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Le  siège  d'Halicarnasse  -334

Après la chute de Milet, Alexandre reprit sa route de conquête vers le Sud. De Milet, il suivit les côtes de Carie par Iasos (ou Iasus) et Bargylia afin de prendre possession des places fortes Perses de la mer Égée de cette région, ce qui retirait à la flotte Perse toute possibilité d'installer des bases. La principale de ces places était la capitale de la région, Halicarnasse qui de fait devenait sa prochaine cible. Dans le même temps, Memnon de Rhodes, commandant mercenaire pour les Perses, avait réussi à s'enfuir lors de la débâcle de Milet et s'était réfugié avec les vestiges de son armée à Halicarnasse dont le Roi Pixodaros (340-334) s’était rangé aussi du côté des Perses. 

Une fois arrivé dans la région, Alexandre reçut la visite de la Princesse Ada, la sœur de Pixodaros, ancienne souveraine d'Halicarnasse détrônée par son frère. Alexandre joua sur les rivalités internes à la cité et nomma Ada, comme Satrape de Carie. En remerciement, Celle-ci adopta alors Alexandre comme son fils et en fit son héritier, ce qu'il accepta. À ce moment beaucoup de ville de Carie se soumirent au Macédonien, stimulées peut-être par l'exemple d'Halicarnasse, mais aussi par la crainte. Alexandre leur rendit leurs anciens régimes et leur autonomie et les exempta de tributs. Restait cependant pour le Macédonien à s’emparer de la ville qui était entourée de tous côtés de murailles puissantes, excepté au Sud, face à la mer. Halicarnasse possédait également trois forteresses, l'acropole sur les hauteurs au Nord, Salmakis (ou Salmacis) qui fermait la baie du côté Ouest et Zéphyrion, le palais royal en forme de fer à cheval, sur un îlet dominait l'entrée du port. 

Alexandre, après la prise de Milet, avait congédié la majeure partie de sa flotte et ne pouvait donc s’emparer que de la partie de la ville accessible par la terre, car la flotte Perse, numériquement supérieure, était ancrée dans le port. Les deux autres forteresses restaient donc aux mains des mercenaires Grecs du Roi Perse Darius III. Memnon reçut de ce dernier le commandement suprême de la flotte et de toutes les forces Perses. Il fut assisté du Satrape Orontopatès et du Thébain Ephialtès, qui avait juré la mort d'Alexandre depuis la destruction de sa ville. La ville elle-même était défendue par une force Perse, une garnison de mercenaires Grecs aguerrie dont Ephialtès et Thrasybule prirent le commandement.

Memnon renforça encore la ville par de nouvelles fortifications et un fossé et établit des garnisons dans les villes alentour, à Kallipolis, Kaunos, Myndos et Théra. Halicarnasse ainsi protégée devint alors un grand centre de résistance à l'armée Macédonienne où beaucoup de vaincus se réfugièrent, comme Néoptolème de Lyncestide dont la famille avait participé à l'assassinat du père d'Alexandre, Philippe II. La ville devenait dangereuse pour Alexandre car, s'il ne parvenait pas à la prendre, son armée serait alors coupée de l'Hellade et il serait alors facile aux Perses de provoquer des révoltes en Grèce.


 Mausolée d'Halicarnasse — Wikipédia

Avançant sur Halicarnasse et prévoyant un siège de longue durée, Alexandre installa son camp à moins de 2 km. des remparts de la ville à l'extrémité Nord-est de la muraille, en face de la Porte Mylasa et fit débuter les travaux. Parce que le transport de ses machines de siège était lent, ses dernières se retrouvaient à la traîne de l'armée de plusieurs jours, il était donc impossible de faire le premier jour une attaque sur la ville. Les Perses en profitèrent et tentèrent une attaque sur les avant-postes ennemis qui fut repoussée sans difficulté. Après plusieurs jours d'attente, Alexandre fit avancer une partie de son armée à environ 20 km. à l'Ouest d'Halicarnasse sur la ville portuaire Myndos. Cette ville était d'assez faible valeur stratégique, mais la garnison avait promis de se rendre si le Roi apparaissait devant la cité durant la nuit. 

