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Auguste

LA TRANSITION

Même si Octave aspirait au pouvoir absolu, il sut tirer les leçons des erreurs de son père adoptif César. En politique, il fit preuve de finesse et de diplomatie. Grâce à ces qualités, il conquit, le respect du peuple et de la classe politique et acquit le pouvoir absolu.

Auguste Marquant une pause après la bataille d'Actium, Octave céda ses pouvoirs au Sénat. Ce faisant, il parut bienveillant et généreux. Évitant ainsi d'exercer ostensiblement son pouvoir absolu, comme l'avait fait César, il préférait gouverner comme un princeps constitutionnel (premier citoyen, signifiant littéralement "prince"). Le Sénat réagit comme il l'avait espéré: en lui offrant encore plus de pouvoir. En fait, Octave allait conserver ces nouveaux pouvoirs à vie.

Sa position était cependant fragile, même si elle reposait sur le commandement des légions. Pour le remercier d'avoir confié le gouvernement de l'État au Sénat, il fut récompensé d'un imperium qui s'étendait à la Gaule, l'Espagne, la Syrie et la Cilicie. Il gouvernait ces régions par l'intermédiaire de ses légats. Cet état de fait légitima sa position dans un cadre apparemment républicain. Habile politicien, il feignait la modestie et flattait le Sénat, répétant à qui voulait l'entendre que sa fonction principale était de conseiller plutôt que de gouverner. S'il avait franchi les limites de la loi, il aurait perdu l'appui de la plèbe, des aristocrates romains et de l'armée. Mais il fit preuve de mesure. Il semblait personnifier la modération.  

OCTAVE DÉVIENT AUGUSTE

Le 16 janvier 27 av. J.C., Octave changea son nom en Auguste. Ce fut le premier d'une suite d'honneurs conférés par un Sénat respectueux. Auguste devint rapporteur du Sénat, dictateur à vie, consul à vie, tribun à vie, pater patriae et, à partir du 6 mars 12 av. J.-C, pontifex maximus. Il tenait dorénavant tous les postes significatifs du gouvernement. La population développa pour lui une forme de dépendance psychologique, semblable à celle qu'elle avait autrefois montré pour la République. Plus important encore, il était le commandant en chef de l'armée et contrôlait toutes les carrières de ses généraux. Ceux-ci auraient pu être des politiciens au moins capables qu'Auguste, mais aucun n'aurait pu se permettre de briller autant que lui.

Peu à peu, Auguste accru son contrôle sur les mécanismes du gouvernement en employant des hommes issus des équités comme administrateurs semi-professionnels. Ils furent d'abord ses procurâmes ("agents") personnels. Mais ils devinrent rapidement administrateurs financiers et gouverneurs provinciaux, postes qui étaient auparavant octroyés aux patriciens par le Sénat.

Qu'une population profondément marquée par l'histoire récente de la république ait permis cette prise de pouvoir discrète, n'est pas un mystère, si l'on considère la situation critique des romains ordinaires qui venaient de subir un siècle de violence sans précédent. Les recrutements militaires toujours plus nombreux et l'abandon de terres cultivables avaient entraîné des difficultés économiques et des pénuries. La république n'avait apporté aucun réconfort dans ces temps difficiles, alors qu'avec Auguste arrivait un règne de paix et de stabilité. Sous ses auspices, s'ouvrait une nouvelle ère de sécurité et de respect des lois.

Apres qu'un complut contre sa vie fut découvert en 23 av. J.C. Auguste prit des mesures afin de. se protéger. Il fit de la garde prétorienne sa garde personnelle et désarma le Séna Pourtant, son régime ne fut pas inquiété et aucune menace sérieuse ne reçut l'appui du peuple.

Le temple de Mars Ultor, sur le forum d'Auguste. Reconstitution.
© Leonardo Dal Maso, La Rome des Césars, Bonechi, 1974. 

Jules César avait établi des plans de reconstruction pour Rome dont certains étaient déjà en cours de réalisation au moment de sa mort. Auguste les poursuivit, puis lança ses propres projets de restauration de la cité, insufflant une nouvelle énergie aux Romains.

Sous la direction d'Auguste, la restauration architecturale qui allait transformer Rome se développa jusqu'à ce que la ville ressemble à la capitale d'un Empire. En 28 av. J.-C, Auguste affirmait avoir restauré pas moins de quatre-vingt deux temples. Sur le Champ de Mars, il rénova le théâtre de Pompée et en fit construire deux autres, le théâtre de Marcellus et le théâtre de Balbus.

