La vaste plaine d'Europe orientale, qui forme aujourd'hui la Russie, entre tardivement dans l'histoire par rapport aux régions occidentales et méridionales du continent. Aux époques où les civilisations méditerranéennes brillent déjà par leurs avancées culturelles, la Russie demeure un territoire mystérieux, connu sous le nom de Scythie, et évoqué dans des récits légendaires.
Les seules interactions avec des civilisations avancées concernent les côtes sud de cette région, longées par les navigateurs grecs dès le IXe siècle av. J.-C. Ces derniers établissent des colonies prospères, comme Olbia, près de l’actuelle Odessa, ou Panticapée, sur le détroit de Kertch. Ces cités, florissantes grâce au commerce des céréales, restent cependant fragiles, constamment menacées par des peuples nomades tels que les Scythes et plus tard les Sarmates. Ces interactions, bien que marquantes, n’ont pas laissé d’héritage culturel significatif dans la région.
La plaine russe, sans obstacles géographiques majeurs, devient un théâtre d’invasions et de migrations. Les Scythes, mentionnés par Hérodote, sont remplacés par les Sarmates, puis par les Goths au IVe siècle, avant que ces derniers ne cèdent face aux terribles Huns. Ces bouleversements illustrent une région où les peuples se succèdent, laissant peu de traces durables.
Les peuples finnois, présents dans les régions orientales, adoptent des modes de vie variés. Certains fondent des royaumes organisés comme la Biarmie, un état prospère s'étendant de la Volga à la mer Blanche. Ce royaume, riche en fourrures et produits nordiques, entretient des échanges commerciaux avec la Perse et l’Inde, tout en suscitant la convoitise des Vikings, qui lancent des expéditions jusqu’à ses temples.
La Biarmie disparaît sous les assauts mongols en 1236, et les autres tribus finnoises, moins organisées, demeurent en marge de l’histoire politique russe, restant isolées dans les forêts et les steppes.
Les Slaves, quant à eux, s’installent à l’ouest de la plaine russe, dans des régions fertiles et propices à l’agriculture. Déjà sédentaires, ils organisent leurs communautés autour de fortifications appelées gorodichtché. Leur berceau semble être le plateau central de l’isthme ponto-baltique, une région d’où ils s’étendent pacifiquement grâce à la charrue plutôt qu’à l’épée.
Cependant, les Slaves sont fragmentés, dépourvus d’une unité politique ou fédérale. Leur anarchie rend leur intégration au sein des grandes formations impériales (comme celles des Goths, Huns et, plus tard, Russes) non seulement possible, mais inévitable.
L’histoire russe entre dans une nouvelle phase avec l’arrivée des Varègues, des Scandinaves apparentés aux Vikings. Dès le VIIIe siècle, ils établissent des bases autour du lac Ladoga et du fleuve Dniepr. Selon la célèbre Chronique de Nestor, ces guerriers, appelés aussi Russes, sont invités par les tribus locales à instaurer ordre et justice dans une région marquée par les rivalités internes.
En 862, sous la direction de Rurik, les Varègues fondent un État avec pour capitale Novgorod, première pierre de la future Russie. Rurik et ses successeurs, dont Oleg, étendent leur domination vers le sud, capturent Kiev et en font un centre politique majeur. Selon la tradition, Oleg proclame Kiev comme étant « la mère des villes russes ».
Les Russes varègues, animés par un esprit d’aventure hérité des Vikings, multiplient les expéditions militaires et commerciales. Fascinés par la richesse de Constantinople (appelée Tsarigrad, la Ville Impériale), ils organisent dès 865 des raids audacieux. En 907, Oleg assiège la ville et conclut un traité de commerce avantageux avec Byzance. Ces relations marquent les débuts d’une fascination culturelle et politique réciproque entre la Russie et l’Empire byzantin.
L’adoption du christianisme sous Vladimir Ier le Grand (980-1015) est un événement fondateur. Après avoir épousé une princesse byzantine, sœur de l’empereur Basile II, Vladimir se convertit en 988 et impose cette nouvelle foi à son peuple. Ce geste ancre la Russie dans la sphère d’influence culturelle et religieuse de Byzance.
Le christianisme orthodoxe devient une religion nationale, tandis que Kiev se transforme en un centre spirituel et culturel. Les églises, l’art religieux et la littérature russes s’inspirent largement de Byzance. La Russie adopte aussi le modèle administratif et social de son puissant voisin, renforçant ainsi ses bases étatiques.
Sous le règne de Iaroslav le Sage (1015-1054), la Russie connaît un véritable âge d’or. Le souverain consolide les lois, favorise l’éducation et encourage l’essor artistique. Kiev devient une métropole brillante, rivale des grandes capitales européennes.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Novembre 2011