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Les Celtes

Quatre cents ans de romanisation avaient à ce point transformé la société celte dans les îles Britanniques qu'elle n'était plus identifiable. Les Barbares s'étaient civilisés. Mais quand les armées romaines se retirèrent, les Brittons celtes eurent à affronter de nombreuses menaces venant de la Manche et de la mer du Nord. Durant la période allant de la fin du IVe siècle jusqu'au milieu du VIIe siècle après J.-C, l'unité de la province romaine de l'île de Bretagne se morcela en une série de royaumes. Avec le retour à un gouvernement décentralisé et l'émergence inévitable d'armées séparées et de querelles intertribales, ces royaumes se trouvèrent en proie aux attaques d'ennemis venant de l'autre côté des mers.

Les raids des Jutes, des Angles et des Saxons (regroupés sous le nom d'Anglo-Saxons) avaient commencé avant le départ des Romains, mais la présence de légions nombreuses et bien organisées cantonnait les pirates sur les côtes et dans les estuaires du Sud. Durant les cinquante ans qui suivirent le départ des Romains, les envahisseurs se hasardèrent plus avant dans l'île de Bretagne. Au milieu du Ve siècle, il était évident que les raids n'allaient pas s'arrêter, mais se transformer en invasions. Durant les deux siècles qui suivirent, Celtes et Anglo-Saxons furent pris dans une lutte pour la survie et la domination de l'île de Bretagne.

Au nord et à l'ouest, les Irlandais, les Pictes et les Scots, largement occupés par leurs propres affaires, ne prirent qu'une faible part aux conflits qui ravageaient le sud de l'île. La lutte ne les atteignit que lorsque les Anglo-Saxons victorieux continuèrent leur dynamique expansion, et tentèrent de soumettre les royaumes indépendants d'Ecosse et d'Irlande.

Bien que les Celtes du Sud aient opposé une vaillante résistance aux Anglo-Saxons, ils étaient trop peu nombreux face aux envahisseurs. Aux Celtes, la victoire n'apportait que de l'espace pour respirer, mais aux Saxons elle donnait de nouveaux territoires. La lutte atteignit son apogée au VIIe siècle lors de la défaite de Cadwallon, roi de Gwynedd, qui anéantit tout espoir pour les Celtes de remporter une ultime victoire. Même si la lutte entre Celtes et Saxons allait durer encore plusieurs siècles, le sort de l'île de Bretagne était joué. Le monde celte était définitivement repoussé aux franges extérieures des îles Britannique. 

Carte des royaumes Celtes avant l'arrivée des anglo- saxons 

LA FIN DE L'ORDRE ROMAIN

Durant les dernières décennies du IIIe siècle après J.-C, la civilisation romaine dans l'île de Bretagne fut soumise aux raids de plus en plus fréquents des Scots, des Pictes et des Saxons. Les soldats romains occupaient une position enviée parce qu'une série de luttes de pouvoir à l'intérieur de l'Empire exigeaient des troupes aguerries. A mesure que les garnisons romaines quittaient l'île de Bretagne pour la Gaule, les Brittons romanisés étaient obligés d'organiser leur propre défense contre les nouveaux envahisseurs barbares.

Rome ne conquit jamais complètement les îles Britanniques, échec qui, durant les dernières années, ne cessa de hanter les gouverneurs de la province. L'Écosse, l'Irlande et, dans une moindre mesure, le pays de Galles ne furent jamais sous contrôle romain, et a la fin du IVe siècle les Barbares lancèrent dans l'île des incursions couronnées de succès. Des pièces de monnaie découvertes au pays de Galles témoignent du butin des envahisseurs. La défense de la province revenait maintenant aux légionnaires levés et entraînés sur place, souvent sous les ordres d'officiers instructeurs du pays. Les quelques "vrais" Romains qui étaient restés n'avaient jamais été eux-mêmes proches de Rome. Certains étaient d'anciens Barbares. Il devenait de plus en plus difficile de contrôler la situation, surtout quand de nombreux légionnaires étaient en sympathie avec leurs cousins celtes barbares.

