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La Bataille d’Alalia (540 av. J.-C.)

La bataille d’Alalia s’inscrit dans une période de rivalités pour le contrôle de la Méditerranée occidentale. Les Phéniciens, établis depuis longtemps, dominaient avec les Étrusques le commerce et la colonisation des côtes de la Corse, de la Sardaigne, de l’Espagne et de l’Afrique du Nord. Cependant, l’expansion grecque, débutée vers 750 av. J.-C., bouleversa cet équilibre. Les Grecs, principalement par le biais des colonies phocéennes, établirent des ports qui devinrent des centres commerciaux prospères.

En parallèle, les Phéniciens de Carthage prirent progressivement le relais de leurs cités-mères en Phénicie (notamment Tyr et Sidon), affaiblies par l’essor des empires orientaux (Babylone, Perse). Carthage devint une grande puissance maritime et économique, unifiant les colonies phéniciennes et s’opposant directement à l’expansion grecque.


Les causes du conflit

La colonisation grecque d’Alalia en 565 av. J.-C., au nord-est de la Corse, perturba l’équilibre stratégique de la région. Alalia devint rapidement un centre d’activité économique et de piraterie grecque, menaçant les colonies étrusques en Corse et en Italie, ainsi que les intérêts carthaginois en Sardaigne et en Sicile.

Les Étrusques et les Carthaginois s’allièrent pour contrer cette expansion grecque. En 546 av. J.-C., la chute de Phocée sous la pression des Perses provoqua l’afflux de réfugiés à Alalia, renforçant la présence grecque dans la région et augmentant les tensions. La piraterie phocéenne servit de prétexte pour justifier une intervention militaire conjointe.


La bataille

Hérodote, principale source de cette bataille, la situe dans la "mer sardonienne", ce qui correspond à l'est de la Corse. Les Phocéens alignèrent 60 navires, tandis que leurs adversaires étrusques et carthaginois disposaient d’une flotte de 120 unités.

  • Déroulement : Malgré leur infériorité numérique, les Grecs infligèrent de lourdes pertes à la coalition. Cependant, les pertes phocéennes furent également importantes : 40 de leurs 60 navires furent détruits, et de nombreux marins capturés par les Étrusques.
  • Conséquences immédiates : Les Phocéens, affaiblis, ne purent maintenir leur colonie. Une partie de la population quitta Alalia pour fonder Élée (ou Vélia) en Italie du Sud. Les Étrusques prirent le contrôle de l’est de la Corse, bien que la colonie grecque d’Alalia ait continué d’exister dans une certaine forme.

Conséquences à long terme

  1. Pour les Phocéens :

    • Bien que contraints de quitter Alalia, les Phocéens consolidèrent leurs autres colonies, comme Massalia (Marseille), qui prospéra dans les décennies suivantes.
    • La bataille marqua toutefois la fin de leur expansion en Méditerranée occidentale.
  2. Pour les Étrusques :

    • La victoire renforça leur influence en Corse et en mer Tyrrhénienne, mais leur domination fut limitée dans le temps, notamment face à la montée en puissance de Carthage et des Romains.
    • Le commerce étrusque connut un essor, mais l'alliance avec Carthage ne fut pas exempte de tensions.
  3. Pour Carthage :

    • La bataille permit à Carthage de confirmer sa position en Sardaigne et dans les territoires maritimes environnants.
    • Carthage s’imposa comme la principale puissance maritime de la Méditerranée occidentale, poursuivant son expansion en Sicile et en Espagne.
  4. Pour Alalia et la Corse :

    • La cité devint un centre métissé où se mêlèrent influences grecques, étrusques et carthaginoises.
    • Alalia resta active jusqu’à la prise de contrôle romaine en 259 av. J.-C., malgré une courte occupation punique à la fin de la période étrusque.

Débat historiographique et archéologique

  • Hérodote et la réalité historique : Le récit d’Hérodote est parfois considéré comme respectant une trame narrative propre à la tragédie grecque, ce qui pose la question de sa fiabilité. Par exemple, la lapidation des prisonniers grecs à Cære (ville étrusque) pourrait avoir été exagérée pour des raisons rhétoriques.
  • Archéologie : Les fouilles montrent une continuité d’occupation grecque à Alalia, ce qui nuance l’idée d’un retrait total des Phocéens après la bataille. De même, la colonisation d’Élée pourrait avoir été préparée avant le conflit.
  • Perspectives globales : La bataille illustre l’interconnexion des rivalités commerciales, politiques et culturelles en Méditerranée occidentale à cette époque.

Les colonies fondées par Phocée et par Massalia

Sources

  1. Hérodote, Histoires.
  2. Jean-Paul Morel, La Méditerranée au VIe siècle av. J.-C..
  3. Articles académiques sur les fouilles archéologiques d’Alalia (Bulletin de correspondance hellénique, Revue archéologique).
  4. Moscati SabatinoLes Phéniciens.


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Octobre 2010

Il est probable que la cité soit devenue un centre très métissé après la bataille. La défaite phocéenne doit cependant être relativisée car les Phocéens ont prospéré en Méditerranée occidentale pendant les années suivantes.