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Les Celtes des Iles britaniques

La plupart des mouvements culturels et technologiques qui se sont répandus à travers le monde celte de l'âge du fer ont mis longtemps à atteindre les îles Britanniques, isolées du reste de l'Europe par la Manche. Ce fut le cas des Romains qui parvinrent cependant à supprimer la civilisation celte. À la suite de l'invasion de l'île de Bretagne par les troupes romaines vers le milieu du 1er siècle après J.-C, des groupes celtes indépendants surgirent dans les régions les plus reculées, dans des territoires que les envahisseurs estimaient trop difficiles à conquérir. Les Brittons, qui formeront plus tard l'Angleterre et le pays de Galles, se soumirent au pouvoir romain et firent partie intégrante de la société romano-britannique. Mais des traces de leur flamboyant passé celte demeurèrent : en Cornouailles, en Ecosse et en Irlande, les Romains ne s'implantèrent jamais vraiment, laissant la vie s'écouler comme avant leur arrivée.

Bien que les îles Britanniques aient été habitées par les Celtes, il ne semble pas qu'elles aient eu un langage commun. En effet, tandis que les tribus du Sud avaient une langue proche du gaulois parlé sur le continent, dans le Nord différents dialectes prévalaient. De la même manière, dans ce qui est aujourd'hui l'Ecosse et l'Irlande, d'autres divisions linguistiques bloquaient toute tentative d'unification de ces îles celtes situées au large de l'Europe.

D'un autre côté, l'Irlande et l'île principale de la Grande-Bretagne consistaient en une juxtaposition de petites unités politiques tribales n'ayant peu ou pas le souci d'unité. Les grands rois ont régné en Irlande, mais, dans la plupart des cas, les alliances plus vastes étaient des arrangements purement temporaires, mis en place pour aider une confédération de tribus à combattre un ennemi extérieur commun.

En raison de l'assujettissement du sud de l'île de Bretagne au pouvoir romain, les Celtes vivant à l'intérieur des frontières de l'Empire romain devinrent des sujets de l'empereur. Profitant du développement du commerce, ces peuples romano-britanniques bénéficièrent des avantages économiques et culturels du monde romain. Au pays de Galles et en Cornouailles, bien que sous l'influence de Rome, la nature celte de la société resta relativement proche de ses origines en raison de sa situation aux confins de l'Empire.

Plus loin, en Irlande et dans le nord de l'Ecosse, les Celtes qui ne se trouvaient pas sous la domination romaine continuèrent à se développer et, lorsque Rome déclina, ces peuples devinrent de terribles prédateurs pour la Bretagne romaine. La culture celte ne disparut pas sous la pression de la conquête du sud de l'île par les Romains. Ici et là, elle fut seulement dissimulée par un semblant de civilisation.

LES BRITTONS DU SUD

Avant l'arrivée des Romains, l'île de Bretagne était constituée d'un ensemble disparate de régions tribales, dirigées chacune par un roi. Si les plus puissants des chefs pouvaient demander assistance aux tribus voisines en temps de crise, il n'y avait pas d'unité politique. Les Romains exploitèrent ce morcellement et les Celtes eurent beaucoup de mal à s'opposer à l'invasion romaine.

Dans le sud-est de l'île en 55 et en 54 avant J.-C. Des troubles militaires et politiques dans le monde romain avaient empêché toute invasion durant un siècle, mais les Romains et les Gallo-Romains du continent faisaient du commerce avec les Celtes du sud de l'île de Bretagne. De plus, les Romains recherchaient des informateurs et des espions, et tentaient de déstabiliser le pays en scellant des alliances avec les chefs brittons. I'organisation tribale morcelée du pays celte encourageait la politique romaine qui consistait à diviser pour régner, ce qui rendit de précieux services à César durant sa conquête.

Des tribus belges s'étaient installées dans la corne sud-est de l'île de Bretagne au détriment d'autres tribus celtes qui avaient dû se déplacer vers le nord. Ces peuples étaient des Gaulois qu avaient dû traverser la Manche sous la double pression d'un accroissement de la population dans le nord de la Gaule et de Germains venus de l'est. Au milieu du 1er siècle avant J.-C, le territoire des tribus belges de l'île s'étendait de la côte de la Manche jusqu'aux sources de la Tamise, au pied des Costwolds.

Parrmi les tribus belges, en dehors de celle qu portait ce même nom de " Belges ", existaient également les Atrébates au sud de la Tamise et les Catuvellauni installés au sud du Wash. Quelques tribus de l'île de Bretagne avaient entretenu des liens avec les romains de Gaule, comme les Icéniens, les habitants du Cantium et les Trinovantes, tous installés non loin des ports gallo-romains. 