Dans le même quartier, Agrippa fit construire le Panthéon - qui fut ensuite transformé par Hadrien -, et les premiers grands bains publics. Agrippa fit aussi réparer les anciens aqueducs et en construisit un nouveau, l'Aqua Vrrgo. Auguste construisit aussi un aqueduc, l'Aqua Alsietina, pour alimenter un lac artificiel destiné à accueillir des joutes nautiques. Le temple d'Apollon sur le Palatin, le forum d'Auguste et le temple de Mars Ultor sont les plus représentatifs de ces édifices de prestige. Auguste divisa la cité en quatorze quartiers. Chacun d'entre eux avait ses propres services administratifs et techniques, et un accès pour une brigade anti-incendie (vigiles). Il finança ces travaux majestueux avec le produit des impôts perçus dans des provinces bien gouvernées.

La richesse de la vie artistique adoucit la vie quotidienne des Romains pendant le règne augustéen. De remarquables écrivains, dont Horace, Virgile et Tite-Live, purent s'épanouir sous le patronage de Mécène, un aristocrate qui travaillait pour le compte de l'empereur. Les critiques avaient rapidement relevé la propagande contenue dans l'Enéide de Virgile, qui célébrait les héros romains en suggérant que la grandeur de l'Empire relevait plus du divin que de l'humain.  

Théâtre Marcellus 

La famille directe d'Auguste lui posait des problèmes. L'homme qui avait édicté des lois sur le mariage et la chasteté n'arrivait pas à contrôler sa fille unique, Julie. Sa vie sexuelle devint si scandaleuse qu'en 2 apr. J.-C, elle fût exilée sur une petite île. Dans son testament, Auguste déclara que ni Julie ni sa petite-fille qui portait le même nom, ne pourraient partager son mausolée au Champ de Mars.  

LES LIMITES DU POUVOIR AUGUSTÉEN

Son triomphe se manifestait aussi à l'étranger. Auguste balaya les dernières traces de l'opposition en Gaule. Il mena personnellement une campagne en Espagne (26-25 av. J.-C). Mais les difficultés récurrentes qu'il connaissait avec les Parthes furent exacerbées par la présence en Arménie d'un roi hostile.

Avant d'assurer seul le commandement de Rome, Auguste avait fait plusieurs tentatives infructueuses pour conquérir la Parthie. Il décida de ne pas entrer en guerre, et se contenta d'installer un roi pro-romain en Arménie pour maintenir la paix aux frontières. Auguste soutint aussi une expédition en Ethiopie dont il espérait exploiter les richesses naturelles. Maïs les résultats de cette entreprise furent médiocres, car après s'être retiré de la Corne de l'Afrique, il n'y revint plus.

À la fin de sa longue vie, Auguste subit un revers militaire qui fit chanceler son trône. En 9 apr. J.-C, trois légions romaines qui avaient traversé le Rhin sous le commandement de Varus, gouverneur de la Germanie, furent massacrées par les tribus germaniques d'Armmius dans la forêt de Teutoburg. Auguste fut accablé de douleur devant la perte des aigles et l'infamie de l'échec. L'insécurité gagna la capitale de l'empire et le poussa à mettre en place un programme de conscription pour constituer une armée de secours. Auguste abandonna sa politique d'expansion et ordonna à son beau-fils Tibère d'en faire autant. Les limites de l'Empire romain avaient été atteintes.
Temple d'Auguste et de Livie. Auguste mourut à Nola, à l'est de Naples, en 14 apr. J.-C. Selon la légende, il fit porter un miroir, rectifia sa tenue et demanda à ses proches et ses amis rassemblés s'il avait bien tenu son rôle dans le théâtre de la vie. Puis il cita un célèbre poème grec finissant par ces mots: "La pièce est finie, applaudissez ! ".
L'héritage d'Auguste fut immense : ses nombreux triomphes militaires, son architecture grandiose et l'harmonie pacifique étaient devenus les traits caractéristiques de l'Empire romain. Il n'avait peut-être pas eu suffisamment de charisme pour qu'on en fasse un héros. Mais ce qu'il possédait avant tout, c'était la patience et la détermination. Il eut aussi énormément de chance et fut l'un des rares empereurs romains à mourir dans son lit. 

 

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