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La Bataille d'Haram ou de Chramon (1125) : Une victoire décisive de Jean II Comnène.

Tensions dynastiques et rivalités frontalières

La bataille d'Haram, également appelée bataille de Chramon, s'inscrit dans un contexte de rivalités dynastiques et d'ambitions territoriales. Jean II Comnène, empereur byzantin, est marié à Piroska, une princesse hongroise, liant ainsi son destin aux affaires politiques du royaume de Hongrie. Cette union, bien que stratégique, entraîne des tensions croissantes. En accueillant Álmos, un prétendant aveuglé au trône de Hongrie, Jean suscite la colère du roi Étienne II, alors au pouvoir.

Refusant de livrer Álmos, Jean provoque une réaction militaire d’Étienne II, qui décide de traverser le Danube pour envahir les provinces byzantines des Balkans. Les attaques hongroises visent des villes stratégiques comme Belgrade, Niš et Sofia, marquant ainsi le début d’un conflit majeur. Si certains historiens situent ces événements entre 1127 et 1129, une chronologie alternative place ces hostilités dès 1125, mettant en lumière la complexité des sources historiques.

Déroulement de la bataille : une stratégie habile et une victoire éclatante

La campagne de Jean II contre les Hongrois est un chef-d'œuvre de stratégie militaire. Les Hongrois, soutenus par des alliés serbes, se retranchent à Haram, une forteresse clé située près de l’actuelle Bačka Palanka sur la rive hongroise du Danube. Dirigée par un commandant nommé Setephel, l’armée hongroise s’appuie sur la défense naturelle du fleuve pour contrer une attaque byzantine. Étienne II, malade, ne participe pas directement aux combats.

Face à cette situation, Jean II élabore une ruse audacieuse. Il mobilise des mercenaires lombards et turcs pour simuler une traversée du Danube en amont. Pendant ce temps, le gros de ses forces prépare un franchissement surprise près d’Haram. Cette manœuvre, appuyée par des archers et des projectiles lancés depuis les navires impériaux, s’avère décisive. Les Byzantins réussissent à traverser la rivière, une opération réputée périlleuse en contexte militaire.

La bataille qui s’ensuit est d’une violence extrême. La cavalerie byzantine disperse les Hongrois, et la débâcle s’accentue lorsque les forces hongroises tentent de fuir par un pont qui s’effondre sous leur poids. Les Byzantins s’emparent de Haram et de plusieurs positions fortifiées, accumulant un butin considérable. Les chroniqueurs byzantins, tels que Jean Cinnamus, décrivent cet affrontement comme une « bataille sanglante » marquant une lourde défaite pour les Hongrois.

Conséquences : une victoire aux répercussions durables

Pour les Byzantins : consolidation de la frontière et prestige impérial

Après la victoire d’Haram, Jean II ne se contente pas de sécuriser la région. Il mène un raid punitif contre les Serbes, alliés des Hongrois. De nombreux prisonniers serbes sont déportés à Nicomédie, en Asie Mineure, pour servir de colons militaires, renforçant ainsi les défenses byzantines face aux Seldjoukides. Cette démonstration de force intimide les Serbes, les contraignant à reconnaître de nouveau la suzeraineté byzantine.

Pour les Hongrois : instabilité politique et perte de territoire

En Hongrie, la défaite sape l’autorité d’Étienne II. Une révolte éclate lorsque deux comtes, Bors et Ivan, se proclament rois. Si Étienne parvient à mater cette insurrection, la fragilité de son règne est exposée. De plus, les pertes territoriales sont significatives : les Byzantins récupèrent Sirmium et consolident leur contrôle sur Belgrade, Zemun et Braničevo.

Une paix difficilement négociée

Malgré de nouveaux affrontements, Étienne II est contraint d’accepter une paix défavorable. Les Byzantins imposent leurs conditions, mettant fin à des décennies de tensions sur la frontière danubienne. La mort du prétendant Álmos en 1129 achève de stabiliser les relations entre les deux puissances.


Sources et références

  • Cinnamus, Jean. Epitome Historiarum.
  • Choniatès, Nicétas. Chronique de l'Empire byzantin.
  • Stephenson, Paul. Byzantium’s Balkan Frontier: A Political Study of the Northern Balkans (900–1204).

Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2015.