Les tribus plus lointaines de l'île de Bretagne ne se soumirent pas. Les Parisi, les Silures et les Brigantes, installés au centre de l'île, avaient peu, voir pas de contacts avec le monde romain avant l'invasion romaine, et ils étaient prêts à défendre leur indépendance à n'importe quel prix. Plus à l'ouest, dans l'actuel pays de Galles, les tribus de la région tentèrent de s'allier avec toute tribu Celte qui s'opposerait à la domination romaine. Cette résistance ne faiblit pas jusqu'à la destruction du pouvoir Celte et druidique à Anglesey, en 61 après J.-C. 

Parmi les vingt principaux groupements tribaux qui existaient au sud du golfe de Solway au 1er siècle après J.-C, il est difficile de savoir lesquels avaient fait allégeance ; on ne connaît que les liens culturels des tribus belges et les liens économiques des tribus de la côte est. Les chefs militaires comme la reine Boudicca rassemblaient les tribus en temps de crise, mais ces unions étaient temporaires. Ce manque endémique d'unité finit par avoir raison de la civilisation Celte. 

Le commerce était florissant durant la période celte préromaine dans l'île de Bretagne. La monnaie y fut introduite par les Belges, et durant le 1er siècle après J.-C, on en battait dans différents endroits au sud de l'île. Des objets venant de toute l'Europe ont été découverts dans des sites celtes de la région datant de cette période. Il existe même des preuves d'un petit commerce de vin relativement actif entre le sud de l'île et la Méditerranée. Le nom moderne du port de Douvres dérive du mot celte dovr ou dwfr qui signifie "eau", et il est presque certain que ce port servait à faire du commerce entre les territoires des Belges des deux côtés de la Manche. Juste avant l'arrivée des romains dans le Kent, la société du sud de l'île était énergique et active. Elle était parfaitement capable d'utiliser ses forces pour se protéger.

LES CORNOUAILLES

Avant l'invasion de l'île de Bretagne par les romains au millieu du 1er siècle après J.-C, la Cornouailles était le pays des Cornoviî ; il ne fut pratiquement pas touché par l'occupation romaine. Le commerce entre les Cornovii et les Romains était florissant ; la ville romaine d'Exeter était le centre de l'exportation de l'étain de Cornouailles et d'autres produits gallois. Quand les Romains quittèrent l'île de Bretagne au début du Ve siècle après J.-C, la Cornouailles (ou Kernow) resta prospère et continua de commercer avec le royaume romanisé de Dumnonia à l'est et celui de Cornouaille en Bretagne.

LES GALLOIS

L'absence de sources écrites rend obscurs les débuts de l'histoire des Brittons du pays de Galles, l'archéologie souligne l'existence de liens commerciaux entre l'Irlande, le pays de Galles et le reste de l'île de Bretagne bien avant l'arrivée des Romains au 1er siècle après J.-C. Quatre tribus celtes occupaient la région : les Deceangli au nord-est, les Ordovkes au nord-ouest, les Demetae au sud-ouest et les Belges au sud-est, qui possédaient des territoires qui s'étendaient de l'estuaire du Severn jusqu'au Soient.

L'île d'Anglesey (Mona) servit de refuge aux druides. Quand le gouverneur romain Paulinus Suetonius prit l'île au milieu du 1er siècle après J.-C, îl détruisit le pouvoir druidique qu'il considérait être l'instigateur de la résistance contre Rome. Des chroniqueurs gallois rapportent que la région prospéra sous la domination des Romains, et que leur retrait de l'île de Bretagne au début du Ve siècle après J.-C. la rendit vulnérable aux attaques des Irlandais. Les Romains n'avaient laissé aux chefs celtes locaux que la direction de leurs propres affaires, et soudain ils furent responsables de la défense de leurs royaumes indépendants.

LES IRLANDAIS

Alors que les îles Britanniques - à l'exception des îles les plus au nord - sont tombées sous la domination romaine, l'Irlande ne fut jamais conquise. L'historien romain Tacite rapporte, dans sa Vie d'Agricola, que le général romain se tenait sur la côte ouest d'Ecosse et regardait, par-delà la mer d'Irlande, l'île d'Emeraude. Il avait certainement pensé à la conquérir, mais ne fit aucune tentative, sans doute parce que l'Irlande manquait de tout ce dont Rome avait besoin. L'Irlande et le nord de l'Ecosse restèrent des bastions celtes, aux confins du monde romain.