Malgré l'arrivée d'Alexandre, les portes de la ville restèrent fermées et ses murs couverts de guerriers en provenance d'Halicarnasse, qui avait été déplacés par la mer. Furieux d'avoir été joué mais n'ayant pas emmené d'engins de siège, il ordonna à son infanterie lourde de commencer les travaux contre les murs défensifs. À l'aube, les habitants d'Halicarnasse remarquèrent l'absence d'Alexandre et envoyèrent par la mer des renforts à la ville assiégée. La résistance des défenseurs força le Roi à rentrer dans son campement, car s'il s'obstinait il risquait de lourdes pertes pour une ville sans grande importance et il avait besoin de tous ses hommes pour prendre Halicarnasse. Dans le même temps, ses engins de siège étaient arrivés et le siège d'Halicarnasse reprit. 

Alexandre entama les travaux. Il fit d'abords combler le fossé et niveler la section Nord-est du mur, puis les Macédoniens placèrent les tours de siège du haut desquelles les archers pouvaient déloger les défenseurs de la muraille. Mais alors qu'elles étaient presque en place, Memnon fit une sortie nocturne avec ses troupes pour les brûler. Réveillés en sursaut, les Macédoniens réagirent violemment. Après une lutte acharnée, ils obligèrent les assaillants à se replier en tuant 170 d'entre eux. Parmi les morts ennemis, les Macédoniens retrouvèrent le corps de Néoptolème de Lyncestide. Du côté Macédonien 16 guerriers tombèrent et ils eurent 300 blessés, mais aussi deux tours furent perdues. 

Les jours suivants se passèrent sans incident, avec juste des accrochages occasionnels entre les adversaires. Les assiégés prirent le temps de reconstruire la brèche dans la paroi de leur mur par un nouveau pan de mur en demi-lune à l'intérieur de la ville. Ce fut en face de cette nouvelle fortification que la nuit deux phalangistes Macédoniens du bataillon de Perdiccas, sans doute en état d'ébriété, se vantèrent réciproquement de leurs exploits. Ils s'avancèrent jusqu'au rempart et provoquèrent les défenseurs qui gardaient le mur. Ceux qui les entendirent, crurent à une attaque et effectuèrent une sortie contre les deux hommes. Ces derniers ne reculèrent pas d'un pouce et abattirent tous ceux qui s'avançaient. Cependant, le nombre d'ennemis devenant toujours plus grand, les deux phalangistes ne tardèrent pas à succomber. 

Jusque-là, leurs camarades n'avaient pas bougé restant en observateur de cet étrange combat. Toutefois, voyant qu'ils étaient en difficulté devant une force de plus en plus grande, ils intervinrent et une bataille s'engagea au pied des remparts. Les assiégés furent repoussés jusqu'aux portes, et comme cette partie était déjà largement démolie et dépourvue de défenseurs, il aurait suffi qu'Alexandre donne l'ordre d'attaque pour que la ville soit prise, mais le Roi n'intervint pas. Il voulait épargner la ville, espérant sa capitulation. Les assiégés effectuèrent une nouvelle sortie dans une attaque coordonnée durant la nuit suivante, brûlant les machines de siège, ouvrant la possibilité pour Memnon de la destruction d'une division de l'armée Macédonienne. Seule une intervention rapide avec ses guerriers pouvait sauver la situation et Alexandre intervint.

Les Macédoniens luttèrent des heures avant de pouvoir repousser les assiégés. Memnon se replia rapidement dans la ville d'où ses hommes harcelèrent les flancs Macédoniens avec leurs javelots.  En dépit de ce succès défensif Memnon ne manqua pas de se rendre compte que ce ne serait qu'une question de temps avant qu'Alexandre réussisse à écrouler le mur. Surtout que ce dernier avait donné l'ordre d'intensifier les travaux. Après avoir consulté ses officiers il prit la décision de tenter une sortie. À cet effet, il forma ses troupes en trois vagues d'attaques. Une partie s'élança à travers la brèche de la muraille là où attaquaient les Macédoniens. La deuxième vague, menée par Ephialtès devait s'élancer par une des trois portes, qui jusque-là avait été ignorée par les Macédoniens, et attaquer le flanc de leur campement. La troisième formation, sous le commandement de Memnon, devait être mise en réserve et seulement s'engager dans la lutte, une fois qu'Ephialtès aurait réussi à attirer les Macédoniens en dehors de leur camp. 

