L'un des résultats des conquêtes du IIème siècle est le nombre prodigieux d'esclaves qui vont s'établir en Italie. Une des premières révoltes d'esclaves connues à Rome date de - 501, les esclaves ont été crucifiés. Deux autres révoltes au Vème siècle, parviennent à occuper le Capitole et sont châtiées de la même manière. Plusieurs autres révoltes sont liées aux deux premières guerres puniques. Les suivantes au début du IIème siècle ont lieu dans le Sud de l'Italie puis en Etrurie. Trois de ces conflits sont particulièrement signalés.
LA PREMIÈRE GUERRE SERVILE (- 139 - 132)
Elle se tient en Sicile où travaillent de nombreux esclaves dans les latifundia ou comme bergers. L'origine de la révolte vient de la cruauté d'un propriétaire nommé Damophile et de sa femme, dans la région d'Enna, contre lequel ses esclaves se révoltent. Dirigés par Eunus, un berger syrien magicien et prophète qui tue son propriétaire Antigène, comme l'écrit Diodore, la troupe de 400 esclaves entre dans les maisons d'Enna et massacre les habitants. Les esclaves libèrent leurs camarades qui les rejoignent. Le gouverneur L. Plautius Hypsæus ne dispose que d'une milice et il est écrasé par Eunus. Cette troupe grossit rapidement et compte vite plusieurs milliers de révoltés qui continuent de libérer les esclaves des ergastules et ravagent les fortins, villages et villes, s'emparant de Taormina, Heraclea et Morgantina. Une autre troupe, menée par Cléon de Cilicie, regroupe 5000 hommes, dans le sud de l'île et ravage les environs d'Agrigente. Les deux troupes d'esclaves fusionnent sous le commandement d'Eunus qui est élu roi, sous le nom d'Antiochus et prépare un royaume d'esclaves avec des assemblées et une monnaie. Cléon est un bon militaire et les deux hommes se complètent bien. Les meilleures troupes romaines sont à ce moment, mobilisées en Hispanie.
De - 138 à - 135, tous les prêteurs envoyés contre Eunus sont vaincus et l'effectif de la troupe d'esclaves dépasse les 60 000 hommes. Le Sénat envoie les troupes consulaires et en - 133, à Messana, le consul Calpurnius Pison est le premier à remporter une victoire face à l'armée servile, la région de Morgantina est reconquise pendant qu'une révolte d'esclaves éclate dans le Latium. L'année - 132 voit la fin de la révolte avec la campagne du consul Publius Rupilius qui reprend les villes de Taormina et d'Enna en affamant les esclaves assiégés. Cléon est tué, Eunus est capturé et le général Marcus Perperna écrase les esclaves survivants qui sont mis en croix. La Sicile reconquise est réorganisée.
LA DEUXIÈME GUERRE SERVILE (- 104 -101)
Cette révolte commence en Campanie. Un chevalier romain, Vettius, criblé de dettes, arme ses esclaves et tue ses créanciers. Il prend le diadème et la pourpre, s'entoure de licteurs et appelle à lui tous les esclaves campaniens. Il rassemble 3 500 esclaves mais Le prêteur Lucullus accourt en toute hâte avec dix mille hommes. Vettius, trahi se donne la mort.
En pleine guerre de Cimbres et des Teutons, le Sénat, pour s' assurer des alliés en Asie, décide que tout homme libre, originaire d'un pays allié, et retenu injustement dans l'esclavage, soit déclaré affranchi. Aussitôt, huit cents esclaves se présentent au prêteur de Sicile, et sont rendus à la liberté. Bien entendu, de nombreux esclaves les imitent, la plupart d'entre eux sont la propriété des chevaliers romains que les magistrats de province n'osent contrarier. Les esclaves furieux de voir leur droit bafoué se révoltent et par chance, s'emparent d'un stock d'armes de la garnison d'Enna. A l'Ouest de l'île, un certain Salvius, rassemble 20 000 combattant et 2 000 cavaliers et manque d'enlever la forte place de Murgantia. A l'ouest, Athenion, lève 10 000 hommes et se constitue une armée, mais il n'enrôle pas les esclaves, il les renvoie aux champs. Le premier, un ancien chef de brigands, se proclame le roi Tryphon. Le second reconnaît l'autorité de Tryphon.