Au nord du mur d'Hadrien, les Pictes et le Scots furent tenus en échec jusqu'en 367, date à laquelle une alliance difficile avec les Brittons romanisés se défit, entraînant la défection de troupes et l'entrée des Celtes du Nord en Britannie. Le désastre de 367 fut significatif: il entraina une alliance non seulement entre les Irlandais, les Scots et les Pictes, mais encore avec les troupes non romaines de la frontière qui désertèrent. Deux ans plus tard, après de nombreuses incursions au coeur de l'île de Bretagne, la loi romaine fut restaurée. De meilleures relations s'instaurèrent avec les Votadani, tribu intermédiaire entre les Pictes et le mur. Les raids des Saxons sur les côtes sud et est étaient devenus sérieux. À la fin du IIIe siècle après J.-C, des forts saxons furent construits le long des côtes pour protéger ce que l'on appelait le "Rivage saxon".

L'île de Bretagne fut affaiblie en 383 quand Magnus Maximus retira de nombreuses garnisons pour les placer en Gaule. Le général romain avait des vues sur la couronne impériale, mais l'entreprise échoua Miximus fut battu et ses troupes ne regagnèrent sans doute pas l'île de Bretagne. Celles qui n'avaient pas suivi l'imprudent général s'allièrent aux administrateurs locaux pour défendre les frontières de la Bretagne romaine.

Peu après la tentative de Maximus sur Rome, l'empereur appointa le Vandale Stilicon pour commander les légions romaines et lui confier la responsabilité de la défense de l'Empire romain d'Occident. Après avoir conduit les expéditions contre les Pictes et les Saxons, Stilicon retira d'autres troupes de l'île de Bretagne en 401 pour aller défendre l'Italie contre une invasion de Vandales venus de l'est. En 406, les Vandales traversèrent le Rhin et envahirent la Gaule, et en 410 les dernières troupes romaines furent retirées pour rétablir l'ordre en Gaule. L'ïle de Bretagne était alors sans défense et, dès lors, elle cessa de faire partie du monde romain déclinant. La province, devenue indépendante, fut alors dirigée par une série de chefs romano-brittons.

On sait peu de choses des premières décennies post-romaines, les auteurs romains ne commentant plus les nouvelles politiques dans l'île. L'évêque saint Germain d'Auxerre rapporta deux visites qu'il fit dans l'île en 428-429 et en 445-446. Au cours de sa première visite, la vie semblait se poursuivre comme au temps des Romains. Puis la région fut gouvernée par un grand roi (superbus tyrannm) nommé Vortigern, ce qui signifie " chef suprême ". Elu en 445, il fit appel aux Saxons pour vaincre les Pictes et les Écossais. L'évêque prit part à une grande bataille (la victoire Alléluia). Pour saint Germain, il s'était agi d'une véritable lutte entre chrétiens et païens.

Entre les deux visites de l'évêque, les choses changèrent pour Vortigern. Durant ces seize années, la province avait subi les incursions incessantes des Saxons, des Pictes et des Irlandais. Un appel lancé à l'empire d'Occident resta sans réponse. Vers 450, les mercenaires jutes de Vortigern se mutinèrent. Les Jutes dévastèrent des régions du sud-est de l'île de Bretagne, et Vortigern dut faire appel à Hengist, un chef anglo-saxon. Pour le remercier de son aide militaire, il lui donna le contrôle du Kent. Bien que les Jutes aient été battus, les Saxons s'allièrent avec eux. Dans des annales celtes plus tardives, Vortigern apparaît comme un traître pour s'être rapproché de ses ennemis, mais les faits ne lui avaient pas laissé le choix. 

LES CELTES SUBROMAINS

Après le retrait des Romains de l'île de Bretagne, l'ancienne province se morcela en une quantité de royaumes s'étendant du pays des Pictes jusqu'à la Manche. Ils étaient gouvernés par des chefs romanisés. D'après des recoupements de documents et de preuves archéologiques, nous pouvons reconstituer certains de ces cadres politiques si fragiles. Ces derniers royaumes celtes eurent à supporter le choc des invasions anglo-saxonnes du VIe siècle.