A l'âge du bronze, l'Irlande était occupé par un peuple, les Ériens (les Iverniens de Ptolémée). Des chroniqueurs irlandais plus tardifs racontent que ces peuples étaient divisés en quatre tribus, correspondant aux provinces (ou fifths) de l'Ulster, du Leinster, du Munster et de Connaught Ces Irlandais anciens étaient probablement des Protoceltes qui habitaient en Europe de l'Ouest. La mythologie celte d'Irlande raconte qu'à cette époque, le pays unifié était gouverné par un grand roi, ce qui est pure spéculation comme l'est l'idée selon laquelle

Le morcellement politique qui se fera jour plus tard existait déjà. Au 1er siècle après J.-C, la province de Munster était la plus importante de l'île. Son chef ou son roi exerçait une influence sur une grande partie du sud de l'Irlande. Sa cour se tenait à Tara, dans le comté de Meath. Le site était à une altitude de 155 mètres et comportait un oppidum et un enclos circulaire de réunion, appelé plus tard le Rath of Synods.

En dehors d'éventuelles bribes de preuves archéologiques ou d'histoires mythologiques de chroniqueurs irlandais plus tardifs, on sait peu de chose de la société irlandaise et de la culture de La Tène ou même d'avant. Les premières preuves solides datent de l'époque du retrait romain de l'île de Bretagne, vers le début du Ve siècle après J.-C. À cette époque, les Irlandais avaient une structure tribale et une organisation sociale semblables à celle qui existait en Gaule depuis plus de cinq cents ans.

L'Irlande était un assemblage de petits royaumes indépendants. Il n'y avait pas trace de grand roi ni d'État unifié. Les seuls facteurs d'unité étaient la langue, les pratiques religieuses et la structure sociale. 

LES CALÉDONIENS ET LES PICTES

Dans le nord lointain, non conquis, de l'île de Bretagne, les romains rencontrèrent la résistance des Calédoniens, qui représentaient un tel danger que les envahisseurs construisirent le mur d'Hadrien pour les tenir à distance. Deux siècles plus tard, le même peuple fut appelé Picte ou "peuple peint". Ces gens mystérieux ont laissé peu de traces derrière eux, mais leur héritage survit dans des centaines de monolithes sculptés, très énigmatiques.

Depuis 7500 avant J.-C, au Néolithique, ils étaient devenus fermiers et constructeurs de tumulus funéraires. Des cercles de pierres levées, comme l'anneau de Brodgar dans les Orcades, sont les témoins muets des hauts faits de ces premiers Écossais. On sait que les échanges culturels avec le continent, qui caractérisaient l'âge du bronze, étaient moins courants à l'époque celte. Par contre, l'Ecosse du début de l'âge du fer, plus insulaire, présentait des caractères communs avec l'Irlande et le sud de l'île de Bretagne. Les Celtes d'Ecosse n'étaient pas des tribus venues d'ailleurs, mais les descendants directs des peuples de l'âge du bronze qui les avaient précédés.

Durant le 1er siècle après J.-C, l'Ecosse était une région peuplée de tribus celtes. Ses territoires étaient divisés en seize régions tribales. Quatre de ces peuples étaient installés au sud de la ligne Forth-Clyde, ce qui est actuellement le sud de l'Ecosse. Parmi les tribus du Nord, les Calédoniens habitaient le Great Glen, une dépression glaciaire qui comprend le loch Ness. Au nord de leurs territoires se trouvaient ceux des Creones, des Decantae, des Carnonacae, des Lugi, des Smertae et les Cornavii. Au nord-est de l'Ecosse se trouvaient les Vacomagi, les Texali et les Venicones ; les Epidii habitaient l'Argyll moderne.

Le géographe grec Ptolémée, qui écrivait au IIe siècle après J.-C, avait noté ces noms de tribus. S'il existait de plus petits groupes, on ne connaît pas leurs noms. Lors des premiers contacts des Romains avec les Celtes écossais à la fin du 1er siècle après J.-C, les tribus du nord étaient connues sous le nom général de Caledonii ou Calédoniens. L'historien romain Tacite racontait que ces hommes du Nord avaient " des cheveux rouges et des membres massifs" et les distinguait de leurs voisins du Sud. Ces tribus se sont réunies en une grande coalition calédonienne.

Agricola pénétra en Ecosse en 79 après J.-C. En 84 après J.-C, il infligea une défaite aux Calédoniens au mont Graupius. Malgré cette victoire, Agricola replia ses forces dans le sud de l'Ecosse. Par la suite les Romains effectuèrent bien quelques expéditions punitives en Calédonie, mais ils ne l'occupèrent pas. Au IIIe siècle après J.-C, les Calédoniens sont remplacés par les mystérieux Pictes. 

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