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Guerres romano-volsques (-389 /- 341)

Déroulement des affrontements des guerres romano-volsques (389-341 av. J.-C.)


Origine des tensions :

Les guerres romano-volsques, qui s'étendent de 389 à 341 av. J.-C., s'inscrivent dans une période de bouleversements sociopolitiques et territoriaux dans l'Italie centrale. Elles résultent principalement de la migration des Volsques et d'autres peuples sabelliens vers les plaines fertiles du Latium. Ces mouvements provoquent des conflits avec les Latins et Rome, qui s'efforcent de défendre leurs territoires et leurs ressources agricoles.

La menace volsque :

À partir de la fin du VIe siècle av. J.-C., les Volsques s'installent dans le sud-est du Latium, notamment dans les marais pontins et les vallées environnantes. Leur expansion menace les cités latines périphériques, forçant ces dernières à s'allier pour contrer cette invasion. L'alliance militaire du foedus Cassianum en 493 av. J.-C. entre Rome et la Ligue latine est une réponse directe à cette menace. Quelques années plus tard, les Herniques rejoignent cette coalition pour résister aux Volsques et aux Èques, un autre peuple sabellien.

Rome après le sac gaulois :

Le conflit prend une nouvelle intensité après le sac de Rome par les Gaulois en 390 av. J.-C. Cet événement affaiblit temporairement la République romaine, mais elle se relève rapidement sous la direction de chefs militaires comme Marcus Furius Camillus. Les Volsques, voyant une opportunité dans cette faiblesse apparente, intensifient leurs raids contre Rome et ses alliés latins.

Objectifs géopolitiques :

Rome cherche à repousser les Volsques tout en consolidant son influence sur le Latium et les régions environnantes. Les marais pontins, bien que difficiles à exploiter, sont stratégiquement importants pour contrôler les routes vers le sud et les ressources locales. Les Volsques, quant à eux, tentent de préserver leur autonomie face à la montée en puissance de Rome.





1. Premières confrontations (389-367 av. J.-C.)

La bataille près de Maecium (389 av. J.-C.) :

À la suite du sac de Rome par les Gaulois en 390 av. J.-C., les Volsques tentèrent de profiter de la faiblesse romaine pour attaquer. Les tribuns militaires à pouvoir consulaire, chargés de défendre le territoire romain, établirent un camp près du mont Marcius, mais furent rapidement assiégés par les Volsques. La situation désespérée des forces romaines nécessita la nomination de Marcus Furius Camillus comme dictateur, une figure déjà célèbre pour sa victoire contre Véies. Camille mobilisa une nouvelle armée, comprenant même des hommes d'âge avancé. Déjouant la vigilance des Volsques, il contourna leurs positions et attaqua à revers. Pour désorganiser l'ennemi, Camille utilisa une tactique audacieuse : profitant d'un vent favorable, il fit incendier le camp volsque. La panique et les flammes causèrent une déroute totale des Volsques. Cette victoire permit à Rome de reprendre l'initiative après le désastre gaulois, consolidant sa position face aux Volsques.

Consolidation romaine sur les marais pontins :

En 388 av. J.-C., les Romains concentrèrent leurs efforts sur les marais pontins, une région stratégique située entre les monts Lepini et la côte tyrrhénienne, où les Volsques cherchaient à renforcer leur présence. La prise de contrôle de cette zone était essentielle pour sécuriser les communications et protéger les colonies romaines. En réponse à une attaque volsque, Marcus Furius Camillus mena une expédition punitive, ravageant les terres des Volsques et renforçant la position romaine dans la région. Les marais pontins devinrent ainsi un champ de bataille récurrent entre Rome et les Volsques, marquant un nouveau théâtre de guerre où Rome démontra sa capacité à contrôler des territoires clés.