On connaît peu de choses sur la structure de l'île de Bretagne post-romaine avant le milieu du VIe siècle. Nous savons cependant qu'au nord de l'île, au-delà des ruines du mur d'Hadrien, les Pictes, sous la pression des Scots (ou des Irlandais), devinrent une colonie de Dal Riada. A partir du milieu du Ve siècle, les Saxons étaient installés dans le Kent, tandis que les Jutes occupaient les côtes d'une partie de l'Essex. Les Irlandais avaient également établi une autre colonie à Gwynedd au pays de Galles. Dans le reste du sud de l'île, l'organisation politique instaurée par les Romains avait été supprimée par les Brittons romanisés, ce qui leur valut le nom de Brittons subromains que leur donnent les historiens modernes à partir de 410. Bien que nous en soyons pas certains, il semble que les divisions territoriales aient suivi celles des diocèses romains de l'église chrétienne qui eux mêmes avaient dû être établis sur de plus anciennes divisions tribales.

D'après le De excidio et conquesta britanniae du moine Gildas, écrit en 560, nous savons que les brittons de cette époque étaient organisés en onze royaumes, dont celui des pictes. Le royaume de Dumnonia était situé au sud ouest de l'île, centré autour de l'actuel dorset. Ce royaume avait été uni à la tribu préromaine des Durotriges. D'anciennes collines fortifiées celtes furent très certainement réoccupées et transformées en bastions pour repousser les Saxons. Plus à l'ouest, Kernow (la Cornouailles) conserva son indépendance face aux autres Brittons subromains. Il existait également un autre petit royaume, Gwent, qui était le pays des Silures de la vallée de la Severn. Dyfed était l'ancien pays celte des Dematae : les noms ont la même racine. Gildas parle de Vortepor, roi de Dyfed, comme du "tyran des Dematae". Plus au nord, le royaume des Powys, bastion montagneux du centre du pays de Galles, fut le dernier retranchement de la tribu galloise préromaine des Cornovii. Gouverné par le roi Cuneglas, le royaume était réputé pour ses prouesses militaires. Le royaume de Gwynedd était autrefois une colonie irlandaise dont les colons dominaient les populations indigènes. Gildas rapporte qu'il était dirigé par le roi Maelgwyn.

Au milieu de VIe siècle, le roi Gwallawg d'Elmet tint en échec les Angles de Bernicia. Le royaume d'Elmet s'étendait sur une grande partie du centre de l'île de Bretagne. Il correspondait à peu près à la région préromaine des Brigantes. La région tomba finalement entre les mains des Saxons au début du VIIe siècle.

Au nord-ouest, le royaume de Rheged se concentrait autour de la ville de Caerliwelyd (Carlisle). Au-delà s'étendait le royaume de Strathclyde, dont la forteresse principale était l'imposante construction d'Alcluyd (Dumbarton). Durant presque toute cette période, le royaume s'était lancé dans une guerre défensive avec les Scots de Dal Riada. Sur la rive sud du golfe de Forth se situait le royaume de Gododdin, dont le roi possédait la place forte d'Edimbourg. Les Romains appelaient ce peuple les Votadani. Au-delà du golfe de Forth, se trouvaient les Pictes à l'est de l'Ecosse et les Scots à l'ouest.

Les Brittons subromains avaient été réunis sous le commandement du grand roi Vortigern (vers 425-455), mais après ce règne, les royaumes celtes ne purent se mettre d'accord sur un chef. Durant de courtes périodes, certains royaumes s'unissaient autour d'un chef de guerre, et ils survécurent ainsi durant un temps. Vu leur manque d'unité, leur plus grand atout fut un manque semblable de coordination chez les rois et les gouvernants de l'Angleterre anglo-saxonne. Cependant, cet ensemble disparate de royaumes celtes finit par succomber sous la pression de l'expansion des Anglo-Saxons. 

 

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