5 min lu
La dynastie Flavienne de Vespasien

II échut au soldat Vespasien de restaurer l'ordre à Rome, mission qu'il exécuta froidement et adroitement. Laissant de côté la paranoïa des empereurs précédents, il apporta une renaissance bienvenue à la capitale. 

Vespasien (vers 69 à 79 apr. J-C.) était originaire de la classe moyenne, la plèbe. Il naquit en 9 apr. J.-C. à Reate, dans la campagne sabine, d'une mère aux ascendances aristocratiques et d'un père éleveur de mulets, devenu prêteur sur gages. Il reçut une bonne éducation, et l'aide financière de sa mère lui permit d'entrer dans la légion comme tribun. En tant que militaire, Vespasien parcourut la Thrace, la Crète, la Cyrénaïque et la Bretagne. Plus tard, il fut gouverneur de l'Afrique. Il acquit ainsi une expérience précieuse des territoires d'outremer, non seulement dans le domaine militaire, mais aussi en apprenant la valeur des dispositifs d'approvisionnement, des installations sanitaires et des systèmes pour la collecte des impôts. 

Son avenir parut assuré lorsqu'on le plaça chez un influent personnage, Narcisse, à la cour de Claude. À la mort de ce dernier, puis avec l'accession de Néron, et surtout de sa mère Agrippine, au pouvoir, Vespasien fut renvoyé dans l'anonymat pendant près de quinze ans. Cette tactique, typique des empereurs, écartait du pouvoir tout général victorieux qui pouvait représenter une menace. Vespasien continua donc à servir à la périphérie de l'Empire jusqu'à ce que Néron, qui devait faire face à un soulèvement en Palestine, l'appelât comme chef des médiateurs. Vespasien frôla deux fois la mort avant de devenir empereur, la première fois alors qu'il était encerclé au cour d'une bataille pendant la révolte juive en Palestine, la seconde en s'étant endormi pendant un récital de musique de l'empereur Néron, crime passible de mort. Cependant, il apparaissait comme le seul capable de redresser l'Empire, au bord de l'effondrement. C'est de la Palestine que Vespasien assista aux événements des années 68 et 69. D'abord, il pensa que Galba pouvait remplacer Néron, mais Galba avait été écarté avant que ses messages de soutien aient pu l'atteindre. Apprenant la détérioration de la situation à Rome, Vespasien décida d'agir. 

Comme dans toutes les situations qu'il avait dû affronter, il fit preuve d'une habileté digne de Jules César. Au lieu de marcher directement sur Rome, il s'empara d'Alexandrie pour couper la capitale de tout approvisionnement en grains. L'Egypte ayant remplacé la Sicile dans l'approvisionnement en céréales, amena Rome à se soumettre, comme l'avait prémédité Vespasien. Ce manque de provisions entraîna aussi la chute de Jérusalem, ce qui arrangeait Vespasien car cette ville était riche et les caisses de Rome vides. Il finit par laisser la Judée entre les mains expertes de son fils, Titus Flavius Vespasianus, et rentra à Rome avant que la résistance des juifs ne fût définitivement écrasée. 


Amphithéâtre de Flavien OBSCUR, MAIS SANS HONTE

En 73, il assuma la charge de censeur et, à ce titre, combla les places vides du Sénat avec les membres d'une nouvelle aristocratie originaire des villes italiennes. Ce faisant, il apparaissait clairement qu'à l'instar d'Auguste, il cherchait à former un Sénat sensibilisé à ses actions, et plus obéissant que coopératif. Cependant, même ceux qui lui étaient opposés ne s'inquiétèrent pas d'un retour aux années de prodigalité de Caligula et de Néron, car Vespasien avait la réputation d'être parcimonieux. Certaines réalisations de Vespasien sont particulièrement remarquables. Il poursuivit les programmes de César et d'Auguste en fondant des colonies dans les provinces et en octroyant les droits latins aux villes de ces dernières. Entre 74 et 84, pas moins de trois cent cinquante villes espagnoles reçurent des chartes municipales. A Rome, il étendit le pomorium de la cité au-delà du mur Servien afin de diminuer la surpopulation -symbole manifeste de l'invulnérabilité de Rome, face aux attaques étrangères, qui perdurera jusqu'à la construction du mur d'Aurélien, en des temps moins stables. Il lança la construction d'un grand amphithéâtre sur le site du lac de la Maison d'Or de Néron, connu alors sous le nom d'amphithéâtre de Flavien et aujourd'hui sous celui de Colisée.

Des trois empereurs flaviens, Vespasien rut sans conteste le plus grand. Suétone, à qui l'on doit une Vie de Vespasien, décrit ainsi son souverain : "L'empire, depuis longtemps instable, flottant entre l'usurpation et la mort violente de trois empereurs, fut enfin pris en main et retrouva sa stabilité. Cette Maison était, à la vérité, obscure, et sans personnage marquant, maïs elle était une de celles dont notre pays n'avait pas à avoir honte... ".