Comme prévu, la bataille fut ouverte, mais l'expérience et la discipline inconditionnelle des guerriers vétérans Macédoniens, dont certains avaient déjà combattu sous Philippe II, sauvèrent la journée. Dirigée par le garde du corps Ptolémée officier d'Alexandre qui commandait une unité d'Hypaspistes (Ne pas confondre avec Ptolémée I le futur Roi d'Égypte, 305-282), une formation de deux divisions d'infanterie légère prit une position défensive très dense, où les guerriers avec leurs boucliers se chevauchant formèrent une barrière presque impénétrable. Seuls quelques engins de siège purent être détruits avant qu'une vigoureuse contre-attaque menée par Alexandre ne soit menée.

Ephialtès malgré plusieurs duels victorieux finit par tomber, les Macédoniens parvinrent à repousser les assaillants, faisant de très nombreux morts chez les Perses qui s'enfuirent effarouchés vers la ville. Cependant, leur poids fit s'écrouler le pont étroit qui recouvrait le fossé et les Macédoniens achevèrent les survivants. Voyant cela, les soldats restés dans la ville, craignant que des hommes d'Alexandre ne pénètrent dans la cité, paniquèrent et firent l'erreur de fermer les portes trop tôt, de sorte que leurs collègues na pouvaient plus désormais regagner les murs de protection. Les Perses ainsi bloqués hors de la ville furent massacrés par les troupes de Ptolémée. Dans cette bataille, plus de 1.000 des défenseurs furent tués, tandis que du côté Macédonien il y eut seulement 40 victimes. Les troupes d'Alexandre galvanisées par ces succès voulurent forcer les portes de la ville, mais une fois encore, le Roi fit sonner la retraite, voulant épargner la cité et espérant que les Halicarnassiens renonceraient. 

Compte tenu des pertes énormes Memnon se rendit compte que la ville n'était plus tenable. Avec ses officiers, il décida de la quitter, y compris l'acropole et de déplacer sa flotte dans l'île de Cos (ou Kos), île faisant partie de l'archipel du Dodécanèse. Le surlendemain, les assiégeants virent des flammes s'élever près des murailles et le vent repousser ces flammes vers l'intérieur de la ville. L'immense incendie ravagea un grand nombre de maisons mais le feu épargna toutefois le fameux Mausolée. Des fuyards échappant à l'incendie, Alexandre apprit que Memnon et Orontopatès avaient décidé de sacrifier la ville et de ne garder que les forteresses Salmakis et Zéphyrion où Orontopatès essaya de trouver refuge avec les plus expérimentés de ses guerriers restants. Alexandre donna alors l'ordre de prendre la place. Les habitants restés chez eux furent épargnés, mais tous ceux pris propageant l'incendie furent exécutés. 

À l'automne 334, après plusieurs mois de siège, bien que les deux forteresses portuaires étaient encore aux mains des Perses, Alexandre poursuivit sa marche à l'Est de l'Asie Mineure. Le Roi laissa sur place 3.000 mercenaires et 200 cavaliers sous le commandement de Ptolémée, avec ordre de prendre toutes les places fortes encore tenues par les Perses. Puis il remit la région sous le commandement de la Princesse Ada. Il n'apprit la prise de toutes les positions Perses en Carie que durant sa campagne de Syrie. Lors de la dernière bataille pour libérer Halicarnasse, Ptolémée tua 700 fantassins et 50 cavaliers d'Orontopatès  et fit 1.000 autres combattants prisonniers. La menace de la flotte Perse pouvant séparer Alexandre de la Grèce ayant disparu, le Roi put reprendre sa route pour prendre possession de l'Empire Perse. 

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