Au début de la Première guerre punique (264-241 av. J.-C.), la Sicile est un territoire hautement convoité en raison de sa position stratégique au centre de la Méditerranée occidentale. Rome, après avoir établi son contrôle sur l’Italie continentale, voit dans la Sicile une menace si elle reste sous domination carthaginoise, notamment en raison de la proximité de l’île avec ses territoires du sud de l’Italie. De son côté, Carthage considère la Sicile comme un pilier essentiel de son empire commercial et militaire. Agrigente, située au sud de l’île, est l’une des bases carthaginoises les plus importantes, dotée de fortifications solides et d’une position naturelle défensive. Sa capture par Rome représenterait un coup sévère pour Carthage, ouvrant la voie à la domination romaine en Sicile.
Après l’intervention romaine à Messine en 264 av. J.-C., Carthage commence à renforcer ses positions en Sicile, envoyant des troupes supplémentaires et recrutant des mercenaires celtes, ligures, et espagnols. Les Romains, décidés à sécuriser l’île, concentrent leur attention sur Agrigente, devenue la principale base militaire carthaginoise. Sous la direction des consuls Lucius Postumius Megellus et Quintus Mamilius Vitulus, une armée de 40 000 hommes est envoyée en 262 av. J.-C. pour assiéger la ville, marquant la première opération militaire romaine de grande ampleur hors de la péninsule italienne. Cette confrontation directe illustre l’escalade du conflit entre les deux puissances, chacune cherchant à affirmer sa supériorité en Sicile.
En juin 262 av. J.-C., les consuls romains établissent leurs camps à environ 1,5 km de la ville et mettent en place une double circonvallation. Cette fortification est destinée à isoler la ville tout en protégeant les camps romains contre les forces extérieures. L’armée romaine, forte de 40 000 hommes, récolte les cultures environnantes pour garantir un ravitaillement sur le long terme.
Les Carthaginois, sous le commandement de Hannibal, fils de Gisgo, lancent une sortie pour perturber les récoltes romaines, mais sont repoussés, consolidant l’étau romain autour de la ville.
Au bout de cinq mois, Agrigente est proche de la famine, mais les Carthaginois, sous le commandement de Hannon, envoient une armée de secours. Cette force assiège à son tour les Romains, coupant leur approvisionnement depuis Syracuse. Les Romains, eux aussi menacés de famine, sont aidés par le soutien logistique du roi Hiéron II de Syracuse.
Avec deux armées carthaginoises – Hannon à l’extérieur et Hannibal à l’intérieur de la ville – la situation devient critique pour les Romains. Face à cette impasse, les consuls romains proposent une bataille rangée, que Hannon accepte finalement sous la pression des conditions désespérées à l’intérieur d’Agrigente.
La bataille oppose les forces combinées d’Hannon et d’Hannibal aux armées romaines. Bien que les sources sur les détails du combat soient imprécises, les Romains remportent une victoire décisive. Cependant, dans le chaos qui suit, Hannibal et une grande partie de la garnison carthaginoise parviennent à s’échapper par les faibles points de la circonvallation romaine. Cette fuite illustre les lacunes dans l’art du siège chez les Romains à cette époque.
Après la bataille, Agrigente tombe aux mains des Romains. Les citoyens survivants sont vendus comme esclaves, et la ville devient un point stratégique sous contrôle romain. Cette victoire garantit également aux Romains un accès à la production céréalière sicilienne, essentielle pour leurs campagnes futures.
La prise d’Agrigente marque une victoire symbolique pour Rome, car il s’agit de sa première grande campagne réussie en dehors de l’Italie. Malgré les difficultés rencontrées, cette victoire confère aux Romains une confiance accrue dans leur capacité à affronter Carthage et à mener des campagnes prolongées.
La perte d’Agrigente est un revers significatif pour Carthage, qui voit son emprise sur la Sicile affaiblie. Cependant, les forces carthaginoises continuent de résister, et la guerre s’intensifie, aboutissant à une escalade des affrontements terrestres et maritimes. Rome, quant à elle, commence à investir davantage dans la création d’une flotte pour projeter sa puissance sur la Méditerranée.
En 261 av J.C-., Rome contrôlait la plupart de la Sicile et a obtenu la récolte de céréales pour son propre usage. Cette victoire dans la première grande campagne menée en dehors de l'Italie a donné aux Romains une confiance supplémentaire pour poursuivre leurs intérêts à l'étranger.
Polybe, Histoires, Livre I :
Polybe offre un récit détaillé des événements de la Première guerre punique, y compris le siège et la bataille d'Agrigente. Il met en lumière les stratégies des deux camps, les enjeux du siège et les conséquences de la prise de la ville par les Romains.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, fragments :
Bien que moins précis que Polybe, Diodore fournit des informations complémentaires sur le contexte sicilien et la présence carthaginoise à Agrigente.
Tite-Live (résumé dans les périocques) :
Les abrégés de Tite-Live mentionnent brièvement les campagnes de la Première guerre punique, incluant la prise d'Agrigente par les Romains.
Appien, Histoire romaine, Les Guerres puniques :
Appien offre une perspective sur l’importance stratégique de la Sicile et sur les actions des Romains à Agrigente, bien qu’il soit plus synthétique que Polybe.
Pierre Grimal, Histoire de la Rome antique :
Grimal analyse l’expansion romaine en Sicile et situe la bataille d’Agrigente dans le contexte plus large des guerres puniques.
Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin, Yann Le Bohec, Histoire romaine :
Cet ouvrage fournit une analyse approfondie des enjeux stratégiques de la bataille et du rôle de la Sicile dans la Première guerre punique.
Adrian Goldsworthy, The Punic Wars:
Goldsworthy examine les aspects militaires et politiques de la Première guerre punique, y compris les innovations romaines lors du siège d’Agrigente.
Michael Grant, The History of Rome:
Grant met en perspective la Première guerre punique comme un tournant dans l’expansion de Rome en Méditerranée.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2011