Nouvelles campagnes contre les Volsques (385 av. J.-C.) :

En 385 av. J.-C., une coalition volsque, soutenue par des contingents latins et herniques, entreprit une campagne contre Rome, espérant renverser la domination romaine. Aulus Cornelius Cossus, nommé dictateur pour faire face à cette menace, répondit avec une armée bien organisée. Lors d’une bataille décisive, Cornelius réussit à tenir les lignes romaines malgré une charge ennemie massive. La cavalerie romaine, commandée par le maître de cavalerie Titus Quinctius Capitolinus, mena une attaque décisive à revers, provoquant une panique parmi les Volsques. Ces derniers furent mis en déroute et leur camp capturé. En guise de récompense, Cornelius distribua le butin à ses soldats et célébra un triomphe à Rome, consolidant le moral romain après des années de luttes continues.

Fondation de colonies pour sécuriser les conquêtes :

Dans les années suivant ces victoires, Rome renforça son contrôle sur les territoires conquis en fondant de nouvelles colonies, notamment à Satricum et Setia. Ces colonies avaient pour objectif de sécuriser les zones stratégiques et de servir de points d’appui pour d’éventuelles campagnes futures. En intégrant des populations locales tout en maintenant une forte présence romaine, ces colonies contribuèrent à pacifier progressivement les régions autrefois sous contrôle volsque. Rome commença ainsi à transformer ces territoires en avant-postes permanents de la République, étendant son influence politique et militaire dans le Latium méridional.

Ces premières confrontations (389-367 av. J.-C.) illustrèrent non seulement la capacité de Rome à se relever après des catastrophes comme le sac de Rome, mais aussi sa résilience face à des ennemis locaux organisés. Ces affrontements établirent les bases pour les victoires plus décisives des décennies suivantes.



Bataille entre les Romains et les Volsques par John Harris Valda


2. Intensification des affrontements (383-377 av. J.-C.)

Révoltes et trahisons (383-382 av. J.-C.) :

Dans les années 380 av. J.-C., la guerre entre Rome et les Volsques connut une nouvelle escalade, marquée par des révoltes dans les colonies romano-latines. En 383 av. J.-C., Lanuvium, jusque-là fidèle à Rome, rejoignit les Volsques dans leur opposition. D'autres colonies comme Circeii et Velitrae embrassèrent également la cause anti-romaine. Les colons révoltés, divisés sur la stratégie à adopter, se regroupèrent dans une coalition renforcée par des raids sur les territoires romains. À Rome, l’épidémie de peste ralentit la réponse militaire, offrant aux Volsques et leurs alliés l’opportunité d’avancer dans la région pontine. Cependant, cette instabilité interne à la coalition vola en éclats lorsque les discussions de paix furent interrompues par une attaque volsque contre les terres romaines, mettant un terme à toute tentative de négociation.

En 382 av. J.-C., Rome lança une campagne militaire pour contenir ces rébellions. Les tribuns consulaires Lucius Papirius Mugillanus et Spurius Papirius Crassus furent envoyés pour mater la rébellion à Velitrae. Bien que les Romains remportèrent une victoire contre les forces volsques et leurs alliés de Préneste, ils renoncèrent à prendre d'assaut Velitrae, doutant de la faisabilité d’un siège prolongé. Cet épisode marqua une phase où Rome mit en priorité la consolidation de ses positions plutôt que la conquête totale.

La bataille de Satricum (381 av. J.-C.) :

En 381 av. J.-C., les Volsques, renforcés par les troupes de Préneste, capturèrent la colonie romaine de Satricum. En réponse, Rome mobilisa une armée de quatre légions, soit environ 16 000 hommes, sous la direction de Marcus Furius Camillus et Lucius Furius Medullinus Fussus. La campagne illustra les tensions internes au commandement romain. Camillus, stratège expérimenté, prôna une approche prudente en prolongeant la guerre pour user l’ennemi, mais son collègue Lucius Furius insista pour engager rapidement le combat, critiquant la lenteur de Camillus. Ce désaccord faillit coûter cher à l’armée romaine.

