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Les Arméniens

Les Arméniens : Une Civilisation Millénaire à la Croisée des Empires

L’histoire des Arméniens, peuple de langue indo-européenne, témoigne de leur résilience et de leur adaptation dans une région stratégique de l’Antiquité. Entre influences hourrites, perses, hellénistiques et romaines, l’Arménie a évolué pour devenir une civilisation unique, marquée par ses souverains, son organisation sociale et sa position géopolitique entre l’Orient et l’Occident.


Origines et Formation de l’Arménie

Les Arméniens sont issus d’un rameau isolé de la famille linguistique indo-européenne. Leur arrivée dans les vallées du Haut-Euphrate au début du Ier millénaire av. J.-C. coïncide avec l’existence du royaume d’Ourartou, fondé par des tribus hourrites pour résister aux incursions des Assyriens.

Le Royaume d’Ourartou

  • Puissance et organisation : L’Ourartou excella dans la métallurgie et l’élevage des chevaux. Son réseau de forteresses témoignait de sa capacité défensive, visible encore aujourd’hui à travers des sites archéologiques impressionnants.
  • Déclin : Au VIe siècle av. J.-C., le royaume fut affaibli par les attaques des Scythes et finalement détruit par les Mèdes en 590 av. J.-C.

Naissance de l’Arménie

Les Arméniens, franchissant l’Euphrate après la chute de l’Ourartou, assimilèrent les populations locales et imposèrent leur langue. Le terme Arménie apparaît pour la première fois dans l’inscription trilingue de Behistoun (VIe siècle av. J.-C.), où Darius le Grand mentionne la région sous le nom d’Arminia.

La première inscription indiquant le pays arménien signalée dans l’Atlas historique arménien Tablette babylonnienne au British Museum  

L’Arménie sous les Empires Perses et Hellénistiques

Dominance achéménide

  • Sous l’empire perse achéménide, l’Arménie devint une satrapie, administrée par des gouverneurs locaux tels qu’Oronte, fondateur de la dynastie des Orontides.
  • Les Arméniens adoptèrent plusieurs aspects de la civilisation iranienne, intégrant des éléments culturels et religieux zoroastriens.

Période hellénistique

Après la conquête de l’empire perse par Alexandre le Grand (IVe siècle av. J.-C.), les Orontides prirent le titre de rois, mais maintinrent une relative indépendance vis-à-vis des Séleucides, successeurs d’Alexandre dans la région.

Tigrane II le Grand

Les Dynasties Arméniennes

Les Orontides (IVe-IIIe siècles av. J.-C.)

Les Orontides furent les premiers souverains autonomes d’Arménie. Bien que influencés par les cultures perses et grecques, ils posèrent les bases d’une identité arménienne distincte.

Les Artaxiades (188 av. J.-C. – Ier siècle av. J.-C.)

Fondée par Artaxias, cette dynastie fit de l’Arménie un royaume puissant et centralisé. La capitale, Artaxata, devint un centre politique et économique.

Le Règne de Tigrane II le Grand (95-55 av. J.-C.)

Tigrane II, le plus célèbre des rois arméniens, porta le royaume à son apogée :

  • Expansion territoriale : Sous son règne, l’Arménie s’étendit de la mer Caspienne à la Méditerranée, contrôlant des régions de l’Irak, de la Syrie et de la Cilicie.
  • Tigranocerte : Il fonda une nouvelle capitale, témoignage de son ambition et de son pouvoir.
  • Conflits avec Rome : L’expansion de Tigrane inquiéta les Romains, qui déclarèrent la guerre. Le général Lucullus s’empara de Tigranocerte en 69 av. J.-C., forçant Tigrane à renoncer à ses conquêtes.

L’Arménie entre Rome et les Parthes

Après Tigrane, l’Arménie devint un État tampon entre l’Empire romain et l’Empire parthe :

  • Les souverains arméniens étaient souvent choisis parmi les familles royales parthes ou sous influence romaine.
  • En 66 ap. J.-C., l’empereur romain Néron couronna le parthe Tiridate Ier comme roi d’Arménie, établissant la dynastie arsacide, qui dura jusqu’en 428.

Organisation Féodale et Société

Sous les arsacides, l’Arménie adopta une organisation sociale de type féodal :

  • Nakharars : Les grandes familles nobles, comme les Mamikonian et les Bagratouni, dominaient la société. Elles jouaient un rôle clé dans la défense du royaume, fournissant des contingents militaires au roi.
  • Cette structure sociale féodale perdura même après la chute de la monarchie en 428, influençant durablement l’histoire arménienne.

Héritage de Tigrane II le Grand

Tigrane II reste l’un des symboles les plus emblématiques de l’Arménie antique :

  • Son règne marqua le sommet de la puissance arménienne.
  • Sa capitale, Tigranocerte, et ses campagnes militaires illustrent l’ambition et la résilience arméniennes face à des puissances régionales majeures.

Références et Sources

  1. Hérodote, Histoires.
  2. Strabon, Géographie, Livre XI.
  3. Procope de Césarée, Histoire des guerres.
  4. Lang, D. M., Armenia: Cradle of Civilization (1970).
  5. Toumanoff, C., Studies in Christian Caucasian History (1963).
  6. Garsoïan, N., The Emergence of Armenia (1997).


Auteur : Stéphane Jeanneteau

Février 2009