomphe de l’orthodoxie est célébré chaque année dans le calendrier byzantin pour commémorer la réhabilitation des icônes.
Impact de l’iconoclasme
- Divisions internes :
- Le conflit des icônes divise profondément l’Empire, affaiblissant l’autorité impériale et exacerbant les tensions entre les élites laïques et ecclésiastiques.
- Les monastères, principaux foyers de résistance, deviennent plus influents après la fin de l’iconoclasme.
- Relations avec l’Église romaine :
- La condamnation de l’iconoclasme par le pape accentue la rupture entre les Églises d’Orient et d’Occident, prélude au schisme de 1054.
- Stabilité politique et culturelle :
- Malgré les tensions, l’iconoclasme stimule un renouveau artistique centré sur des motifs non figuratifs et l’architecture.
- La fin du conflit permet une période de stabilité religieuse et culturelle, marquant l’entrée de Byzance dans une phase de renouveau sous la dynastie macédonienne.
La période iconoclaste est l’une des plus tumultueuses de l’histoire byzantine. Si elle affaiblit temporairement l’unité interne de l’Empire, elle illustre aussi la capacité de Byzance à surmonter des crises idéologiques et politiques pour préserver son identité religieuse et culturelle. La restauration des icônes marque un triomphe de l’orthodoxie, qui consolide le rôle de l’Empire comme bastion du christianisme oriental.
Le Christ Pantocrator : célèbre mosaïque byzantine du XIIe siècle se trouvant dans l'église de la Sainte Sagesse (Hagia Sophia) à Istanbul
Un empire militaire et diplomatique
Une armée organisée et innovante
L’Empire byzantin survit aux multiples menaces extérieures grâce à une armée disciplinée et stratégiquement organisée :
Les cataphractaires :
La cavalerie lourde byzantine, composée de soldats cuirassés montés, devient une force de frappe redoutable. Ces unités combinent mobilité, endurance et puissance, jouant un rôle central dans les victoires byzantines.
Le système des thèmes :
Introduit sous Héraclius et renforcé par ses successeurs, ce système transforme les provinces impériales en districts militaires.
- Chaque thème est dirigé par un gouverneur militaire (stratège) responsable de la défense locale et du recrutement.
- Les paysans-soldats, établis sur des terres impériales, assurent un approvisionnement humain constant pour l’armée.
Stratégies défensives :
Plutôt que de s’étendre, Byzance adopte des tactiques défensives et évite des guerres prolongées. Les fortifications, telles que les murailles de Constantinople, offrent une protection inégalée.
Armes et technologies avancées :
- Le feu grégeois : Une arme incendiaire utilisée avec succès contre les Arabes lors des sièges de Constantinople (672-678 et 717-718).
- Une marine compétente, bien que souvent sous-financée, maintient le contrôle des routes maritimes vitales.
Une diplomatie sophistiquée
La diplomatie byzantine, reconnue pour son habileté, complète la puissance militaire de l’Empire :
Résilience face aux pertes territoriales
- Malgré la perte de vastes territoires (Syrie, Égypte, Palestine, Afrique du Nord) au profit des califats islamiques, l’Empire maintient un noyau fort en Anatolie, dans les Balkans et autour de Constantinople.
- Les capacités militaires et diplomatiques permettent à Byzance de rester une puissance influente pendant plusieurs siècles, évitant une désintégration rapide.
L’Empire byzantin se distingue par une combinaison unique de puissance militaire et de finesse diplomatique. Ces atouts lui permettent de préserver son statut d’acteur majeur sur la scène internationale malgré des défis constants, consolidant son rôle de bastion du christianisme oriental et de rempart contre les invasions venues d’Asie et d’Europe.
Héritage de l’Empire Byzantin
Transmission culturelle
L'Empire byzantin, pivot entre l’Orient et l’Occident, lègue un riche patrimoine culturel et religieux qui façonne durablement l’histoire européenne et proche-orientale :
Byzantinisme et influence artistique :
- L’art byzantin, caractérisé par ses mosaïques éclatantes, ses icônes sacrées et son architecture monumentale (notamment Sainte-Sophie), inspire les cultures slave, balkanique et orthodoxe.
- Les églises byzantines, avec leurs dômes caractéristiques et leurs fresques, influencent les constructions religieuses en Russie, en Serbie et en Bulgarie.
Diffusion du christianisme orthodoxe :
- Les Byzantins convertissent de nombreux peuples slaves, comme les Bulgares, les Serbes et les Russes, établissant l’orthodoxie comme tradition religieuse dominante dans l’Est de l’Europe.
- L’alphabet cyrillique, développé par les missionnaires byzantins Cyrille et Méthode, devient le fondement de l’écriture slave.
Préservation des savoirs antiques :
- Les Byzantins conservent, traduisent et enrichissent les textes grecs et romains, dans les domaines de la philosophie, des sciences et de la littérature.
- Ces œuvres, préservées à Constantinople, joueront un rôle central dans la Renaissance européenne après leur redécouverte.
Résilience et rôle de rempart
L’Empire byzantin se positionne comme un bouclier de l’Europe face aux invasions venues d’Orient :
Le schisme religieux de 1054
Les divergences entre Byzance et Rome, symboles de deux visions du christianisme, atteignent leur paroxysme avec le schisme de 1054 :
L’Empire byzantin incarne un pont entre le monde antique et le Moyen Âge, préservant et enrichissant un héritage culturel qui façonne profondément l’Europe orientale et au-delà. Son rôle de rempart contre les invasions orientales et ses innovations religieuses et artistiques marquent une contribution unique et essentielle à l’histoire universelle.
Références
- Treadgold, Warren. A History of the Byzantine State and Society. Stanford University Press, 1997.
- Norwich, John Julius. Byzantium: The Early Centuries. Viking Penguin, 1988.
- Ostrogorsky, George. History of the Byzantine State. Rutgers University Press, 1969.
- Mango, Cyril. Byzantium: The Empire of New Rome. Phoenix Press, 1980.
Auteur ; Stéphane Jeanneteau
Septembre 2011