En - 102, le prêteur Lucullus arrive d'Italie avec l'armée que le Sénat a pu lui confier en pleine guerre des Cimbres. Athenion risque la bataille et les révoltés tiennent bon, mais le voyant tomber, ils s'enfuient et s'enferment dans la cité de Triocale. Peu de temps après le roi Tryphon meurt. Lucullus cesse le siège et licencie son armée quand il apprend qu'on lui a choisi un successeur, Servilius. Athenion qui n'est pas mort, succède à Tryphon et il empêche Servilius d'agir. Le Sénat furieux exile Servilius et se résout à envoyer l'armée consulaire commandée par le consul Marius Aquilius Nepos, en - 101. Celui ci occit Athenion en combat singulier et disperse ses troupes. Il en capture un petit nombre qu'il envoie à Rome. Ils sont destinées aux fauves mais ils se suicident avant. Un nombre important d'esclaves a disparu dans ces deux guerres et des règles strictes leurs sont imposées leur interdisant toutes sortes d'armes.
LA TROISIÈME GUERRE SERVILE, SPARTACUS (- 73 -71)
Cette fois ci, c'est dans l'école de gladiateurs de Lentulus Batiatus que tout démarre. La révolte est spontanée. Spartacus est un Thrace contraint de servir pour l'armée romaine comme auxiliaire et qui a déserté. Devenu bandit, il est capturé et vendu comme esclave. Acheté par une école de gladiateurs de Capoue, il devient rapidement un meneur. Une nuit, volant des couteaux pour s'en faire des armes, il s'échappe avec 73 compagnons, Thraces, Gaulois, Germains etc. Avec lui, Crixus et Oenomaus, des Gaulois, récemment tombés en esclavage, animent le mouvement. Ils réussissent à prendre le contenu d'un chariot contenant des armes, sont rapidement 300 et se réfugient sur les pentes du Vésuve.
Le Sénat ne réagit qu'au moment où les esclaves sont plusieurs milliers et opèrent des coups de main contre les grandes propriétés et il envoie le prêteur Claudius Glaber avec quelques cohortes d'auxiliaires, environ 3 000 hommes. Glaber se contente de bloquer les esclaves pour les affamer. Spartacus ne tente pas de livrer bataille aux troupes de Glaber car son armée est trop mal équipée. Il profite du terrain car une pente vertigineuse n'est pas gardée par les Romains. Il fait descendre, de nuit et en silence, ses hommes par des échelles construites sur place avec des sarments de vigne et surprenant les auxiliaires de Glaber par derrière, en élimine un grand nombre.
Pourvue des armes des auxiliaires vaincus et après un tel succès, cette troupe attire de nombreux esclaves et en particulier les bergers habitués à porter des armes. Rome envoie aussitôt un autre prêteur pour réduire Spartacus, Publius Varinus, avec plus d'hommes mais d'aussi piètre qualité. Son légat, Lucius Furius, est mis en déroute, avec trois mille hommes. Cossinius vient avec des forces considérables mais il est surpris par Spartacus au cours d'une halte : il se baignait et il manque de se faire capturer comme nous le relate Plutarque. Mais après avoir saisi ses bagages, Spartacus pille son camp et tue Cossinius et la majorité de ses hommes.
Varinus n'est pas plus efficace, il est trompé par Spartacus lorsque les deux armées sont établies un soir face à face. Du côté des esclaves, on a planté des pieux auxquels on a attaché des cadavres pour simuler des sentinelles. Des feux sont allumés dans le camp et les sonneries réglementaires sont entendues du camp de Varinus. Pendant ce temps, l'armée de Spartacus s'échappe en silence. Le lendemain, Varinus trouve le camp des rebelles bien calme et s'aperçoit de la tromperie. Dispersant dangereusement ses forces, il est battu à plusieurs reprises et perd ses licteurs ainsi que son cheval.
La situation est d'autant plus grave pour Rome que l'Italie du Sud fournissant beaucoup de céréales, est menacée par plusieurs dizaines de milliers de combattants qui attaquent les cités de Campanie, de Lucanie et du Bruttium. De plus, cette armée est imprévisible et vient de se scinder. Spartacus commande une troupe de 30 000 combattants et à côté, des bandes de Gaulois armés dont celle de Crixus et celle d'Oenomaus qui vient de périr contre Varinus. Tous n'ont pas les mêmes objectifs. Certains veulent rentrer dans leur pays alors que d'autres sont tentés par le pillage et la vengeance. Et quand ils attaquent une cité, c'est pour la piller et repartir aussitôt.
