Introduction
Sous l'impulsion de l'empereur Justinien, l'Empire byzantin entreprend de restaurer l'ancienne gloire de Rome, notamment en Afrique du Nord, tombée sous la domination vandale depuis plus d'un siècle. En 533, la Sardaigne et la Tripolitaine échappent au contrôle des Vandales, un revers stratégique pour le roi vandale Gélimer. Tandis qu'il mobilise ses forces pour reconquérir ces territoires, Bélisaire, général de Justinien, débarque en Afrique avec une armée bien équipée et disciplinée. La confrontation qui s'ensuit à l'Ad Decimum, à dix milles au sud de Carthage, marque un tournant décisif dans cette campagne.
L'échiquier stratégique
La domination vandale en Afrique du Nord, établie au début du Ve siècle, est fragilisée par des divisions internes et des tensions avec les populations locales. En 533, la Sardaigne se soulève contre l'autorité vandale. Gélimer envoie son frère Tzazon avec 5 000 hommes pour réprimer la rébellion, laissant l'Afrique exposée à une éventuelle invasion. Bélisaire saisit cette opportunité, débarquant avec une armée de 10 000 fantassins, dont deux légions d'élite, et 5 000 cavaliers composés de mercenaires huns et hérules. Sa flotte, composée de 500 navires et 20 000 marins, lui assure une domination maritime.
Les forces en présence
Face à l'armée bien organisée de Bélisaire, Gélimer rassemble à la hâte 11 000 guerriers, composés principalement de recrues inexpérimentées. Bien que les Vandales possèdent une cavalerie redoutable, leur manque de cohésion et d'entraînement les désavantage face aux vétérans romains et leurs alliés barbares.
Le plan vandale : une stratégie prometteuse
Gélimer élabore un plan audacieux pour compenser l'infériorité numérique de ses forces. Il divise son armée en trois corps :
Bien conçu sur le papier, ce plan nécessite une coordination précise, qui fera malheureusement défaut.
Les échecs des subordonnés de Gélimer
La bataille commence par l'échec de Gibamond, dont les forces sont défaites par la cavalerie romano-hunnique. Ammatas subit un sort similaire face à l'avant-garde de Bélisaire, menée par Jean l'Arménien. La mort de ces deux commandants laisse leurs troupes désorganisées et incapables de contenir les Byzantins, qui avancent jusqu'aux portes de Carthage.
La désunion fatale des Vandales
Ignorant ces revers, Gélimer continue son mouvement offensif. Bien que sa cavalerie surpasse temporairement celle de Bélisaire, son arrivée sur le champ de bataille prend une tournure tragique lorsqu'il découvre le corps de son frère Ammatas. Bouleversé, il suspend l'assaut décisif qui aurait pu renverser la situation. Ce moment de flottement permet à Bélisaire de réorganiser ses troupes et de lancer une contre-attaque qui disperse les Vandales.
Une victoire stratégique pour les Byzantins
La victoire à l'Ad Decimum ouvre la voie à la reconquête de Carthage. Bélisaire entre dans la ville le lendemain, accueillant ses habitants comme des citoyens romains et rétablissant l'autorité impériale. Il renforce les fortifications et ancre sa flotte dans le lac de Tunis, sécurisant ainsi une base stratégique.
La chute du royaume vandale
Après leur défaite à l'Ad Decimum, les Vandales tentent de se regrouper en Numidie, espérant l'aide de leurs alliés berbères. Cependant, cette manœuvre ne fait que retarder l'inévitable. La bataille de Tricamarum, le 15 décembre 533, scelle définitivement leur sort. Le roi Gélimer, acculé, finit par se rendre, mettant fin au royaume vandale et rétablissant la province d'Afrique sous contrôle romain.
La bataille de l'Ad Decimum illustre l'importance de la discipline, de la stratégie et de la résilience dans la guerre. Bélisaire, grâce à sa supériorité tactique et à sa capacité à exploiter les erreurs ennemies, transforme un affrontement potentiellement périlleux en une victoire éclatante. Cette victoire marque le début de la reconquête justinienne, consolidant l'autorité byzantine en Méditerranée occidentale.
Sources et Références :
Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2012.