La bataille d’Argentoratum, survenue en 357 apr. J.-C. près de Strasbourg, est un affrontement majeur entre les forces de l’Empire romain, dirigées par Julien, et les Alamans, une confédération germanique établie à la frontière nord-est de l’Empire. Cette victoire romaine décisive marque un tournant dans la défense de la Gaule et la consolidation de la frontière rhénane, affaiblie par les guerres civiles précédentes.
Contexte historique
La situation en Gaule
- Au milieu du IVᵉ siècle, l’Empire romain est affaibli par des luttes internes, notamment la guerre civile de 350-353 entre Magnence et Constance II. Cette période de désordre a permis aux Alamans de multiplier leurs incursions en Gaule.
- Les Alamans contrôlent la région des Champs Décumates (Forêt-Noire), anciennement romaine, et menacent la frontière rhénane affaiblie. Leurs attaques ont conduit à des ravages dans le nord-est de la Gaule.
Le rôle de Julien
- En 355, Constance II nomme Julien, son cousin, au titre de César et lui confie la défense de la Gaule. Julien entreprend une campagne de deux ans pour repousser les barbares et rétablir l’autorité romaine.
- Après plusieurs victoires mineures, Julien se prépare à affronter les forces principales des Alamans sous la conduite de Chnodomar, leur roi principal, près de Strasbourg (Argentoratum).
Les forces en présence
L’armée romaine
- Composée de 15 000 à 20 000 soldats, l’armée romaine de Julien comprend :
- Des légions d’infanterie lourde, réputées pour leur discipline.
- Des auxiliaires et cavaliers légers, principalement gaulois et germaniques.
- Des troupes d’élite du comitatus impérial.
- Malgré son effectif limité, cette armée est bien entraînée et commandée.
Les Alamans
- Les Alamans alignent environ 35 000 à 40 000 guerriers, dirigés par neuf rois, dont Chnodomar et Vadomar. Cette force comprend des contingents issus de plusieurs pagi (districts).
- Bien que numériquement supérieurs, les Alamans manquent de la discipline et de la coordination des troupes romaines.
Carte de l'étendue du territoire alaman à diverses dates.
Déroulement de la bataille
Les préparatifs
- Positionnement romain : Julien place ses troupes en une ligne défensive compacte, avec l’infanterie lourde au centre et la cavalerie sur les flancs.
- Stratégie alamanne : Chnodomar, confiant dans sa supériorité numérique, adopte une stratégie d’assaut frontal massif.
L’assaut
Défaillance initiale de la cavalerie romaine :
- La cavalerie romaine, placée sur l’aile droite, est submergée par les forces alamannes et bat en retraite.
- Julien parvient à contenir la panique grâce à l’infanterie lourde qui stabilise les lignes.
Le rôle de l’infanterie romaine :
- L’infanterie romaine résiste à l’assaut frontal des Alamans grâce à sa discipline et à son entraînement supérieur.
- Une contre-attaque méthodique des légions force les Alamans à reculer progressivement.
La déroute des Alamans :
- Sous la pression des légions romaines, les forces alamannes commencent à se disperser.
- Chnodomar, tentant de rallier ses troupes, est finalement capturé par les Romains.
Nort-est de la Gaule et frontière rhénane de l'Empire du temps de Julien.
Conséquences immédiates
Une victoire écrasante
- Les Alamans subissent des pertes importantes, avec environ 6 000 morts sur le champ de bataille. Le reste de leurs forces est repoussé au-delà du Rhin.
- Les pertes romaines sont légères en comparaison, malgré la déroute initiale de la cavalerie.
Rétablissement de la frontière rhénane
- La victoire permet à Julien de reprendre le contrôle des positions romaines sur le Rhin. Il rétablit et renforce les fortifications frontalières.
- Les tribus germaniques, impressionnées par cette victoire, acceptent temporairement la paix et renoncent à de nouvelles incursions en Gaule.
Conséquences à long terme
Consolidation de Julien
- La victoire renforce la réputation militaire et politique de Julien, qui est salué par les troupes et les populations gauloises. Cette campagne prépare son ascension ultérieure au titre d’Auguste.
Renforcement de la Gaule
- Julien lance une série de réformes et de réparations des fortifications le long du Rhin, augmentant la stabilité régionale.
- La paix relative qui suit cette bataille permet à la Gaule de se remettre des ravages des incursions barbares.
Un exemple de résilience romaine
- La bataille d’Argentoratum illustre la capacité de l’Empire romain à mobiliser ses ressources et sa discipline militaire pour surmonter des défis même après des périodes de crise interne.
Analyse historique
Un affrontement emblématique
- La bataille de Strasbourg est un exemple de l’efficacité des tactiques romaines, notamment de la discipline de l’infanterie, face à des adversaires numériquement supérieurs mais mal coordonnés.
- Julien montre ses qualités de leadership, notamment dans sa capacité à stabiliser ses lignes après l’échec initial de la cavalerie.
Un tournant pour l’Occident
- Cette victoire marque un moment clé dans la défense de l’Occident romain, offrant un répit précieux face à la pression constante des peuples germaniques.
Sources et références
- Ammien Marcellin, Res Gestae.
- Drinkwater, John F., The Alamanni and Rome 213–496 (Caracalla to Clovis), Oxford University Press, 2007.
- Southern, Pat, The Roman Empire from Severus to Constantine, Routledge, 2001.
- Heather, Peter, The Fall of the Roman Empire, Macmillan, 2005.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2011