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La guerre des Vénètes -56

Début 56 av. J.-C., alors que l’Armorique a été soumise pacifiquement l'an d'avant par Publius Crassus, son armée prend ses quartiers d'hiver près de l'océan, avec la septième légion chez les Andes, peuple de la côte atlantique (aux environs d'Angers). Manquant de ravitaillement, il envoie des préfets et des tribuns militaires en quémander chez les peuples voisins, les Esuvii, les Coriosolites et les Vénètes. Ces derniers sont les plus puissants de toute la côte maritime, leur thalassocratie était fondée sur le commerce de l’étain de Cornouaille, transporté à travers la Manche et dont ils avaient le quasi-monopole, ce qui assurait leur prospérité. Le métal transitait ensuite par la vallée de la Loire d’où il gagnait ensuite la Garonne et la Méditerranée. Possédant un grand nombre de navires pour communiquer avec la Bretagne, les Vénètes contrôlaient tout le commerce maritime de la région.

Ce sont eux qui déclenchent la rébellion des peuples armoricains, en retenant les délégués romains (Quintus Velanius et Titus Sillius), ce qui enflamme tous les autres peuples contre Rome. Les Esuvii et Coriosolites imitent les Vénètes en s'emparant de Marcus Trebius Gallus et de Titus Terrasidus. Ils demandent aux Romains qu'on leur rende leurs otages en échange des envoyés romains. Les causes de cette révolte sont sans doute que les Vénètes, qui sont le peuple maritime gaulois le plus puissant, voient d'un mauvais œil la domination grandissante des Romains et craignent qu'ils ne rivalisent avec leur puissance maritime et commerciale.


César, qui se trouve alors en Italie où il renforce le premier triumvirat à Lucques et qui croit la Gaule pacifiée, devant écraser toute velléité de révolte pour asseoir sa domination sur la Gaule, ordonne à partir du camp de Juliomagus (Angers) la construction d'une flotte sur la Loire, qui se jette dans l'Atlantique, et de mobiliser des marins.

La nouvelle coalition gauloise menée par les Vénètes se prépare à la colère de César, et mobilise les Osismes, Lexoviens, Namnètes, Ambilatres, Morins, Diablintes et Ménapiens, ainsi que quelques Bretons. Conscients qu'ils vont devoir se battre contre les Romains, les Gaulois comptent profiter de leur science maritime, du grand nombre de leurs navires lourds, adaptés aux conditions atmosphériques difficiles de l'Atlantique, du manque de provisions des Romains, et surtout de leur connaissance de la configuration géographique locale (le Golfe du Morbihan) : côte très disséquée parsemée d'îles nombreuses offrant de nombreux abris qu'ils connaissent bien, abers barrant les gués à marée haute, ports rares et disséminés. Le proconsul romain, qui n'est pas de retour en Gaule avant la fin du mois d'avril, déploie son armée afin d'occuper tous les territoires soumis et éviter de voir la rébellion se propager hors de l'Armorique.

  • Titus Labienus, avec la cavalerie, est envoyé chez les Trévires, sur le Rhin. Il doit maintenir la paix en Gaule belgique et empêcher toute action des Germains ;
  • Publius Crassus, avec 12 cohortes et des cavaliers, est envoyé en Aquitaine, pour empêcher cette nation d'envoyer des secours à la Gaule ;
  • Quintus Titurius Sabinus, avec trois légions, est envoyé chez les Unelles, les Coriosolites et les Lexoviens pour tenir ces peuples en respect ;
  • Decimus Junius Brutus Albinus, avec la flotte et les vaisseaux gaulois, chez les Vénètes.

Les Gaulois fortifient leurs villes, amassent les provisions et s'allient avec de nombreux autres peuples gaulois pourtant soumis au tribut de passage vénète, (Osismes, Lexoviens, Namnètes, Ambilatres, Morins, Aulerques Diablintes et Ménapiens) et quelques autres bretons. Craignant un soulèvement massif des Gaulois, César envoie ses légats et généraux à divers points stratégiques de la Gaule. Ainsi, Crassus est dirigé vers l'Aquitaine, afin d'empêcher les peuples locaux de renforcer l'armée vénète.

