La bataille de Messine (265-264 av. J.-C.)

La Sicile, un carrefour stratégique

La Sicile est, à la fin du IIIᵉ siècle av. J.-C., un territoire clé en Méditerranée occidentale. Située au carrefour des routes commerciales entre l’Italie, l’Afrique du Nord, et la péninsule ibérique, l’île est convoitée par deux grandes puissances émergentes : Rome et Carthage.

• Carthage contrôle l’ouest de la Sicile, notamment des cités comme Lilybée et Panormos, et voit l’île comme une extension naturelle de son empire nord-africain.
• Syracuse, dirigée par Hiéron II, domine le sud-est et est une cité-État grecque prospère et influente.
• Le nord-est est tenu par les Mamertins, des mercenaires italiens ayant pris le contrôle de Messine en 289 av. J.-C.

Ces trois forces maintiennent un fragile équilibre. L’expansion romaine dans le sud de l’Italie et les tensions entre Syracuse et les Mamertins menacent cependant cet équilibre.

L’émergence de Rome en Méditerranée

Après sa victoire sur Pyrrhus d’Épire (275 av. J.-C.) et la soumission des peuples italiques, Rome contrôle l’Italie continentale et commence à projeter son influence au-delà de ses frontières. Cependant, jusqu’alors, Rome n’a jamais directement affronté Carthage, la puissance dominante en Méditerranée occidentale.

L’intervention de Rome en Sicile marque une rupture : il s’agit de la première fois que la République s’engage dans un conflit majeur hors de la péninsule italienne. Cette décision est motivée par des considérations stratégiques (empêcher Carthage de s’étendre vers l’Italie) et économiques (contrôler les routes commerciales siciliennes).

Les Mamertins et la crise de Messine

Les Mamertins, anciens mercenaires italiens, se sont emparés de Messine après la mort d’Agathocle de Syracuse (289 av. J.-C.), en établissant une domination brutale sur la région. Cependant, en 270 av. J.-C., Hiéron II de Syracuse mène une campagne contre eux et inflige plusieurs défaites aux Mamertins, les encerclant à Messine.

• Acculés, les Mamertins sollicitent une garnison carthaginoise pour défendre la ville. Bien que Carthage parvienne à repousser Hiéron, les Mamertins s’inquiètent rapidement de la domination punique sur leur cité.
• En 265 av. J.-C., les Mamertins expulsent la garnison carthaginoise et, pour éviter une reconquête par Carthage, demandent une alliance avec Rome.

Le dilemme romain

L’appel à l’aide des Mamertins place Rome face à un choix difficile :

• Accepter l’alliance : Soutenir les Mamertins permettrait à Rome de limiter l’expansion carthaginoise et de sécuriser l’accès à la Sicile. Cependant, cette décision pourrait entraîner une guerre coûteuse contre Carthage et nuire à la réputation de Rome, car les Mamertins sont perçus comme des opportunistes violents.
• Refuser l’alliance : Cela laisserait Messine aux mains des Carthaginois, renforçant leur influence à proximité immédiate de l’Italie.

Finalement, Rome choisit d’intervenir, en partie pour des raisons stratégiques et en partie pour répondre à la pression de ses alliés commerciaux dans le sud de l’Italie.

Carthage et Syracuse, des alliances opportunistes

En réaction à l’intervention romaine, Carthage renforce son soutien à Hiéron II de Syracuse, formant une alliance temporaire pour contrer les forces romaines. Cette coopération est cependant fragile, chaque camp poursuivant ses propres intérêts :

• Hiéron II cherche à sécuriser Syracuse contre les Mamertins et limiter l’influence romaine dans la région.
• Carthage, de son côté, veut consolider sa présence en Sicile et empêcher Rome de s’établir sur l’île.

Déroulement de la bataille

Arrivée des forces en présence

La bataille débute lorsque Rome et Carthage envoient des troupes en Sicile pour sécuriser Messine. Les Carthaginois, sous le commandement d’Hannon, arrivent en premier et établissent un campement hors de la ville. Ils s’allient avec Hiéron II de Syracuse, dont l’armée se joint à eux pour encercler Messine. Pendant ce temps, Appius Claudius, à la tête de deux légions consulaires, traverse le détroit de Messine avec l’aide de navires fournis par les alliés de Rome. Cette traversée se fait sans opposition, ce qui suggère que Carthage espérait éviter un conflit direct.

Confrontations successives

Claudius engage d’abord Hiéron II et son armée syracusaine. Bien que la cavalerie de Syracuse prenne l’avantage, l’infanterie romaine, plus disciplinée et mieux équipée, inflige de lourdes pertes aux forces syracusaines. Hiéron, découragé par l’issue du combat, décide de se retirer à Syracuse pour protéger la ville. Claudius se tourne ensuite contre le camp punique. Les combats avec les Carthaginois sont intenses, mais aucune des deux parties ne parvient à obtenir une victoire décisive. Hannon, voyant que Hiéron a quitté le champ de bataille et estimant ses forces insuffisantes pour poursuivre le siège, décide de lever le camp et de se retirer.

Avancée romaine limitée

Avec la levée du siège, Messine est sauvée de la domination punique, mais Claudius ne parvient pas à capitaliser pleinement sur cette victoire. Il mène son armée vers le sud, capturant brièvement le fort punique d’Echetla, près de Syracuse, et menace cette dernière sans pouvoir l’assiéger faute de moyens et d’une flotte. À la fin de son consulat, Claudius quitte la Sicile, laissant une garnison à Messine pour sécuriser la ville. Bien que partiellement réussie, cette campagne n’apporte pas la paix, mais marque le début d’un conflit prolongé entre Rome et Carthage.

Conséquences de la bataille

Sources

1. Polybe, Histoires, Livre I.
2. Appien, Histoire romaine, Les guerres puniques.
3. Tite-Live (résumés périocques).
4. Pierre Grimal, Histoire de la Rome antique.
5. Marcel Le Glay et al., Histoire romaine.
6. Goldsworthy, Adrian, The Punic Wars.

Auteur : Stéphane Jeanneteau

Janvier 2011