Les Ibères, connus sous ce nom donné par les Grecs, constituent les premiers peuples installés sur la péninsule ibérique. Ils se forment probablement en tant que groupe de peuples pré-celtiques et non comme une famille ethnique homogène. Leur origine reste difficile à établir, et il s'avère complexe de définir des liens de parenté précis entre les diverses tribus identifiées comme ibériques, telles que les Cynésiens, les Turdétans, les Mastinis, les Vascons, les Aquitains et les Ibéro-Ligures. Avec l’arrivée des Celtes, des populations mixtes appelées Celtibères font leur apparition dans certaines régions de la péninsule.
Les origines des Ibères remontent au Néolithique, notamment à la culture des agriculteurs-pêcheurs de la céramique impressa-cardiale, datant de la période méditerranéenne ancienne (6 000 à 5 000 av. J.-C.). Cette culture s’est propagée de l’Adriatique à l’Occident, en influençant les populations locales de chasseurs-cueilleurs mésolithiques, relativement peu évoluées. Ce phénomène d'assimilation des populations mésolithiques par des sociétés néolithiques agricoles a marqué les côtes de la Méditerranée occidentale. Au cours de l’époque épicardiale (4500 à 3500 av. J.-C.), les groupes néolithiques se diversifient en plusieurs branches culturelles, donnant naissance aux premiers groupes ibériques.
Vers 2600 av. J.-C., une civilisation chalcolithique, dite de Los Millares, se développe en Andalousie orientale et présente des liens culturels avec celle de Vila Nova au Portugal. Cette culture pourrait même être connectée, bien que de manière indirecte, avec celles de la Méditerranée orientale (notamment Chypre). À partir de 1800 av. J.-C., cette culture est remplacée par celle d’El Argar, caractérisée par une forte autonomie et une organisation sociale évoluée. La phase B d’El Argar (après 1500 av. J.-C.) semble montrer des influences égéennes, en raison de sépultures en pithoi, similaires à celles de l’âge du bronze en Crète et en Grèce.
L’arrivée des Celtes au nord-est de la péninsule ibérique, autour de 1300 av. J.-C., bouleverse le paysage culturel de l’époque. Alors que la culture d’El Argar pourrait avoir constitué un état centralisé, elle est supplantée par des communautés post-Argar, organisées en unités fortifiées et indépendantes. Avec la fondation de Marseille par les Phocéens vers 600 av. J.-C., les Ibères reprennent pied au nord-est, expulsant partiellement les Celtes et permettant l’installation de nouveaux comptoirs grecs. Cette période marque l’émergence d’une nouvelle culture ibérique dans les régions du Levant et du sud, qui coïncide avec les vagues migratoires indo-européennes.
La culture ibérique proprement dite semble résulter d'un long processus de fusion culturelle entre les populations locales et des migrants orientaux, à la recherche de ressources métalliques. La culture d'El Argar, qui constitue l'une des principales racines des Ibères, est le produit d’un métissage entre les populations locales post-néolithiques et des immigrants syro-anatoliens et, possiblement, égyptiens. Ces influences se diversifient : au sud-est de la péninsule, une culture distincte se forme sous l’influence de migrants crétois et se propage jusqu’au Maghreb, introduisant des éléments culturels nouveaux.
Les influences extérieures se multiplient à partir du 1er millénaire av. J.-C. avec l’arrivée des Phéniciens et des Grecs, mais aussi des Celtes au nord de la péninsule. Tartessos, une civilisation située dans le sud-ouest de la péninsule, pourrait être liée aux populations berbères et aurait entretenu des liens commerciaux et culturels avec le monde phénicien. Tartessos devient une plaque tournante dans le développement de l’alphabet ibérique, reflet d’échanges intenses avec les Phéniciens.
L'épanouissement de la culture ibérique survient rapidement. Vers 600 av. J.-C., cette culture se répand le long de la côte du Levant, depuis l'actuelle province d'Alicante jusqu'au sud de la Catalogne. Elle tend alors à se fondre avec la culture tartessienne au sud, tandis qu’au nord, elle s’impose dans des territoires occupés par des tribus de la culture Hallstatt, d’origine indo-européenne. La diffusion rapide de la culture ibérique résulte davantage d’une adoption volontaire des modes de vie ibériques par les populations locales que d’une expansion militaire ou ethnique.
Entre 500 et 300 av. J.-C., les caractéristiques ibériques se consolident et s’imposent dans tout le Levant, ainsi qu’en Catalogne et au-delà des Pyrénées. Des groupes indigènes adoptent la culture ibérique, qui s’étend à la Cerdagne, à l’Andorre, et jusque dans le Val d’Aran. Cette expansion culturelle précède un mouvement d'ibérisation militaire qui s’étend progressivement aux régions voisines.
La civilisation ibérique atteint son apogée entre 500 et 300 av. J.-C. avant de s'engager dans une expansion militaire qui ibérise les territoires voisins. Les Ibères, plus que toute autre chose, représentent un ensemble culturel diversifié, façonné par des influences multiples—orientales, phéniciennes, grecques et celtes. Ce melting-pot culturel témoigne de la capacité des Ibères à adopter des technologies et des modes de vie externes tout en maintenant une identité propre, fondée sur un métissage continu. Les différences culturelles entre les divers groupes ibériques reflètent l’histoire complexe de la péninsule, qui combine influences locales et externes.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Octobre 2006