A Rome, cela ne pouvait plus durer. Le Sénat décide d'envoyer les armées consulaires. En - 72, les consuls sont : le vieux Lucius Gellius Publicola et Cneius Cornelius Lentulus Clodianus. Le "lieutenant" du premier, le préteur Quintus Arrius, réussit à vaincre les bandes gauloises de Crixus au Nord de l'Apulie et à détruire le contingent germanique isolé de Spartacus, tandis que Spartacus vainc les légions de Lentulus et pille ses bagages. Puis le Thrace se dirige vers la Gaule, Gellius remonte vers le Nord pour rejoindre Caius Cassius Longinus, le proconsul de Gaule cisalpine mobilisé pour cette opération, en espérant saisir l'armée rebelle entre leurs forces. Mais Spartacus détruit les deux légions de Longinus devant Modène et là, la route des Alpes ouverte, il fait demi-tour car ses compagnons ne veulent pas quitter l'Italie, il rencontre Lucius Gellius qu'il bat, puis il redescend vers le Sud.
Les deux consuls sont déchus de leur commandement et le Sénat finit par trouver un nouveau chef capable et c'est Marcus Licinius Crassus, un prêteur de l'année précédente qui est investi d'un pouvoir proconsulaire, avec les 4 légions consulaires qu'il faut compléter et six nouvelles légions recrutées parmi les vétérans. Les candidats pour ce poste ne sont pas nombreux : aucun butin ni triomphe à espérer ! Mais Crassus veut obtenir une réputation de grand général car il est envieux des succès de Pompée et il finance les opérations militaires engagées contre cette armée d'esclaves. Comme Spartacus continue de progresser vers le Sud de l'Italie, avec environ 100 000 hommes, il part pour le Picenum et ne cherche pas l'affrontement mais simplement à bloquer le pillage des cités.
Crassus confie deux légions à son légat Mummius avec l'ordre de suivre l'ennemi avec deux légions et de rapporter tous renseignements utiles, mais soudain, Mummius attaque une partie de l'armée de Spartacus et c'est un désastre, de nombreux légionnaires sont massacrés et le reste jette ses armes et s'enfuit. Crassus les récupère, blâme son légat et décide de faire un exemple en recourant à une punition inutilisée depuis longtemps, la décimation. Il prend 500 légionnaires formant la première ligne qui a déclenché la panique devant l'ennemi et tire au sort un homme sur dix qui est mis à mort devant la légion, les autres sont l'objet de traitements humiliants et réintégrés dans l'armée après avoir promis de ne jamais se séparer de leurs armes.
Puis Crassus marcha sur l'ennemi qui retraite en Lucanie. Crassus engage plusieurs combats qui provoquent de lourdes pertes chez les esclaves. Spartacus prévoit de s'embarquer pour la Sicile et traite avec les pirates ciliciens pour traverser le détroit. Mais une fois le prix payé, les pirates quittent l'Italie et laissent les esclaves au bout de la péninsule. Crassus, pendant ce temps, a fait creuser un fossé de cinquante cinq kilomètres de long, de 4,5 mètres de large et autant de profondeur, doublé d'un remblai pourvu d'une palissade, pour barrer l'isthme devant Spartacus. Celui ci fait construire des radeaux mais la mer est très mauvaise et Spartacus est bloqué dans le sud de l'Italie. Les tentatives de franchir l'obstacle par Spartacus échouent et ce dernier engage des négociations qui n'aboutissent pas. Mais par une nuit de neige, dans l'hiver - 72 - 71, il réussit à combler en partie le fossé et un tiers de ses troupes franchit l'obstacle.
Crassus craignant d'être cerné, lève le siège et demande au Sénat de rappeler Pompée et ses légions qui se trouvent en Hispanie. Pendant ce temps Spartacus doit faire face à de la rogne dans son propre camp. Il remporte un succès contre Quinctius, un légat de Crassus mais il sait que le gouverneur de la Macédoine, Lucullus, vient de débarquer à Brindes et que Pompée vient vers lui. Les esclaves se sentent confiants en leur force et Spartacus est contraint à livrer la bataille décisive en Lucanie en - 71, sur le Silaros. Crassus fait creuser un fossé, les esclaves, nous dit Plutarque, sautent dans le fossé et combattent ceux qui creusent. Les renforts arrivent et Spartacus n'a plus le choix, il abat son cheval en disant que l'ennemi en avait en abondance. Puis il attaque furieusement Crassus et deux centurions sont tués mais il ne peut atteindre le consul. Il est bientôt blessé à la cuisse par une flèche. Son armée, en désordre, est mise en pièces et un nombre d'esclaves très important est tué dont Spartacus, environ soixante mille hommes, les Romains ne perdent que mille légionnaires. Crassus capture 6 000 fugitifs qu'il fait crucifier le long de la via Appia. Pompée détruit un corps de 5 000 fugitifs et c'est lui qui tire profit de la victoire de Crassus.