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La bataille de la Berre (737) : Une étape décisive dans la lutte contre les Omeyyades.

Contexte historique : La Septimanie sous domination musulmane

Après la conquête de Narbonne en 719 par les Omeyyades sous la direction d’As-Samḥ ibn Mālik Al-Ḫawlāniyy, la ville devient une base stratégique pour les incursions musulmanes dans le sud de la Gaule. Narbonne, en tant que garnison majeure, est essentielle pour maintenir l’influence musulmane en Septimanie et constitue une menace constante pour les territoires francs.

En 737, Charles Martel, maire du palais du Royaume franc, entreprend une campagne pour reconquérir la Septimanie après avoir remporté la victoire à Avignon. Comprenant que la chute de Narbonne pourrait signifier la fin de la domination musulmane dans la région, ʿUqba ibn Al-Ḥaǧǧāǧ As-Salūliyy, gouverneur d’Al-Andalus, envoie une armée commandée par ʿUmar ibn Ḫālid pour secourir la ville.


Déroulement de la bataille

Approche des Omeyyades

Plutôt que d’affronter directement les fortifications franques qui entourent Narbonne, les Omeyyades tentent une approche mixte : ils débarquent par mer et remontent l’Aude pour contourner les lignes de siège. Néanmoins, la reconnaissance et les fortifications établies par les Francs les contraignent à changer de plan et à progresser par voie terrestre.

Intervention de Charles Martel

Informé des mouvements ennemis, Charles Martel divise ses forces. Une partie reste pour maintenir le siège de Narbonne, tandis que l’autre marche rapidement pour intercepter les Omeyyades près de l’embouchure de la Berre, dans la région actuelle de l’étang de Bages-Sigean.

Guidés par des habitants locaux à travers les collines des Corbières, les Francs lancent une attaque surprise sur l’armée musulmane, qui est mal positionnée et n’a pas eu le temps d’effectuer une reconnaissance.

L’affrontement

Les Omeyyades résistent initialement au premier assaut grâce à leur cavalerie, mais la discipline et la ténacité des Francs prennent rapidement le dessus. Le commandant ʿUmar ibn Ḫālid est tué au cours de la bataille, et l’armée musulmane, privée de son chef, cède à la panique. Les Francs poursuivent les fuyards, infligeant de lourdes pertes, s’emparant de butin et capturant de nombreux prisonniers.


Conséquences

Une victoire tactique majeure

La défaite des renforts envoyés par Al-Andalus libère Charles Martel pour intensifier ses efforts sur le siège de Narbonne. Cependant, la résistance acharnée de la garnison, combinée à un manque de matériel de siège adapté, oblige Charles à lever le siège à l’arrivée de l’hiver.

Pillages en Septimanie

Malgré l’échec de la prise de Narbonne, Charles Martel entreprend une campagne punitive à travers la Septimanie. Les villes de Nîmes, Agde, Béziers et Maguelone sont ravagées, leurs infrastructures détruites, et leurs populations largement décimées. Ces actions affaiblissent durablement les bases musulmanes dans la région.

Une portée stratégique et symbolique

Si Narbonne reste une garnison musulmane jusqu’en 759, la bataille de la Berre marque un tournant. Elle met un coup d’arrêt aux ambitions d’expansion des Omeyyades en Europe occidentale, consolidant la défense des territoires francs et freinant les razzias. Certains historiens considèrent même la bataille de la Berre comme plus décisive que celle de Poitiers (732), en raison de son impact direct sur la reconquête de la Septimanie.


Héritage de la bataille de la Berre

La victoire de Charles Martel à la Berre illustre son rôle central dans la lutte contre les incursions musulmanes en Gaule. Bien qu’il n’ait pas réussi à reprendre Narbonne, ses campagnes affaiblissent les bases omeyyades en Septimanie et consolident la défense des territoires francs. Cet épisode prépare le terrain pour la conquête finale de Narbonne par Pépin le Bref en 759.


Sources et Références

  • Ferdinand Lot, La Fin du Monde Antique et le Début du Moyen Âge.
  • Pierre Riché, Les Carolingiens : Une famille qui fit l’Europe.
  • Clot, André, L’Espagne musulmane.
  • René Grousset, Histoire de l’Empire musulman.
  • Annales Franques, VIIIe siècle.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.