Quand Valens Auguste reçut un appel désespéré des Wisigoths au printemps 376 apr J.-C, il ne le repoussa pas. Cette décision souligne le dilemme qui régnait entre les deux moitiés de l'Empire romain divisé.
Valens (vers 364 à 378 apr J.-C.) était un homme indécis qui devait son pouvoir à son frère aîné Valentinien, chef dynamique de la moitié occidentale de l'Empire. Lorsque Valentinien mourut, ses héritiers, Gratien, âgé de seize ans (vers 375 à 383), et Valentinien II, âgé de quatre ans (vers 375 à 492), étaient bien trop jeunes pour être consultés. Valens fit donc appel à ses ministres pour traiter le problème des Wisigoths. La cour se tenait temporairement à Antioche, en Syrie, du fait d'un conflit imminent contre la Perse. Refuser d'aider les Wisigoths signifiait se battre sur deux fronts, et l'empereur savait que ses troupes n'étaient pas suffisantes. Les chefs Wisigoths Fritigern et Alavivus avaient promis de se convertir au christianisme arien et de fournir de nouvelles recrues. Cette solution était doublement bénéfique : elle renforçait l'armée romaine et soulageait les propriétaires locaux de leur devoir d'envoyer des troupes ; au heu de cela, ils payeraient des taxes en or dont l'Empire avait grand besoin. De plus, les Wisigoths formaient un rempart aux frontières contre les Huns.
En retour, il fallait les nourrir avant de leur allouer des fermes. Le passage du Danube fut remis entre les mains de deux administrateurs romains peu brillants, Lupicinus et Maximus dont le seul but était de tirer profit de la situation. Ils sous-estimèrent le nombre des réfugiés et la logistique des opérations. Au lieu d'être dispersés, les réfugiés furent entassés dans des conditions épouvantables près du Danube. Leurs objets de valeur furent confisqués pour payer le mauvais ravitaillement qu'on leur fournissait et la famine se faisant sentir, la situation empira.
Lupicinus se montra aussi incompétent qu'il était corrompu. N'étant pas parvenu à désarmer les guerriers wisigoths, ses forces furent pratiquement décimées par les Barbares révoltés. Les Wisigoths se livrèrent à un déchaînement de violence à travers la Thrace et la Mésie (Bulgarie moderne). Pour Valens, c'était la catastrophe. Il fut forcé de retirer ses troupes d'Arménie, de les masser sur le Danube et tenta de contenir, en vain, les envahisseurs pendant deux ans. En août 378, Valens lui-même affronta les Wisigoths à la bataille d'Andrinople (Edîrne, en Turquie européenne).
La bataille se révéla désastreuse, ses éclaireurs lui ayant fourni des informations erronées sur le nombre de ses ennemis. Les Wisigoths se jetèrent avec fureur sur les légions, et, selon l'historien contemporain Ammien Marcellin, "dans le grand tumulte, les fantassins, épuisés par les efforts et les périls du combat, n'étaient plus capables de penser ou de faire des plans ; les lances cassées, ils se jetèrent témérairement, l'épée à la main dans la masse des ennemis, sans souci de leur vie qu'ils ne pouvaient maintenant plus sauver".
LES WISIGOTHS S'INSTALLENT
Les deux tiers de l'armée furent perdus et Valens mourut au cours de la bataille. Le chaos fut tel qu'aucun des survivants romains ne put dire où et quand l'empereur avait été tué. Pour les Wisigoths, la victoire fut complète, mais de courte durée. Peu doués dans l'art du siège, ils furent repoussés chaque fois qu'ils tentèrent de prendre une garnison romaine. Dans la crise, Gratien rappela Flavius Théodose, le fils de l'ancien officier de son père, qui se trouvait chez lui en Espagne. En janvier 379, âgé de 32 ans, Théodose (vers 379 à 395) fut nommé Auguste de l'Empire d'Orient. En 382, il négocia un traité par lequel les Wisigoths pouvaient s'installer en Thrace en tant qu'allié fédéré de Rome avec le droit de servir dans l'armée romaine sous le commandement de leurs propres chefs de tribus. La paix était installée, mais elle n'était que transitoire.
Théodose était un chrétien fervent ; il supprima toutes les religions païennes en 391 et fonda les États chrétiens orthodoxes, ce qui lui valut le titre de "Grand". Il ne resta pas longtemps à Constantinople en raison des événements qui se déroulaient en Occident.
Gratien, qui avait remporté une grande victoire sur les Alamans, fut assassiné à Lyon sur les ordres de l'usurpateur Maxime. D'obsc ure origine espagnole, Maxime devint gouverneur de Bretagne où il fut proclamé empereur d'Occident en 383 par ses troupes. Maxime établit sa capitale à Trêves et demanda à Théodose de le reconnaître. Puis il envahit l'Italie en 387. Valentmien II, frère de gratien et co-empereur, se tourna vers Théodose pour lui demander sa protection. Celui-ci organisaune expédition pour reprendre l'Italie. Maxime fut battu et tué en 388, et Théodose remit Valentinien sur le trône d'Occident sous la surveillance d'un général franc, Arbogast. Theodose résida à Milan et à Rome durant trois ans avant de regagner Constantinople.
L'année suivante, Valentinien fut retrouvé pendu et Arbogast fut élu empereur. Une fois encore, Théodose et son général Stilicon marchèrent sur l'Italie et battirent Arbogast près d'Aquilée. Théodose s'installa alors à Milan d'où il gouverna tout l'Empire. De son lit de mort, le 17 janvier 395, il divisa formellement l'État en deux: l'Empire romain d'Orient qu'il confia à son fils aîné, Arcadius, âgé de dix-sept ans, et l'Empire romain d'Occident qu'il remit à son second fils, Honorius, âgé de onze ans.