Contrairement à la majorité de ses prédécesseurs, Vespasien mourut dans son lit, peut-être heureux que ses deux fils ambitieux Titus et Titus Flavius Dominatus (Domitien), soient prêts à lui succéder. Sa vie prit fin sur une note ironique lorsque Vespasien, qui n avait jamais attaché d'importance à la religion ou à la superstition, déclara : " Pauvre de moi, voilà que je me transforme en dieu. "

TITUS ET DOMITIEN

La dynastie flavienne fondée par Vespasien gouverna vingt-sept ans après la mort de son fondateur. Ses fils, Titus et Domïtien, prirent les rênes de l'Empire, et comme dans les contes de fée, l'un fut bon, l'autre méchant.

Titus (vers 79 à 81 apr. J.-C.) avait quarante ans lorsqu'il accéda au trône impérial, sa marche vers le pouvoir ayant été soigneusement préparée par Vespasien. Il n'y avait guère de doute sur ses capacités : il avait fait ses preuves en Germanie, en Bretagne et en Judée II avait été récompensé d'un magnifique triomphe en 70 après la chute de Jérusalem, complété par la construction d'un arc, aujourd'hui disparu, à l'extrémité est du Circus Maximus. Mais il avait aussi la réputation d'avoir eu une jeunesse extravagante et sans pitié. Suétone rapporte qu'il n'hésitait pas à forger de fausses preuves pour l'emporter sur ses ennemis familiaux. C'est ainsi qu'à la mort de Vespasien, peu de gens acclamèrent son accession. Mais ce sentiment changea du tout au tout, et à la fin de son court règne, Titus était l'empereur le plus aimé des Romains. Il était devenu un modèle de générosité, de compassion et de sagesse. Un jour, après un écart inaccoutumé de sa bienveillance, il déclara: Amici, dietn perdidi, "Amis, j'ai perdu une journée (pour faire le bien). "

Cette Rome, embrassant de nouveau l'âge d'or, fut cependant marquée par deux catastrophes. En 79 eut lieu la spectaculaire éruption du Vésuve qui ensevelit sous ses cendres les villes d'Herculanum et de Pompéi. Pline le Jeune, témoin de ce désastre, écrivit : " Vous pouviez entendre les cris des femmes, les gémissements des enfants et les clameurs des hommes... Beaucoup imploraient l'aide des dieux, mais les dieux les avaient abandonnés et l'univers était plongé dans les ténèbres à jamais."

LE PALAIS DU PALATIN

Tandis que Titus visitait les zones sinistées par l'éruption, un incendie se déclara à Rome, détruisant le nouveau Capitole (déjà restauré après un incendie à la fin du règne de Vitelius en décembre 69), le Panthéon, les thermes d'Agrippa, et un vaste quartier résidentiel. Titus distribua de I'argent et de l'aide matérielle dans les régions dévastées, allégeant ainsi les difficultés des sinistrés. En 80, il offrit à ses sujets des réjouissances de cent jours pour célébrer l'amphithéâtre flavien et organisa des combats de gladiateurs pour honorer l'ouverture des nouveaux thermes.

Son héritage le plus spectaculaire, toujours présent, est l'arc de triomphe éponyme, situé dans le Forum, à l'extrémité de la via Sacra. Inauguré par Domitien en 81, il célèbre ses victoires contre les insurgés juifs en Palestine à l'époque où son père gouvernait à Rome. Il mourut à Reate après un règne de deux ans, deux mois et vingt jours, des suites d'une courte maladie, probablement la malaria, mais comme il avait peu d'affection entre lui et son frère âgé de 30 ans, on suspecta Domitien.

Avec le soutien des Prétoriens, Domitien, qui n'avait été choisi ni par son père ni par son frère, succéda au pouvoir. Contrairement à Titus, l'histoire ne l'épargna pas. Son règne (vers 81 à 96) avait pourtant bien débuté, avec des projets de réformes législative et administrative. Mais des campagnes militaires très chères furent conduites en Germanie avec un succès mitigé et Domitien se lança sans compter dans des travaux immobiliers onéreux, dont son immeuble palais personnel qui finit par couvrir la totalité du centre du Palatin. Les dépenses devinrent excessives lorsque Domitien accorda à ses légionnaires une augmentation considérable pour leur loyauté.

Le Palatin à l'époque de l'Empire, en haut le Colisée et à droite l'Aqueduc de Claude (Maquette de la Ville de Rome)
Finalement, mu par une paranoïa et un complexe d'infériorité destructeurs, il succomba à la tyrannie. Sous son règne, des centaines de personnes furent dénoncées et exécutées, aussi bien des sénateurs que des chrétiens que Domitien tenait pour ses ennemis. En fin de compte, il mourut sous les coups d'un serviteur mécontent, et avec lui s'éteignit la dynastie des Flaviens. Le Sénat nomma immédiatement l'un des siens comme empereur, le vieux Marcus Cocceius Nerva, âgé de 66 ans. Nerva évita la dissidence des armées et des Prétoriens en continuant à leur verser des dons, et se montra sympathique mais inefficace. Il régla rapidement sa succession en choisissant un homme approuvé par l'armée, trajan. 

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.