Lors de la bataille, les Volsques feignirent une retraite pour attirer les Romains dans une position désavantageuse. Les légions romaines, poussées par l’impatience de Furius, tombèrent dans le piège et furent encerclées. Camillus intervint avec sa réserve stratégique, stabilisant la situation et renversant le cours de la bataille. Les Volsques furent finalement vaincus, laissant un grand nombre de morts et de prisonniers. Cette victoire permit à Rome de reprendre Satricum, mais la cité fut rapidement pillée et incendiée par les Romains, à l'exception du temple de Mater Matuta, épargné après que des voix sacrées aient averti les envahisseurs.

Les campagnes dans les marais pontins (379-377 av. J.-C.) :

Les Volsques, bien que vaincus à Satricum, poursuivirent leur opposition à Rome en se regroupant dans les marais pontins, une région difficile d'accès. En 379 av. J.-C., les tribuns consulaires Caius et Publius Manlius Capitolinus furent nommés pour mener une campagne contre eux. Cependant, leur manque de prudence mena à une défaite tactique : l'armée romaine fut prise en embuscade alors qu’elle tentait de secourir ses fourrageurs. Cette perte marqua un rare revers pour Rome dans cette guerre.

En 378 av. J.-C., Rome lança une nouvelle expédition pour venger cet échec. Divisant son armée en deux groupes, les tribuns consulaires Spurius Furius Medullinus et Marcus Horatius Pulvillus menèrent une offensive contre Antium, tandis que Quintus Servilius Fidenas et Lucius Geganius Macerinus attaquèrent Ecetra. Cette campagne mit en lumière la capacité de Rome à s’adapter et à coordonner des attaques simultanées. Les villages volsques furent incendiés, leurs récoltes détruites, et les forces romaines rentrèrent triomphantes avec un butin significatif.

La défaite décisive de Satricum (377 av. J.-C.) :

En 377 av. J.-C., les Volsques et les Latins formèrent une coalition pour une nouvelle tentative d’opposition. Les forces coalisées s’installèrent à Satricum, espérant fortifier leur position. Rome, déterminée à mettre un terme à cette menace, envoya une armée sous les tribuns consulaires Publius Valerius Potitus Publicola et Lucius Aemilius Mamercinus. Après une première journée de combat marquée par un orage interrompant la bataille, les Romains reprirent l’avantage grâce à une charge de cavalerie qui déstabilisa les rangs ennemis. Les Latins, abandonnant les Volsques, se replièrent sur Antium, tandis que les forces romaines poursuivirent leur offensive.

Les Volsques, désormais isolés, capitulèrent, et leur capitale, Antium, tomba peu après. Les Latins, dans un dernier acte de défiance, incendièrent Satricum en abandonnant la ville. Rome épargna toutefois le temple de Mater Matuta, consolidant son contrôle sur la région. Cette défaite signa un coup dur pour les Volsques et marqua le début de leur intégration progressive sous la domination romaine.


3. La soumission volsque (358-341 av. J.-C.)

Consolidation romaine dans les territoires volsques (358-354 av. J.-C.)

À partir de 358 av. J.-C., Rome entama une stratégie de consolidation pour affermir son contrôle sur les territoires volsques. Deux nouvelles tribus furent créées : la tribu Pomptina dans les marais pontins et la tribu Publilia, probablement sur des terres annexées. Cette organisation territoriale marqua l’intégration progressive des terres volsques dans le système administratif romain.

En 357 av. J.-C., les Privernates, alliés aux Volsques, lancèrent une incursion dans le Latium. Rome réagit en nommant Caius Marcius Rutilus pour conduire la campagne contre Privernum. Sous son commandement, les Romains capturèrent un camp retranché devant les murs de Privernum. Après un siège rapide, la ville se rendit. Marcius Rutilus permit aux soldats de garder le butin, renforçant la fidélité des troupes et consolidant la victoire par un triomphe célébré à Rome. Ces succès affaiblirent les Volsques, désormais isolés, et ébranlèrent leur capacité à s’organiser.

Défaites décisives d’Antium et de Satricum (346-345 av. J.-C.)