Les Pictons, Santons et d'autres pays pacifiés envoient aux Romains une flotte, et César marche sur l'Armorique avec des troupes pour mener la campagne contre les peuples rebellés au côté de Junius Brutus. Les villes des Vénètes sont construites sur de petites péninsules ou des promontoires, inaccessibles depuis la terre, et très difficilement par voie maritime. Telle Crac'h (Hauteur) au-dessus de Keris (per-zh): La Trinité sur mer. L'été s'avançait. Après plusieurs mois et une ou plusieurs campagnes infructueuses dues à l'impossibilité de vaincre les Vénètes qui fuyaient par la mer lorsque le combat tournait à leur désavantage, d'un éperon barré à l'autre, César comprit qu'il lui fallait la maîtrise des mers.


Face à l'impossibilité, pour les Romains, d'attaquer les forteresses à cause des marais, la seule solution est une attaque par la mer. La construction des navires se déroule sur les bords de la Loire, sur les terres des Pictons, alliés des Romains. Bien que César s'empare rapidement de quelques villes armoricaines, il comprend à la fin de l'été qu'il ne peut mettre fin à la révolte qu'en détruisant les Vénètes. Il ne cite aucun nom, pas même la capitale. L'oubli était arme efficace contre ceux qui l'avaient humilié sur terre pendant tant de mois.

Selon Jules César, les navires vénètes étaient supérieurs à ceux des Romains : leurs carènes étaient plus plates et étaient donc plus adaptées au hauts-fonds et aux reflux, mais incapables donc d'affronter la mer d'Iroise. Les proues et les poupes étaient très relevées ce qui leur permettait de naviguer plus facilement par gros temps et par tempête. Les bateaux étaient en bois, les ancres étaient retenues par des chaînes et les voiles étaient faites à partir de peaux. En outre, ils étaient plus grands et plus massifs que les navires romains et leurs coques étaient si solides qu’elles résistaient parfaitement à leurs coups d’éperons. Leurs bords étaient également plus hauts, ce qui protégeait les soldats des tirs des Romains, qui eux-mêmes étaient en position vulnérable, enfin ces hauts bords rendaient difficile un abordage de l’ennemi.

Les navires romains ont pour seul avantage par rapport aux navires vénètes d'être plus rapides et maniables grâce à leurs rames, les voiles étant peu utilisées. Cependant ces navires sont surtout efficaces sur une mer calme et supportent mal les tempêtes.


Lorsque les navires romains sont construits, Junius Brutus Albinus en prend le commandement et conduit la flotte en direction du pays des Vénètes à l'été. Mais, sur la route, les Romains sont surpris par les Vénètes près de Saint-Gildas-de-Rhuys dans un espace maritime limité par Houat, Hoëdic, l’île Dumet, Sarzeau et l’entrée du golfe, dans la baie de Quiberon. Au début, grâce à la supériorité de leurs navires, les Celtes ont l'avantage. Les projectiles tirés des navires romains ne peuvent atteindre les navires gaulois, beaucoup plus hauts, alors que les Gaulois peuvent attaquer facilement les Romains.

Plusieurs navires romains sont coulés. Ces derniers tentent alors de ruser et essaient, grâce à des faucilles fixées sur des perches de couper les cordages des navires ennemis. Ces faucilles emmanchées étaient depuis longtemps appelées corbeaux et avaient déjà été utilisées entre autres combats contre Carthage. Cette ruse permet de neutraliser quelques navires mais elle est insuffisante pour remporter la victoire. De plus, les Romains, qui n'ont pas envisagé de tactique globale pour la bataille, commencent à envisager la retraite lorsque tout à coup, le vent tombe et les navires celtes qui ne naviguent qu'à la voile se retrouvent immobilisés. Les Romains contre-attaquent et détruisent les navires vénètes un par un, très peu peuvent s'enfuir. La bataille dure « depuis la quatrième heure du jour environ jusqu’au coucher du soleil » selon César et s'achève par la destruction de la flotte gauloise.


Conséquences

Une fois leur flotte détruite, les Celtes n'ont plus les moyens de lutter et se rendent, ce qui met fin à la guerre des Vénètes. César, vainqueur grâce à Decimus Junius Brutus, futur conjuré, fait alors exécuter tous les membres du Sénat vénète, le reste de la population est vendu à l'encan (esclavage). Les richesses de ces grands marchands alimentent le trésor de guerre, qui lui servira à conquérir Rome.

De plus, le conquérant donne le territoire des Ambilatres (près de Nantes) aux Pictons pour avoir collaboré avec lui d'une façon déterminante. Comme en atteste la disparition des fours à sel au ier siècle sur le territoire des Vénètes, il leur sera interdit de produire du sel, qui était l'une des sources de leur puissance.

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