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La bataille de Lithosoria (773) : Un tournant stratégique dans les relations bulgaro-byzantines.

La bataille de Lithosoria en 773 s’inscrit dans une série de conflits récurrents entre l’Empire byzantin et le Premier Empire bulgare, marquant un épisode crucial dans la lutte pour la domination des Balkans. Cet événement illustre les rivalités complexes de l’époque, mêlant intérêts stratégiques, mouvements de populations, et manipulations diplomatiques. Cet article explore les origines, le déroulement et les conséquences de cette bataille décisive, tout en les plaçant dans leur contexte historique.


Origines du conflit : Une paix fragile mise à l’épreuve

La bataille de Lithosoria trouve ses racines dans le traité de paix de 763, signé après la défaite bulgare lors de la bataille de la plaine d’Anchialos. Cet accord visait à apaiser les tensions entre les deux puissances après plusieurs décennies de conflits sanglants. Cependant, cette paix s’avère précaire. Les Bulgares, sous la direction du khan Telerig, nourrissent des ambitions expansionnistes qui mettent rapidement à mal cet équilibre.

En 773, des espions byzantins rapportent à Constantin V que les Bulgares prévoient une campagne militaire en Berzétie, une région de Macédoine. Leur objectif : prendre le contrôle des communautés slaves et valaques locales pour les intégrer de force au territoire bulgare. Cette stratégie démographique vise à renforcer leur puissance et à affaiblir l’influence byzantine sur ces régions stratégiques.

Constantin V, empereur byzantin connu pour sa rigueur militaire et son habileté diplomatique, perçoit la menace et prépare une réponse décisive. Cependant, plutôt que de réagir immédiatement, il choisit de feindre une campagne contre les Arabes, un ennemi récurrent qui menaçait les côtes de l’Empire à cette époque.


Le déroulement de la bataille : Une surprise tactique magistrale

La ruse de Constantin V est une démonstration de stratégie militaire. Tandis que les Bulgares concentrent leurs efforts sur la Berzétie, Constantin mobilise une armée de 30 000 soldats d’élite et se dirige discrètement vers les Balkans. L’empereur, maître dans l’art de la dissimulation, surprend l’armée bulgare de 12 000 hommes à Lithosoria, une localité située dans une région montagneuse stratégique.

La bataille qui s’ensuit est brève mais décisive. Les Byzantins, mieux équipés et supérieurs en nombre, écrasent les forces bulgares. Cette victoire repose non seulement sur la surprise, mais aussi sur l’organisation disciplinée des troupes byzantines. Les prisonniers capturés lors de cette bataille deviennent un symbole de triomphe pour Constantin V.

À son retour à Constantinople, l’empereur est accueilli en héros. Il qualifie cette expédition de « noble guerre », une expression qui souligne à la fois la légitimité de son intervention et la portée morale de sa victoire. Cet épisode renforce son prestige, consolidant son autorité sur l’Empire.


Conséquences : Une paix durable mais conditionnelle

La victoire de Lithosoria ne marque pas seulement un triomphe militaire. Elle déclenche une série de développements qui réorientent les rapports entre Byzance et la Bulgarie. En mai 774, une expédition navale grecque dans les bouches du Danube contraint le khan Telerig à capituler. Les Byzantins récupèrent ainsi le contrôle des ports stratégiques de la Paristrie, notamment Kaliakra, Kallatis, Tomis, et Aegyssos.

Ces concessions affaiblissent considérablement la position bulgare dans les Balkans. Sous la pression byzantine, Telerig demande une nouvelle paix, qui sera conclue peu après. Cette trêve, qui dure près de 20 ans, témoigne de l’efficacité de la stratégie byzantine, combinant supériorité militaire et diplomatie habile.


Conclusion : Une victoire déterminante pour Byzance

La bataille de Lithosoria illustre l’art de la guerre byzantin, où ruse et stratégie se combinent pour déjouer les ambitions de leurs adversaires. Cet épisode consolide la domination byzantine dans les Balkans tout en affaiblissant les forces bulgares, offrant à l’Empire une période de relative stabilité. Plus qu’un simple affrontement, cette bataille symbolise l’ingéniosité politique et militaire d’un empire qui a su s’adapter à des menaces constantes.


Sources et références

  • Treadgold, W. T. The Byzantine Revival, 780–842. Stanford University Press, 1988.
  • Fine, J. V. A. The Early Medieval Balkans: A Critical Survey from the Sixth to the Late Twelfth Century. University of Michigan Press, 1983.
  • Kazhdan, A. (ed.). The Oxford Dictionary of Byzantium. Oxford University Press, 1991.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, Octobre 2012