En 346 av. J.-C., les Antiates, centre de la résistance volsque, tentèrent de rallier les Latins pour contrer Rome. Le consul Marcus Valerius Corvus conduisit une armée romaine contre Satricum, où les forces volsques et latines s’étaient regroupées. Après un assaut victorieux, les Volsques furent défaits et se réfugièrent à Satricum. Cependant, à l’approche des Romains, la ville capitula, et 4 000 hommes furent faits prisonniers. Satricum fut pillée et incendiée, mais le temple de Mater Matuta fut épargné, marquant un geste symbolique de respect envers les divinités locales.

En 345 av. J.-C., une nouvelle campagne fut dirigée contre Sora, une autre place forte volsque. L’attaque surprise menée par les consuls permit une capture rapide de la ville. Ces victoires successives marquèrent une réduction drastique des bastions volsques, rendant leurs territoires plus vulnérables aux incursions romaines.

La campagne finale contre Privernum et Antium (341 av. J.-C.)

En 341 av. J.-C., les Privernates, encouragés par les troubles liés à la guerre samnite et les révoltes sociales à Rome, lancèrent un dernier raid sur les colonies romaines de Norba et Setia. En parallèle, une coalition volsque dirigée par Antium rassembla ses forces près de Satricum. Rome, en pleine guerre contre les Samnites, nomma Caius Plautius Venno pour mener cette double campagne.

Plautius commença par attaquer Privernum, qu’il soumit après une bataille acharnée. Les Privernates furent contraints de céder les deux tiers de leur territoire, et une garnison romaine fut installée pour prévenir toute nouvelle rébellion. Ensuite, Plautius marcha contre les forces volsques à Satricum. Après une bataille difficile, un orage força une pause dans les combats. Profitant de la confusion, les Volsques se replièrent vers Antium, mais Plautius poursuivit leur armée et ravagea leurs territoires côtiers. La défaite de Satricum fut un coup fatal pour la résistance volsque.

Antium, la capitale volsque, finit par capituler. La ville fut intégrée à la République romaine, et ses ressources navales, notamment ses navires de guerre, furent confisquées. Les éperons des trières capturées furent utilisés pour décorer la rostra, la tribune aux harangues du Forum Romanum, symbole de la domination romaine sur les Volsques.

Incorporation dans la République romaine

Après leur défaite, les Volsques perdirent leur autonomie. Leurs terres furent progressivement intégrées au territoire romain, avec l’établissement de colonies et de tribus. Bien que les Volsques aient rejoint les Latins lors de leur dernière révolte contre Rome durant la guerre latine (340-338 av. J.-C.), leur opposition fut brève et peu marquante. La victoire romaine en 338 av. J.-C. marqua la soumission définitive des Volsques, qui furent assimilés au système politique romain avec des statuts différenciés : certaines villes reçurent le statut de colonies, d’autres furent intégrées comme cités alliées.


Conséquences

La soumission des Volsques permit à Rome de sécuriser sa frontière sud et de contrôler les marais pontins, facilitant l’accès à la Campanie. Ces succès renforcèrent l’autorité de Rome sur le Latium et posèrent les bases pour ses futures campagnes contre les Samnites. La politique romaine d’intégration, via des colonies et des statuts juridiques différenciés, permit une pacification durable de la région.


Sources et Références

  1. Tite-Live, Histoire romaine, Livres V à VIII — Chroniques des campagnes militaires romaines contre les Volsques.
  2. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre XIV — Contexte des migrations sabelliennes et des conflits en Italie centrale.
  3. Plutarque, Vie de Camille — Récits des victoires de Marcus Furius Camillus.
  4. Cornell, Tim J., The Beginnings of Rome: Italy and Rome from the Bronze Age to the Punic Wars (c. 1000–264 BC) (1995) — Analyse des guerres précoces de Rome.
  5. Forsythe, Gary, A Critical History of Early Rome: From Prehistory to the First Punic War (2005) — Contexte politique et militaire des guerres romano-volsques.

Auteur : Stéphane Jeanneteau

Décembre 2010